Selon Santé Publique France, plusieurs dizaines de milliers de cas d'asthme seraient évitables chaque année en France chez les écoliers, si les classes étaient par exemple mieux aérées.
Pollution routière aux abords des établissements scolaires, lien entre aération des salles de classe et propagation des virus: les études sur l'impact de la qualité de l'air sur la santé des élèves se sont multipliées ces dernières années. La question a même été centrale lors de l'épidémie de Covid-19. Cette fois, Santé publique France (SpF) publie ce mardi les résultats de la première évaluation quantitative des impacts sanitaires de certains polluants présents dans les écoles.
Et selon ce rapport, les 12 millions d'élèves qui font leur rentrée chaque année en France sont bel et bien exposés à une pollution qui nuit à leur santé: plusieurs dizaines de milliers de cas d'asthme chez les écoliers de 6 à 11 ans seraient même évitables si l'on réduisait leur exposition au formaldéhyde (un polluant chimique) et aux moisissures.
Il faut savoir que les enfants sont plus sensibles à la pollution de l'air « en raison du plus grand volume d'air respiré par rapport à leur poids », rappellent les auteurs du rapport, mais aussi parce que leurs « systèmes immunitaire et respiratoire [sont] immatures. » Une enquête nationale menée il y a dix ans estimait que 12% des élèves de CM2 avaient déjà eu de l'asthme, une pathologie qui a explosé « depuis la seconde moitié du XXe siècle, principalement dans les pays industrialisés ».
Revêtement et mobilier «contaminés»
Santé publique France a concentré son étude sur deux substances sur lesquelles elle possédait assez d'informations, grâce aux données de l'Observatoire de la qualité de l'air intérieur (OQAI): le formaldéhyde et les moisissures. Le premier est un polluant chimique présent dans le mobilier - notamment les dérivés du bois tels que les agglomérés, contreplaqués, etc. - mais aussi les colles, les peintures… Bref, du sol au plafond. « On sait que le matériel neuf va en émettre beaucoup, l’exposition se réduisant ensuite avec le temps », précise Marion Hulin, épidémiologiste à SpF et coauteur du rapport. Elle ajoute toutefois qu'il faut « davantage considérer le formaldéhyde comme un marqueur d'exposition à un groupe de polluants plus vaste, les composés organiques volatils », et qu'il est difficile de dissocier l'effet de chacun. Quoi qu'il en soit, « plusieurs études ont mis en évidence des liens entre l'exposition prolongée au formaldéhyde et des effets allergiques et/ou respiratoires », selon le rapport.
Quant aux moisissures, qui se développent en fonction de l'humidité, de la luminosité et de la température d'une pièce, les preuves d’une relation entre leur présence et le développement ou l'exacerbation l'asthme chez l'enfant ont récemment été considérées comme « suffisantes » par l’Anses (l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail).
Pour mener à bien cette première évaluation, les auteurs du rapport ont réalisé une revue de littérature sur les relations de causalité entre l’exposition à ces polluants et l’asthme. Ils se sont aussi appuyés sur une enquête menée il y a dix ans par l’OQAI sur la concentration de ces substances dans un échantillon représentatif de 301 écoles, et sur une estimation du nombre d'enfants asthmatiques en France. Ils en ont tiré divers scénarios, en fonction de l'aération ou non des salles de classe.
Les experts constatent ainsi que près de 30 000 cas d'asthme seraient évitables chaque année chez les enfants de 6 à 11 ans si l'on réduisait leur exposition au formaldéhyde, et près de 12 000 cas de la maladie disparaîtraient en se débarrassant des moisissures.
« La première chose: aérer »
Comment réduire cette pollution? « La première chose à faire, c'est d'aérer », insiste Marion Hulin. Dix minutes, été comme hiver, à chaque recréation par exemple, et pendant les activités manuelles quand les élèves utilisent de la colle. Les collectivités peuvent pour leur part choisir du mobilier ou des revêtements qui émettent moins de polluants, puis les entreposer dans un autre bâtiment l'espace d'une semaine, quand ils relâchent le plus de ces substances, avant d’exposer les enfants.
« La crise du Covid a mis en lumière l'intérêt de ces gestes pour les risques infection, conclut l'épidémiologiste. Le message que l'on veut faire passer, c'est que le bénéfice va bien au-delà, sur l'asthme, voire sur l'apprentissage des enfants. »
Les auteurs du rapport soulignent les limites de cette première évaluation, à commencer par les incertitudes qui subsistent sur le lien entre exposition au formaldéhyde et asthme de l'enfant. L’étude porte en outre sur des observations d’il y a dix ans et devrait dans l’idéal être complétée par « des données d'exposition et de santé spécifique à chaque établissement ». Elle met toutefois « en lumière l'importance de poursuivre les actions d'amélioration de la qualité de l'air» dans les écoles, indique SpF... surtout quand on sait que l’on passe en moyenne 90% de notre temps dans des espaces clos.
Source: Le Figaro