Mère après 40 ans, que du bonheur ?

mer, 01/18/2017 - 10:35 -- siteadmin

Les unes ont un bambin de 3 ans et arborent fièrement leurs 45 ans. D’autres ont 55 ans mais, grâce à leur ado, connaissent les One Direction et le « Gangnam Style ». Devenir maman à l’âge où certaines deviennent grands-mères, ça change quoi ?

Les démographes les ont baptisées « mères tardives ». C’est joli, cela fait penser aux vendanges et à leurs fruits dorés. Plus joli sans doute que « vieilles mamans ». Surtout qu’en 2013 on n’est pas vieille à 50 ans. Il reste cependant que ces « jeunes mères » sont bien des mamans âgées. Plus âgées, en tout cas, que la moyenne. Et que cela change un certain nombre de choses. « Pourquoi tu ne joues jamais au ballon avec moi, comme la mère d’Anna ? » a demandé un jour Cléa, 5 ans, à Christine, sa mère de 44 ans. « Ayant toujours détesté le sport, je me suis justifiée en songeant que, même à 30 ans, je n’aurais jamais passé une heure à courir dehors, répond- elle. Et pourtant, en voyant le regard d’envie de ma fille sur la mère de sa copine, je n’ai pas pu m’empêcher de sentir une pointe de culpabilité… » Culpabilité, le mot est lâché : « Moi, vieille mère, suis-je une bonne mère ? »

« Celles qui s’interrogent ainsi l’auraient sans doute fait aussi avec dix ans de moins, mais en se trouvant d’autres inquiétudes, sourit le pédopsychiatre Marcel Rufo. “Suis-je assez disponible ? trop étouffante ?” Commençons donc par rappeler à ces mamans anxieuses qu’il n’y a pas plus de mère parfaite que d’âge idéal pour élever un enfant. » Maman ne fait pas de cabrioles, ne se jette pas à quatre pattes pour jouer par terre ? « Et alors ? interroge le pédopsychiatre Stéphane Clerget. Même si c’est bien de jouer avec son enfant lorsque l’on en a envie, c’est également très bien de le regarder jouer. Fondamentalement, c’est même plus utile. Le rôle de parent, c’est d’abord d’être présent et attentif, pas d’être un copain supplémentaire. »

« On n’a pas le même regard sur la vie ni les mêmes priorités à 50 ans qu’à 25, se dit Anne, 55 ans et maman adoptive de Léna, 16 ans aujourd’hui. Alors oui, je préfère prendre le temps de l’emmener en balade plutôt que de passer l’après-midi à décorer le salon pour un anniversaire. »

« Les femmes qui deviennent mères dans leur maturité peuvent construire sur cet axe, en étant fi ères d’offrir à leurs enfants les acquis de leur vie et un certain recul sur la société ou sur la consommation, commente Sylviane Giampino, psychanalyste et psychologue spécialiste de la petite enfance. Surtout, elles ont souvent une disponibilité supérieure à celle qu’elles auraient eue à 30 ans, quand il leur fallait faire leurs preuves au travail. »

« On me prend pour sa grand-mère »

C’est souvent par le regard de ses pairs que l’enfant relève l’âge de ses parents. Tant qu’il est petit, il s’en étonne tout simplement. « Ce n’est pas une souffrance pour lui, plutôt une curiosité, assure la psychologue et psychothérapeute Christine Brunet. Et c’est une occasion idéale pour lui raconter son histoire : lui expliquer qu’il est né d’une fécondation in vitro, par exemple, lui redire le grand moment qu’a été son adoption… Ou pour simplement souligner : “J’ai attendu de rencontrer ton papa.” Il ne s’agit ni de se justifier ni de l’inciter à se justifier, lui, en racontant à l’école la vie de ses parents. Ce sont des récits à usage personnel dont l’enfant peut s’emparer pour nourrir son roman familial. » Une fois ado, même s’il ne l’avoue jamais à ses parents, l’enfant ne sera sans doute pas mécontent de trouver dans le passé plus riche de ses « vieux » matière à se poser et à s’imposer face à des pairs qui sont autant amis que rivaux : « Ma mère est docteure » ; « Mon père connaît l’Afrique »…

Mais il n’y a pas que le regard des petits copains qui pèse sur les rides des mamans matures. « Les autres parents et les instituteurs, c’est la grande claque ! s’exclame Christine. À Paris, mes copines avaient des enfants à peine plus âgés que les miens. Mais dans le village de campagne où nous sommes aujourd’hui installés, j’étais l’une des trois “vieilles” à la grille de l’école. Plus âgée même que certaines institutrices, qui en étaient parfois déstabilisées. » Le constat doit être modéré selon la personnalité de chacune, bien sûr, mais « quand vous avez quinze ans de plus qu’elles, et un statut de cadre en prime, vous êtes intimidante pour les autres mamans, regrette Françoise, 49 ans, mère de Lara, 9 ans. Les relations sont cordiales, mais restent plus distantes. » Socialement, l’enfant ne joue pas le même rôle intégrateur pour ces femmes en décalage temporel.

« Je suis fatiguée »

Christine, Anne, Françoise, Laure, Laurence, toutes les mamans tardives interrogées pour cet article ont commencé par ce cri du cœur. Pas de mauvais souvenirs de grossesse, non, c’est ensuite que cela se corse : les nuits fractionnées des premiers mois dont on n’arrive pas à récupérer ; les courses contre la montre pour être à l’heure aux activités ou aux sorties d’école ; les sollicitations permanentes des enfants. « Ce n’est que du bonheur et je ne regrette rien, insiste Laure, 48 ans, maman de Louis, 5 ans. Mais c’est un épuisement que je n’avais pas anticipé, et je suis sûre que j’aurais mieux tenu le choc il y a dix ans.»

