Aujourd'hui j'avais envie de vous parler de quelque chose qui me tient à coeur et qui fait que je me pose beaucoup de questions.
Ce "quelque chose" c'est ma peur. Vous allez comprendre de quoi je parle...
Voilà, ça y est, Noah va avoir 9 ans au mois de mai. 9 ans! J'hallucine en l'écrivant! Evidement, comme toutes les mères du monde, j'ai l'impression que, encore hier, je le tenais dans me bras à la maternité. Mais non, j'ai bien pris 9 ans dans la tronche et cet enfant m'arrive à l'épaule.
9 ans, c'est un âge charnière. Le langage est acquis depuis bien longtemps, l'humour et le second degrés aussi. La notion du danger est bien présente et la rébellion de la pré-adolescence pointe le bout de son nez.
Mais il reste quelque chose qui ne dépend que de moi: l'autonomie. Pardon, je corrige: ma peur de le laisser se débrouiller tout seul.
Quand j'avais neuf ans, j'étais une petite fille qui ne s'arrêtait jamais. Impossible pour moi de rester enfermée à la maison! Pour la petite anecdote, j'ai réussi à m'enfuir de l'école maternelle quand j'avais 5 ans, c'est dire!
Bref, à cette époque, à l'aube de mes 10 ans, j'avais plein de copines dans le quartier où j'habitais et je me retrouvais très souvent à jouer dehors avec elles. Dans les années 90, il flottait une forme d'insouciance au dessus de nos petites têtes d'enfants et, il me semble, que nous étions plus libres.
Quand je dis "plus libres", je parle de la façon dont nos parents appréhendaient le danger. D'ailleurs, de quel danger parle-ton?
Et bien pour être plus claire, aujourd'hui, je suis maman et JAMAIS je n'imaginerais laisser mon fils aller jouer avec des copains au square du bout de la rue. Je ne peux même pas imaginer une seule seconde ne pas l'avoir à portée de vue. J'ai bien trop peur qu'un fou surgisse de derrière un buisson, ou l'embarque dans un camion, qu'il soit tête en l'air au moment de traverser, qu'il se perde... bref, je me fais tous les films possibles et imaginables. Et je veux absolument tout maîtriser.
Ma plus grande peur serait qu'il lui arrive malheur et que cela soit de ma faute. Je ne m'en remettrai pas. La faute à qui? A quoi? Peut-être qu'avant, lorsque j'étais enfant, les médias étaient moins présents dans nos vies. J'ai l'impression que nos parents ne savaient pas tout. Tout ce que nous nous savons aujourd'hui. Tous ces drames, ces accidents volontaires et involontaires...
Aujourd'hui, nous sommes envahis de mauvaises nouvelles, d'histoires atroces. Il suffit d'allumer BFM TV ou encore de zapper sur les émissions qui racontent d'horribles crimes. L'horreur est à portée de télécommande finalement... et l'horreur et la peur sont devenues un business qui malgré nous ponctuent notre quotidien.
Pourtant, quand j'y repense, j'allais à l'école du quartier seule, je pouvais jouer dehors avec mes copains et dépasser parfois les limites imposées par me parents. Cela me procurait un sentiment de liberté! Grâce à cela, j'ai développé une sorte de sixième sens qui me met en garde encore aujourd'hui quand je me retrouve en situation de danger. Je sens les gens. Je sais si ils sont bons ou méchants.
En me laissant cet espace de liberté, mes parents m'ont, sans le savoir, armés pour la vie.
Vous allez vous dire alors "mais pourquoi ne laisses tu pas plus de liberté à ton fils puisque cela t'a été bénéfique?"
Nous vivons dans une société où nous sommes en permanence en alerte pour nos enfants. Et pas que pour les loisirs! Vous trouvez ça normal vous qu'on amène un enfant mensuellement chez le pédiatre même si il n'est pas malade "pour vérifier que tout va bien"? C'est quand même terriblement anxiogène!
Quand j'étais petite, j'allais chez le médecin généraliste quand j'avais quelque chose! Pas pour m'assurer que "tout allait bien"! Mes parents avaient assez de jugeote pour s'en rendre compte tout seuls... Aujourd'hui on veut anticiper toute forme de danger. Moi la première. Nous vivons avec la peur qu'il arrive quelque chose de grave.
Au final, que risquent nos enfants à explorer la vie et à devenir autonomes?
Si il monte sur ce muret et qu'il tombe, au pire, il se cassera un bras? Je sais, c'est grave, mais est-ce si dramatique?
Si il se coupe en m'aidant à cuisiner, est-ce si terrible?
Si il se perd et demande son chemin, n'est-ce pas une victoire?
Et puis ma peur de l'enlèvement n'est peut-être pas légitime finalement. Quand on sait que la plupart des kidnappings sont fait dans le cadre familial...
Je me pose toutes ces questions en ce moment et je me demande à quel âge doit-on leur permettre d'explorer le monde? A quel âge doit-on lâcher la bride? Apparemment, je suis en plein dedans et il va falloir que je travaille sur moi!
J'ai remarqué que ma peur de tout déteint sur Noah. Je me dis que j'en fais quelqu'un de prudent grâce à cette anticipation du danger.
Et en même temps je me demande si je lui rends vraiment service, si c'est vraiment ça "la vie". Si il ne doit pas avoir confiance tout simplement. Toucher les limites du bout des doigts. Connaître l'odeur du danger. Savoir où il peut s'aventurer et où il ne peut pas. Car, je ne serai pas toujours là finalement...
Alors je vais tenter de lui accorder de plus en plus d'autonomie. De vaincre mes peurs. De lui dire que la vie doit se vivre. Qu'on doit éviter le danger mais qu'il est aussi important de lui faire face, de temps en temps, pour en définir les contours et se sentir vivant.
Je suis sûre que beaucoup d'entre vous sont dans mon cas alors si vous avez des conseils, je suis tout ouïe!
Par Sylvie Schneider
Maman et auteure du blog Gang of mothers
Source : Huffington Post