Le problème n’est pas nouveau, mais la prise de conscience quant à l’urgence de la situation est récente.
Cette tribune collective est signée par des élus, des représentants de parents, d’entreprises, d’associations et des spécialistes de l’enfance.
Huit enfants sur dix se retiennent d’aller aux toilettes à l’école . Au-delà des conséquences physiques et psychologiques, la question de l’hygiène des toilettes scolaires relève des droits les plus essentiels des enfants, et cela doit inciter les pouvoirs publics à mobiliser l’ensemble des acteurs et à mettre en place des solutions dès la rentrée 2023.
Le problème n’est pas nouveau, mais la prise de conscience quant à l’urgence de la situation, elle, est récente. Alors que l’Éducation nationale a publié un guide d’aménagement et que de nombreuses collectivités ont engagé la rénovation de leurs toilettes scolaires, le problème persiste pour plusieurs raisons: l’enjeu est traité en silo alors qu’il devrait être coordonné entre les instances locales et nationales ; la rénovation des toilettes se limite souvent à une réfection à l’identique du bâti au détriment d’une réflexion globale basée sur les besoins des enfants ; une différence de traitement persiste entre filles et garçons dès le plus jeune âge ; et enfin, de nombreux territoires souffrent d’un manque de moyens.
Pourtant, l’hygiène des sanitaires a un impact sur la santé et l’apprentissage des enfants! «On n’a pas de papier pour s’essuyer les fesses», «c’est dégoûtant», «il y a plein d’eau et de papiers partout et c’est sale», «je me retiens presque tous les jours»: quel parent n’a pas entendu ces phrases ou d’autres du même type? Ces problèmes sont identifiés, mais font constamment l’objet d’arbitrages budgétaires.
Un espace d’impunité
Faute d’intimité et de surveillance, les toilettes sont aussi devenues un espace d’impunité et le premier lieu de harcèlement scolaire. Quel enfant ne connaît pas des toilettes au verrou cassé ou aux espaces permettant de regarder par-dessus la porte? Plus d’un enfant sur deux évoque un manque d’intimité, faisant des toilettes des lieux de honte, considérés par la Défenseur des droits comme de «véritables repoussoirs, voire des zones de non-droit où tout type de violence peut survenir».
Sans intimité et sans surveillance, on envoie aux enfants le message que leur sécurité n’est pas assurée, et on laisse se mettre en place les conditions du harcèlement. Face à ce manque d’hygiène et de sécurité des sanitaires, l’enfant élabore des stratégies conduisant à de mauvaises habitudes pouvant mener à des troubles physiques et psychologiques récurrents y compris à l’âge adulte: cystites, infections urinaires, douleurs abdominales, angoisses. Certains enfants avouent même se priver de boire pour ne pas avoir à aller faire pipi.
Garantir l’intimité des lieux
Pourtant, des solutions existent. Pour les experts de l’aménagement des établissements scolaires, il faut repenser les toilettes en partant des besoins des enfants et non en fonction des a priori des adultes ou des habitudes du passé. Pour les professionnels de l’éducation formelle ou informelle, il y a là un enjeu du vivre-ensemble, que l’on soit fille ou garçon, qui doit être pris en compte. L’essentiel consiste à garantir l’intimité des lieux par exemple en supprimant les urinoirs et en installant des portes pleine hauteur qui ferment: 68 % des enfants iraient plus facilement si les urinoirs étaient remplacés par des toilettes fermées. Enfin, on peut différencier les toilettes par classe d’âge: 62 % des enfants déclarent qu’ils se sentiraient plus à l’aise s’ils étaient avec des congénères de leur âge.
Force est de constater que si les solutions existent, leur rayonnement est faible. Une mission d’information parlementaire sur le sujet permettrait d’organiser une concertation entre tous les acteurs et de formuler des recommandations pour le bâti et des règles de vie collective. Pour accompagner les écoles dans cette transformation, nous demandons par ailleurs à l’occasion du projet de loi de finances 2024 la mise en place d’un fonds national pour permettre une équité dans la réussite des projets de rénovation sans distinction de taille de ville, d’établissement, de géographie ou de moyens.
Nos enfants subissent une situation qu’aucun adulte ne serait prêt à endurer dans un environnement personnel ou professionnel. L’hygiène et l’usage des toilettes à l’école sont autant un sujet de santé publique que d’éducation, de sécurité et d’aménagement des espaces. Des enjeux qui concernent aussi bien les collectivités que le gouvernement. La situation appelle une réponse collective, massive et urgente pour améliorer le bien-être de tous les enfants de la République, et leur apprendre à vivre ensemble, filles et garçons, dans le respect et l’égalité.
Source: Le Figaro