En République démocratique du Congo, environ 5,9 millions d’enfants ne vont pas à l’école, selon l’UNESCO. Dans la province du Sud-Kivu par exemple, l’accès des jeunes filles à l’éducation reste un vrai problème qui affecte non seulement leur épanouissement mais aussi leur participation au développement économique de leur communauté quel que soit leur potentiel et leurs capacités.
Un effectif important d’élèves filles est enregistré à chaque rentrée scolaire, mais très peu parmi elles finissent l’année scolaire. Dans la plupart des cas, au fur et à mesure que les filles évoluent d’une institution à une autre, leur nombre diminue.
Cette situation demeure préoccupante en dépit des efforts menés par l’Etat congolais, la société civile mais également les organisations qui œuvrent pour la défense des droits des enfants qui ne cessent de multiplier des campagnes pour encourager la scolarisation de toutes les filles et de tous les garçons sur toute l’étendue de la province du Sud-Kivu.
Mobilisation d'anciens élèves
Pour lutter contre ce fléau, une association de droit congolais s’est engagée à mettre la jeune fille et la femme au centre de l’éducation. L’Association des anciennes du Lycée Cirezi (ALC) est un groupe d’anciens élèves du lycée Cirezi, une école catholique de filles de Bukavu.
Ce groupe est constitué par des femmes de différentes promotions qui a vu le jour en novembre 2014. Il comprend plus de cinquante femmes vivant dans différentes villes du monde qui se sont constituées en association dans le but d’accompagner les jeunes filles encore élèves au lycée Cirezi qui ont des difficultés à payer les frais de scolarité.
Lors de leurs réunions mensuelles, les membres de l’association s’occupent d’assister les élèves les plus démunies du lycée Cirezi. Les membres s’assistent également mutuellement. Pour arriver à concrétiser leurs objectifs, chaque membre cotise une somme de 5 dollars par mois et 1 dollar pour les jeunes filles étudiantes.
D’après Mathilde Mihigo, présidente de l’Association des anciennes du Lycée Cirezi, « l’idée de créer cette association est venue lorsque nous avions constaté qu’un nombre important de jeunes filles abandonnait l’école. Cela nous a poussé à nous réunir pour qu’ensemble nous puissions venir en aide à ces jeunes filles qui sont en difficulté de payer les frais scolaires. L’école nous donne une liste d’élèves en difficulté et nous payons anonymement leurs frais scolaires sur base de leur niveau de vulnérabilité. Nous priorisons les élèves qui sont en terminal (6ème année secondaire) pour qu’elles ne ratent pas l’examen d’Etat. Il nous arrive également de payer les frais scolaires à certains enfants de nos membres qui vivent des problèmes similaires dans leurs familles ».
Depuis 2014, l’association a payé les frais scolaires pour environ 200 jeunes filles du lycée Cirezi.
Les causes d’abandon des filles à l’école sont multiples mais on retrouve en priorité la pauvreté, la mort d’un parent, les mariages et grossesses précoces, des difficultés d’apprentissage ou encore une perte d’intérêt pour les études. A cela s’ajoute les crises humanitaires qui mettent la vie des filles en danger. En temps de crise, leur éducation constitue l’une des premières activités à être délaissées. Pour Aîmée Makangila, membre de l’association, les filles ont 2,5 fois plus de risques d’être déscolarisées que les garçons sachant que l’éducation est le meilleur moyen pour elles de s’en sortir et de se reconstruire.
En dehors des écoles
La mission de l’Association des anciennes du Lycée Cirezi ne se limite pas seulement aux écoles. Dans les années passées, les membres de l’association ont réalisé un « apostolat » dans la prison de Kabare située au Sud-Kivu au profil des femmes avec leurs enfants. Compte tenu des conditions carcérales difficiles, les membres de l’association ont collecté de la nourriture, des vêtements et de la pommade pour celles qui ont la gale.
Lors de festivités (Pâques, Noël et Nouvel an) les membres de cette association se rendent également dans différents hôpitaux de la ville de Bukavu et ailleurs en province pour aider les femmes retenues de force à la maternité après l’accouchement par manque d’argent.
« Parfois nous payons les factures à ces femmes qui ont été retenues pendant plusieurs jours à l’hôpital parce qu’elles n’ont pas été capable de payer les frais liés à la maternité. Sans compter les enfants de la pédiatrie à qui nous avons payé les frais pour qu’ils quittent l’hôpital. Nous avons été dans les villages de Mukongola dans le territoire de Kabare, à Nyantende et à Buriba dans la province du Sud-Kivu. C’est une situation que nous retrouvons dans plusieurs structures sanitaires du Sud-Kivu », a expliqué Christine Kabesha, membre de l’association, à ONU Info.
En République démocratique du Congo, les femmes sont retenues de force dans les hôpitaux tant qu’elles n’ont pas payé les frais à la maternité. Certaines jeunes mères se retrouvent en train de faire le ménage dans des structures de santé dans le but de payer leurs dettes. Une situation insoutenable pour de nombreuses femmes malgré un projet pilote sur l’accès à la santé mis en place en 2021 par la Banque mondiale dans 169 aires de santé de la RDC.
Projet dans l’entreprenariat
Mathilde Mihigo, présidente de l’association, souhaite développer d’autres projets. L’association souhaiterait accompagner financièrement les mères des élèves en situation difficile pour que celles-ci puissent trouver une activité génératrice de revenue afin de pouvoir scolariser les autres enfants de la famille.
Selon elle, une autre idée serait que le groupe puisse se constituer en association villageoise d’épargne et de crédit (AVEC) pour permettre non seulement aux membres de contracter du crédit mais aussi aux membres de l’association d’améliorer leur business ; car pour que la femme soit épanouie, il faut qu’elle soit autonome financièrement.
Pour Mathilde Mihigo, « en tant qu’association qui fonctionne sur base de nos cotisations, nous avons plusieurs idées mais insuffisamment de moyens financiers pour pouvoir les réaliser. Il nous arrive de reporter une activité parce que certains membres ont eu des difficultés à honorer leurs cotisations mensuelles. Cela fait partie des difficultés majeures auquel l’association fait face. C’est pourquoi, nous demandons aux personnes qui sont intéressées par nos idées de nous rejoindre pour qu’ensemble nous puissions réaliser des grands projets en faveur de la femme et de la jeune fille au Sud-Kivu ».
Source: ONU Info
https://news.un.org/fr/story/2023/05/1135412