Votre enfant de 8 ans dit avoir une peine d'amour. Déjà, à son âge? Oui, c'est possible. Que faire? Comment le consoler? Conseils et témoignages.
Soigner un petit coeur brisé
Votre enfant vous a récemment confié que son amoureux(euse) l'a laissé tomber. Mais il est si jeune! vous dites-vous. Comment l'aider à gérer ses émotions sans minimiser son problème.
D'abord, il est légitime de se demander si un enfant peut réellement être amoureux à 8 ou 9 ans. «L'enfant développe des relations très fortes émotivement avec ses parents, frères, soeurs et grands-parents. Il se peut que, pour la première fois, l'enfant démontre un grand attachement pour un autre enfant qui n'est pas un membre de sa famille», affirme Stéphanie Léonard, docteure en psychologie. Cependant, elle ne croit pas que les enfants aient la même conscience de l'amour que les adultes. «Le concept de l'amour à cet âge, c'est un lien privilégié très fort qui se développe envers une autre personne.»
La psychologue Suzanne Vallières met toutefois en garde les parents sur les mots à utiliser pour désigner les amoureux. «Il est préférable d'éviter de dire chum et blonde, mais plutôt employer les mots copain et copine. Les enfants, à cet âge, veulent souvent imiter les adolescents et c'est notre rôle de les recadrer parce que justement ils ne sont pas encore des adolescents.»
Soulignons que tous les enfants ne vivront pas nécessairement de peine d'amour alors que la majorité des adolescents traverseront cette épreuve. Le chagrin d'amour des enfants n'est pas un passage obligé, il n'y a donc pas lieu de s'inquiéter.
Selon Suzanne Vallières, certains parents vont tirer une trop grande fierté en apprenant que leurs enfants ont des amoureux. «Ils vivent ça comme quelque chose de valorisant, car ça signifie à leurs yeux que leur enfant est populaire, séduisant et plein de qualités», souligne-t-elle. La psychologue entend parfois des parents dire: «Ma fille pourrait avoir un amoureux différent toutes les semaines» ou «Elles sont toutes folles de mon fils!».
«Les enfants sont en plein développement à cet âge-là. Les amis changent. Ils sont très influençables, alors un petit conseil: n'encouragez pas vos enfants à vivre des histoires d'amour», croit Suzanne Vallières.
Gérer les émotions
Les enfants ont souvent de la difficulté à gérer leurs émotions, et cette peine d'amour peut les ébranler. Cette épreuve est une nouvelle étape dans leur vie, il est donc important d'être présent.
«Ressentir des émotions pour une personne est une chose, mais être rejeté ou mis de côté en est une autre, explique Stéphanie Léonard. Les enfants, au niveau cognitif, n'ont pas toujours les bons mots pour exprimer ce qui leur arrive.»
«Parfois notre difficulté comme parent, c'est de nous taire. On peut laisser venir son enfant, le laisser nous parler, sans trop poser de questions.»
Les filles et les garçons vont-ils réagir différemment? «Les filles sont souvent plus avancées à 10-11 ans, car leur puberté survient un peu avant. Elles vont avoir plus de facilité à identifier ce qu'elles ressentent alors que les garçons vont essayer de s'évader en jouant à des jeux sur leurs tablettes, par exemple», estime Stéphanie Léonard, qui précise que les garçons ressentiront plus de colère que de tristesse.
«Attention, une charge émotive sera parfois déversée sur les frères et soeurs!», prévient-elle.
Si la peine d'amour dure longtemps
Quand on sent que ça perdure et que notre enfant n'est plus seulement triste mais déprimé, qu'il s'isole beaucoup et que ses habitudes changent, il faut lever le drapeau. La peine d'amour est peut-être devenue le déclencheur d'un autre mal-être qui existait auparavant et qui le propulserait vers un état dépressif. Ça peut durer quelques jours, une semaine ou deux, mais si l'état général de l'enfant ne va pas mieux, il faudra peut-être consulter.