Sylviane Giampino propose d’envisager différemment cette sensation de surmenage, pour mieux la combattre peut-être : « Au-delà de la fatigue physique, cette plainte est aussi une expression de l’inquiétude qui touche les mères de tout âge. D’abord nourrie par le stress de la vie quotidienne quand l’enfant est petit, elle est ensuite attisée par l’angoisse du futur quand l’enfant avance dans sa scolarité. » Serai-je là suffisamment longtemps ? Pourrai-je suivre, financièrement mais aussi psychologiquement, le parcours de mon enfant ? La fatigue est également un signe d’anxiété.

« Je suis plus stricte »

« Après une carrière très prenante, je me suis posée sans regrets pour avoir un enfant, raconte Françoise. C’est dans son éducation que je m’investis aujourd’hui, avec le souci de faire au mieux. Est-ce dû à mon âge ou à mes réflexions personnelles ? Mais je suis plutôt moins cool que bien des parents de ses copines. Par exemple, je suis ébahie de voir ces enfants qu’on laisse écouter les conversations d’adultes au lieu de les envoyer jouer après le repas. Je n’irais pas jusqu’à imiter mes parents, qui nous interdisaient de parler à table, mais de là à laisser des petits tout entendre… » Ces mères de plus de 40 ans constatent que, nées dans les années 1960, elles ont été élevées par des parents nés à la fin des années 1930. De fait, elles prennent leurs repères éducatifs plus haut sur l’échelle du temps : « J’ai des principes que mes jeunes cousines, nées dans les années 1970, n’ont pas vraiment avec leurs propres enfants », remarque Christine.

Pas vraiment « mamies gâteaux », les mamans tardives seraient-elles plus strictes ? En matière scolaire, en tout cas, Marcel Rufo n’en doute pas : « Elles sont surreprésentées en consultations de pédopsychiatrie. Le petit ne lit pas encore en grande section de maternelle ? Aussitôt, elles craignent un problème d’apprentissage. » Et le fait que ces mères sont souvent très diplômées n’explique pas tout : « Elles ont l’impression que le temps leur est compté, constate le pédopsychiatre. Comme elles craignent de ne plus être là quand leur enfant aura 30 ans, elles mettent le paquet sur le présent et investissent dans sa réussite scolaire. Une exigence de performance qui pèse parfois lourdement sur l’enfant, surtout si ce dernier est unique.»

« Vais-je vivre assez longtemps ? »

Tous les enfants nous renvoient à notre vieillissement puisqu’ils nous font monter d’un cran sur l’échelle des générations. Mais c’est peut-être plus sensible pour les parents matures : « Leurs dernières années en pleine forme, voire les premières années de leur retraite, seront consacrées à leur enfant plutôt qu’à profiter de la vie. Ceux qui ont été parents à 20 ans se demandent parfois s’ils ne sont pas passés à côté de leur jeunesse ; les plus âgés doivent faire, eux, le deuil d’une certaine liberté pour leurs années de plénitude, constate la psychologue Claudine Badey-Rodriguez. Et la mère de 55 ans, confrontée à la ménopause au moment où sa propre fille entre dans la puberté et éclate de féminité, peut être renvoyée à une impression de déclin personnel. »

En revanche, du côté de la jeune fille, il est plutôt positif d’avoir une mère moins tentée de jouer la grande sœur ou susceptible d’entrer, inconsciemment, en rivalité. « Elle a ainsi moins d’efforts à fournir pour défusionner et s’affirmer, et son adolescence sera peut-être moins marquée par la recherche d’outrance et d’excès », souligne Stéphane Clerget.

« Je ne veux pas qu’il soit mon bâton de vieillesse »

« Est-ce que tu vas mourir bientôt ? » a demandé Louis en regardant les mèches grises de sa mère. Et Laure s’est souvenue qu’elle aussi avait posé cette question-là… à sa grand-mère. Quand les parents sont âgés, il n’y a parfois plus de grand-parent encore en vie. « Ils ne sont plus là pour tenir ce rôle d’écran avec la mort à l’âge où les enfants en prennent conscience, précise Marcel Rufo. Et ces derniers peuvent alors en ressentir une certaine angoisse. »

« Tout enfant se demande un jour à quel âge il sera orphelin, note le psychanalyste Jean-Pierre Winter. Et quand les parents sont un peu âgés, il arrive que d’autres interrogations viennent s’ajouter à celle-ci. La petite fille se demande si sa mère verra ses propres enfants. Plus âgés, les jeunes gens, à peine entrés dans la vie active, se demandent s’ils ne seront pas un bâton de vieillesse pour leurs parents avant même d’avoir fondé leur propre famille. Ces inquiétudes bien réelles doivent quand même être relativisées par une autre réalité : aujourd’hui, on peut être en pleine possession de ses moyens à 70 ans ! » A fortiori quand on prend soin de soi, ce qui est bien souvent le cas des mères tardives. Beaucoup d’entre elles, en effet, prennent très au sérieux leur santé, et pour cause : il n’est pas question que celle-ci pèse sur les épaules de leur « petit » !

Par Christine Baudry

Source: Psychologies.com

http://www.psychologies.com/Famille/Etre-parent/Mere/Articles-et-Dossiers/Mere-apres-40-ans-que-du-bonheur

 

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