Des bébés naissent dans des conditions « infernales » à Gaza et nombre d'entre eux risquent de mourir à cause des conditions de plus en plus désastreuses dans l’enclave palestinienne dues au conflit entre Israël et le Hamas, ont prévenu vendredi des agences humanitaires de l’ONU.
Réitérant les appels internationaux urgents à un cessez-le-feu humanitaire, le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) a signalé qu'il y a eu près de 20.000 naissances depuis le début des bombardements israéliens généralisés, en réponse aux attaques sanglantes du Hamas en Israël qui ont fait quelque 1.200 morts et environ 250 personnes prises en otages.
Les problèmes chroniques d'accès à l'aide ont fait que des césariennes ont été pratiquées sans anesthésie tandis que d'autres femmes n'ont pas pu accoucher de leur bébé mort-né en raison du personnel médical débordé, a indiqué l'agence des Nations Unies.
« Les mères sont confrontées à des défis inimaginables pour accéder à des soins médicaux, à une nutrition et à une protection adéquats avant, pendant et après l'accouchement », a déclaré Tess Ingram, Spécialiste de la communication à l'UNICEF. « Devenir mère devrait être un moment de célébration. À Gaza, c'est un autre enfant qui nait en enfer ».
Faisant écho à ses profondes inquiétudes face à la détérioration de la situation humanitaire, le Directeur général de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, s'est dit alarmé par la confirmation d'infections à l'hépatite A à Gaza.
« Les conditions de vie inhumaines - presque pas d'eau potable, de toilettes propres et la possibilité de garder les environs propres - permettront à l'hépatite A de se propager davantage et mettront en évidence à quel point l'environnement est extrêmement dangereux pour la propagation des maladies », a écrit le Dr Tedros sur la plateforme X, anciennement Twitter.
Les dernières données de l'OMS indiquent qu'en moyenne, 500 personnes partagent les mêmes toilettes et plus de 2.000 personnes doivent utiliser une seule douche, ce qui augmente le risque de propagation de maladies.
Outre une forte augmentation des infections des voies respiratoires supérieures, les cas de diarrhée chez les enfants de moins de cinq ans enregistrés au cours des trois derniers mois de 2023 étaient 26 fois plus élevés que les cas signalés pour la même période en 2022, a noté l'agence sanitaire des Nations Unies.
« Les gens sont poussés vers des endroits de plus en plus petits. Ils se retrouvent dans des abris surpeuplés, sans accès à l’eau potable et aux toilettes », a dit un porte-parole de l’OMS, Tarik Jasarevic.
« Une grande partie de la population de Gaza – les personnes blessées et subissant des bombardements– a besoin d'une aide médicale immédiate », a déclaré le responsable de l'OMS, soulignant que le complexe médical Nasser à Khan Younis ne comptait plus que deux médecins dans son service d'urgence, contre 24 avant la guerre, avec seulement 14 lits de soins intensifs aujourd'hui, contre 45, et seulement quatre infirmières disponibles sur 20 initialement.
Un peu de soulagement
Pour aider les femmes et les enfants les plus vulnérables de Gaza, l’UNICEF a assuré la livraison de lait maternisé et de suppléments aux mères trop faibles pour allaiter, ainsi que de fournitures médicales pour les équipes médicales surchargées – mais il reste encore beaucoup à faire.
S'exprimant depuis Amman en Jordanie après son retour du sud de Gaza, Mme Ingram a expliqué que le personnel de l'hôpital émirati de Rafah, débordé, a été contraint de faire sortir les mères « dans les trois heures suivant une césarienne » – une situation « au-delà de toute compréhension et qui nécessite une action immédiate ».
Quelque 105 jours après le début de la guerre, elle a insisté sur le fait que les bombardements et les déplacements constants « ont un impact direct sur les nouveau-nés, entraînant des taux plus élevés de dénutrition, des problèmes de développement et d'autres complications de santé ».
Conditions « inhumaines »
On estime qu'environ 135.000 enfants de moins de deux ans risquent aujourd'hui de souffrir de malnutrition sévère, a poursuivi Mme Ingram, dans un contexte de conditions « inhumaines » caractérisées par des abris de fortune, une mauvaise alimentation et une eau insalubre.
« Voir des nouveau-nés souffrir, alors que certaines mères se vident de leur sang, devrait nous empêcher de dormir la nuit », a-t-elle déclaré. « Savoir que deux très jeunes enfants israéliens enlevés le 7 octobre n’ont toujours pas été libérés devrait également nous tenir éveillés ».
Le bilan mortel approche les 25.000
Faisant écho à ces inquiétudes, le bureau des droits de l’homme des Nations Unies, le HCDH, a exprimé sa profonde préoccupation face aux informations selon lesquelles près de 25.000 personnes auraient été tuées, selon le ministère de la Santé de Gaza. On estime que 70% d'entre eux sont des femmes et des enfants et qu'au moins 61.500 autres personnes ont été blessées, tandis que « plusieurs milliers d'autres sont sous les décombres, dont beaucoup sont présumés morts ».
Dans sa dernière mise à jour sur la crise, le Bureau de coordination de l'aide de l'ONU, OCHA, a réitéré ses profondes inquiétudes quant au fait que les missions de secours sûres et efficaces « partout à Gaza » restent « fortement compromises par les restrictions israéliennes sur l'importation d'équipements essentiels, y compris les appareils de communication appropriés ».
Les refus d'accès de l'armée israélienne aux zones situées au nord de Wadi Gaza « ont également entravé les efforts visant à intensifier la fourniture d'une assistance vitale dans ces zones et ont ajouté des coûts importants à la réponse globale », a affirmé le bureau de l'ONU.
Une véritable cocotte minute
S'adressant aux journalistes à Genève depuis Gaza, le chef du bureau des droits de l'homme des Nations Unies dans le territoire palestinien occupé, Ajith Sunghay, a déclaré que les personnes déplacées continuent d'arriver à Rafah « par milliers ».
« J’ai vu des hommes et des enfants chercher des briques pour pouvoir maintenir en place des tentes fabriquées avec des sacs en plastique. Il s’agit d’une crise massive des droits de l’homme. Et une catastrophe humanitaire majeure, d’origine humaine. Gaza a besoin d’une intensification urgente de l’aide humanitaire, y compris de la réponse en matière de protection », a-t-il dit.
La panne de télécommunications qui dure depuis plusieurs jours se poursuit, a déclaré M. Sunghay, ajoutant que cela « ajoute à la confusion et à la peur » car cela empêche les habitants de Gaza d'accéder aux services et aux informations sur l'endroit où ils devraient évacuer.
« C'est une véritable cocotte minute ici, au milieu d'un chaos total, compte tenu de la terrible situation humanitaire, des pénuries et de la peur et de la colère omniprésentes », a poursuivi le responsable du HCDH, avant de décrire à quel point « les bombardements intenses sur le centre de Gaza et Khan Younis » sont « clairement visibles et audibles depuis Rafah – surtout la nuit ».
Après son arrivée à Gaza lundi, M. Sunghay a expliqué qu'il pouvait « entendre des bombardements parfois plusieurs fois par heure ». La nuit était « le moment le plus terrifiant » des frappes, a-t-il noté, pour les habitants de Gaza et les plus de 100 civils toujours retenus en otages dans l’enclave, qui sont « invisibles (et) qui entendent très certainement les mêmes sons et ressentent la même peur ».
Source: ONU Info
https://news.un.org/fr/story/2024/01/1142467