Conseils de Stéphanie Léonard, docteure en psychologie
Avoir de l'empathie
«Il ne faut pas minimiser sa peine. On ne va pas dire "À ton âge, franchement, reviens-en!" ou "Tu sais, il y en aura d'autres!". Au niveau du développement, ce ne sont pas des interventions qui vont aider l'enfant. Il faut être empathique, être à l'écoute, car on sait que ce ne sera pas la dernière peine d'amour qu'il vivra.»
Être présent
«Être là. On peut le dorloter, le distraire, ça peut faire du bien. Lui demander ce qu'il aimerait faire, regarder un bon film, commander de la pizza, organiser une activité que l'enfant apprécie.»
Gérer ses émotions
«C'est une occasion d'enseigner à son enfant comment gérer ses émotions. Lui dire que c'est possible qu'il ressente quelque chose de très fort, mais qu'il n'y a pas forcément une explication à cela, c'est normal.»
Une étape de la vie
«C'est un moment où on peut leur confier que nous aussi, on en a eu, des peines d'amour! Il y a des enfants avec qui ça marche, d'autres pas. Sans ramener toujours à soi, c'est une façon de valider cette émotion comme une étape normale de la vie.»
Se transposer
«Quand on sent que l'enfant est désemparé, on peut lui dire: Si ton ou ta meilleure amie vivait la même chose que toi, tu lui suggérais quoi? Il y a souvent une facilité pour l'enfant de se transposer dans des situations. Il va peut-être répondre: "Je lui dirais, pleure, ça va aller!" ou "Viens, on va aller jouer!".»
«Ils sont devenus le petit couple de la classe»
Deux mères témoignent des chagrins d'amour vécus par leur enfant.
Le fils de Katia, Hadrien, a eu un coup de foudre dès la maternelle pour Louise, une petite fille de sa classe. Heureusement, c'était réciproque.
«Ils sont devenus le petit couple de la classe. Louise l'aidait à mettre son manteau, ils se tenaient par la main, se faisaient des petits bisous, ils étaient inséparables. Hadrien était vraiment fou d'elle et leur histoire d'amour a duré près de 16 mois!», raconte Katia.
Le petit Hadrien a dû s'absenter pendant six semaines à cause d'un problème de santé; il a eu une petite déception quand il est revenu à l'école. «Louise l'avait oublié et lui a dit "Je ne t'aime plus, j'aime une fille"! Le pauvre, il ne se sentait plus aimé et ne voulait plus aller à l'école, car il n'en voyait plus l'intérêt. Il disait: "Louise ne m'aime plus." Je sentais que son monde s'écroulait. Ç'a été dur. En tant que parent, tu mesures l'impuissance que tu vivras lorsqu'il y aura les grandes peines d'amour à l'adolescence.»
Odile a un fils qui a toujours été un grand amoureux. Dès 3 ans, il disait: «Nina a de beaux yeux bleus.»
Puis, en deuxième année, il avait tricoté un cache-cou rose et bleu pour la petite Jessica qui ne l'a jamais porté. Il a eu le coeur brisé. «Un peu plus tard en 5e année, il était amoureux de Marie-Hélène, il lui avait écrit une belle lettre d'amour pour la Saint-Valentin, mais il ne la lui a jamais remise, car un autre garçon, plus grand, lui avait remis une lettre avant lui. «Est-ce que les filles plus grandes peuvent aimer les garçons plus petits comme moi? avait-il demandé, larmes aux yeux. Je sais qu'il ne faut pas diminuer la peine des enfants, je comprends l'intensité du sentiment amoureux et j'ai eu de belles discussions avec lui. Je fais très attention pour qu'il ne manque pas de confiance en lui», témoigne Odile.
Par OLIVIA LÉVY
Source : La Presse
http://www.lapresse.ca/vivre/famille/201706/05/01-5104457-mon-enfant-a-un-chagrin-damour.php