Difficultés scolaires, harcèlement, addictions aux jeux vidéo, problèmes familiaux… Les raisons d’emmener son enfant chez un thérapeute sont de plus en plus nombreuses. Comment savoir quand consulter et à quel spécialiste s’adresser ?
Les conseils d’Agnès Pargade, pédopsychiatre.
La Croix : De plus en plus de parents emmènent leur enfant chez un thérapeute. Comment expliquez-vous le boom de ces consultations ?
Agnès Pargade : Le nombre de consultations chez le psy a augmenté parce que la psychologie n’est plus un sujet tabou comme autrefois où on la croyait réservée aux fous. Ensuite, parce qu’il y a de nouvelles pathologies qu’on ne voyait pas avant et qui touchent d’ailleurs des enfants de plus en plus jeunes. Il y a beaucoup de violence, même chez les petits de maternelle, plus de dépressions, des problèmes liés à la consommation de cannabis et toutes les addictions aux jeux vidéo et aux portables. La société est devenue très anxiogène. Même à la campagne, les enfants ont peur du terrorisme, des enlèvements, des sujets qu’on ne voyait pas il y a vingt ans.
Quels sont les principaux motifs de consultation ?
A. G. : Le premier motif de consultation reste l’école. Les parents consultent un thérapeute parce que l’enfant est agité en classe. Ils pensent généralement qu’il souffre d’hyperactivité avec trouble de l’attention ou alors qu’il fait partie des enfants à haut potentiel intellectuel, mais souvent ce n’est ni l’un ni l’autre. Beaucoup vont également chez l’orthophoniste, ce qui n’est pas toujours indiqué car les problèmes rencontrés viennent plutôt d’un mauvais apprentissage de la lecture.
Il y a des moments clés dans la scolarité qui amènent les parents à consulter : en maternelle lorsque la séparation avec la maman est difficile. En CP, parce qu’il faut apprendre à lire et à écrire. En 6e, au bac, et même à la fac depuis que ces histoires d’orientation empêchent les jeunes de faire ce qu’ils veulent.
En dehors des problèmes liés à l’école, les parents s’adressent à un thérapeute pour des troubles du sommeil et de l’alimentation – des jeunes filles meurent encore aujourd’hui à cause de l’anorexie. Je vois également de plus en plus de jeunes en surcharge pondérale, liée à la « malbouffe » et à la précarité.
Les parents amènent aussi leur enfant parce qu’ils le trouvent « triste ». Ils n’osent pas employer le mot dépression, qui fait encore peur. Cette tristesse peut être liée à des problèmes familiaux, comme un divorce, au harcèlement scolaire ou à une rupture sentimentale. Il ne faut jamais banaliser le chagrin d’amour chez un adolescent. Le risque de suicide est réel.
Quand faut-il consulter ?
A. G. : Les parents peuvent prendre conseil auprès de leur généraliste ou du pédiatre. Mais il faut que l’enfant ait plusieurs symptômes. On ne se précipite pas chez le psy dès qu’il a une mauvaise note ou parce qu’il est fâché avec petits camarades. Ce n’est pas non plus dramatique si on le fait. Ce sera l’occasion de recevoir quelques conseils de la part du spécialiste.
À quel spécialiste s’adresser, justement ?
A. G. : À un pédopsychiatre ou à un psychologue qui peut être aussi psychanalyste, mais il faut savoir que les approches ne sont pas les mêmes. Le psychologue n’est pas médecin et ne pose donc pas de diagnostic. En outre, il n’est pas remboursé. En revanche, il fait passer des tests, à la différence du pédopsychiatre. Les deux spécialités peuvent tout à fait être complémentaires. Personnellement je travaille avec des psychologues pour des tests ou des séances de relaxation, par exemple.
On peut s’adresser à l’un ou à l’autre en cabinet ou dans des centres médico-psycho-pédagogiques. Les parents préfèrent souvent consulter un spécialiste en libéral car les CMPP sont en lien avec l’école.
Comment l’enfant est-il pris en charge et combien de temps dure la psychothérapie ?
A. G. : La première consultation est généralement plus longue (45 minutes) pour retracer l’histoire de l’enfant depuis la grossesse. Idéalement les deux parents sont présents. Puis l’enfant est seul les séances suivantes, avec un compte rendu fait à la famille, à chaque rendez-vous ou de temps en temps. Le spécialiste ne rapporte pas tout ce qui se passe dans le cabinet. Il faut que l’enfant se sente en sécurité et sache qu’on ne raconte pas tout ce qu’il dit.
La durée est variable, selon les symptômes de l’enfant. Moi je fonctionne en année scolaire, pendant deux ans maximum.
Recueilli par Paula Pinto Gomes
Source : La Croix
https://www.la-croix.com/Famille/Enfants/Quand-faut-emmener-enfant-chez-psy-2018-04-10-1200930639