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Après plus de quatre ans de crise économique aiguë, la plupart des familles libanaises luttent pour survivre, ce qui a des conséquences désastreuses sur la nutrition et l'alimentation des enfants, et par conséquent sur leur bien-être général, leur développement et leur survie même.
La nécessité d'une nutrition adéquate est particulièrement cruciale dans la petite enfance, car ce que les enfants mangent détermine leur survie et façonne leur croissance, leur développement et leur apprentissage pour le reste de leur vie. Les enfants bien nourris grandissent, apprennent, se développent, jouent et participent plus efficacement. Pour alimenter leurs cerveaux, pour développer pleinement leur potentiel, il est essentiel que les enfants consomment des aliments diversifiés (selon le score UNICEF-OMS de diversité alimentaire dans la petite enfance) et en quantité suffisante. On retrouve ces aliments dans le lait maternel, les fruits et légumes, les céréales, les œufs, la viande, les noix et les produits laitiers. Les enfants doivent consommer des produits provenant d'au moins cinq des huit groupes d’aliments recommandés afin atteindre la diversité alimentaire minimale.
Dans le monde, 90 % des enfants vivant dans l'extrême pauvreté alimentaire sont particulièrement vulnérables aux retards de croissance et à l'émaciation, qui sont les formes les plus dangereuses de dénutrition dans la petite enfance. Elles peuvent multiplier par 12 le risque de décès et compromettre leur capacité à se développer et à atteindre leur plein potentiel.
Au Liban, des milliers d'enfants, y compris des enfants de réfugiés syriens et palestiniens – en particulier les plus jeunes, les filles, les plus pauvres ou les plus marginalisés – n'ont pas une alimentation suffisamment nutritive. Une enquête menée en 2021-2022 sur la nutrition au Liban a montré que trois enfants de moins de cinq ans sur quatre étaient en situation de pauvreté alimentaire, ce qui signifie que leur régime alimentaire ne comprend que quatre groupes d'aliments au maximum. Plus alarmant encore, plus d'un enfant de moins de 5 ans sur quatre vit dans une situation de pauvreté alimentaire grave, ce qui signifie que le régime alimentaire de 85 000 enfants libanais, syriens et réfugiés palestiniens ne comprend que deux groupes d'aliments au maximum. Quelques cuillères de bouillie et une petite tasse de lait peuvent constituer leur seul repas de la journée, tous les jours, ce qui les rend très vulnérables aux retards de croissance et à l'émaciation, les formes de dénutrition les plus menaçante pour la vie dans la petite enfance.
La pauvreté alimentaire des enfants au Liban, y compris des réfugiés syriens et palestiniens, est principalement due à la pauvreté et aux vulnérabilités économiques, associées à un manque de connaissances et de pratiques en matière de nutrition saine. Facteur aggravant, le système de protection sociale libanais doit devenir de plus en plus sensible aux besoins nutritionnels des enfants.
Des actions audacieuses et concertées sont nécessaires pour mettre fin à la pauvreté alimentaire des enfants au Liban, en mettant l'accent sur l'amélioration des régimes alimentaires, des pratiques et des services nutritionnels pour tous les enfants et toutes les femmes, parallèlement à l'expansion soutenue de l'aide sociale.
Les familles libanaises, syriennes et palestiniennes doivent être en mesure de fournir à leurs enfants les aliments nutritifs dont ils ont besoin pour survivre et s'épanouir, mais elles ne peuvent le faire seules. Elles ont besoin de services accessibles, d'aliments nutritifs abordables et de pratiques de soins adaptées à leurs enfants.
En réponse à ce problème de santé urgent, le ministère de la santé publique, en partenariat avec l'UNICEF et les partenaires du secteur de la nutrition, a élaboré une stratégie claire sur la manière de s'attaquer aux nombreux fardeaux de la malnutrition au Liban, et travaille en même temps à la mise en œuvre de cette stratégie basée sur cinq axes : Renforcer la gouvernance multisectorielle de la nutrition ; utiliser des systèmes de santé qui assurent une couverture universelle des services de nutrition de base ; développer des systèmes alimentaires résilients et durables qui stimulent la production, la distribution et la vente au détail d'aliments nutritifs pour les enfants ; sensibiliser à l'importance de créer un environnement sûr et favorable à une alimentation saine pour les enfants de tous âges ; et enfin, rendre les systèmes de protection sociale plus sensibles aux vulnérabilités nutritionnelles.
Cependant, un engagement fort de la part de toutes les parties prenantes de différents secteurs est nécessaire pour assurer le succès de cette stratégie. Une bonne nutrition conditionne les chances d'un enfant de mener une vie plus saine et plus productive. La correction de la malnutrition est très rentable, chaque dollar investi dans la prévention de la malnutrition permet d'économiser huit dollars en traitement. Mettre fin à la pauvreté alimentaire chez les enfants est un moyen sûr de protéger des générations entières et, à ce titre, un investissement intelligent dans le développement socio-économique du Liban.
Par Firas ABIAD, ministre libanais de la santé publique.
Edouard BEIGBEDER, représentant de l'UNICEF au Liban.
Source : L’Orient-Le Jour
