A priori moins violente que d’autres punitions physiques telles que la fessée, la mise “au coin” est devenue la punition privilégiée par bon nombre de parents pour éduquer leur enfant. Mais est-elle vraiment bonne pour leur développement ?
C’est l’une des punitions les plus utilisées par les parents : la punition au coin, variante de la sanction du “time out” - dite “temps mort” en français - est une pratique classique d’éducation transmise de génération en génération. Considérée par certains comme la punition la plus vieille du monde, son ancienneté ne l’empêche pourtant pas d’être contestée.
Après la fessée, elle fait désormais l’objet de débats houleux au sein de la société. En octobre dernier, le Conseil de l’Europe songeait même à la déconseiller ; lui qui l’avait pourtant encensée pendant de longues années. Du côté des principaux concernés, la réponse est bien évidemment mitigée : certains parents louent ses bienfaits tandis que d’autres en dénoncent les effets négatifs. Ce qui est plus surprenant, c’est que même du côté des spécialistes de l'éducation, le constat est loin d’être tranché. Regardons d’abord les arguments avancés par ceux qui sont contre l’idée de la punition au coin.
Aller au coin, une punition inutile ?
C’est tout d’abord son manque d’efficacité qui est mis en lumière par ceux qui y sont opposés. Selon des spécialistes en neurosciences, pendant l’enfance, le cerveau de l’enfant n’est pas assez développé pour apprendre à bien se comporter ou pour tirer des leçons des punitions imposées par les parents, même si elles leur sont bien expliquées. C’est en particulier le cortex préfrontal qui est concerné par ce manque de développement et de maturité : ce dernier aide à penser de manière rationnelle, à réfléchir à nos comportements et nos sentiments, à contrôler nos impulsions. Dans le pire des cas, puisqu’il n’est pas en capacité de s’interroger sur ce qu’il a fait, l’enfant peut même ne cumuler que des sentiments négatifs suite à son isolement “au coin” ; sentiments tels que le ressentiment ou le stress.
Cependant, cet argument n’est pas valable éternellement puisque arrivé à 5 ans, il est démontré que le cortex préfrontal commence à mûrir et que l’enfant peut comprendre les situations et les émotions qu’il vit. De surcroît, une étude scientifique risque bien de bousculer les conclusions avancées par les opposants à ladite punition…
Envoyer son enfant au coin : une punition positive à condition de respecter certaines règles
Mais, la punition par l’isolement, que ce soit dans la chambre ou au coin plus précisément, n’a pas forcément les effets négatifs présentés par ses détracteurs. Effectivement, les chercheurs de l’Université du Michigan (États-Unis) y ont démontré que les enfants qui avaient été punis et mis au coin par leurs parents ne présentaient pas davantage de troubles d’anxiété ou de troubles comportementaux que les autres ; contrairement à la fessée qui alimente bien la violence ou l’anxiété chez l’enfant concerné.
La punition au coin, c’est bien, mais encore faut-il bien la faire. Afin que ce soit une punition positive, il faut expliquer calmement et clairement à l’enfant les raisons qui justifient qu’il soit puni, pourquoi son action a nécessité une punition. Si aucun argument cohérent ne lui est présenté, il y a fort à parier que cela crée un profond sentiment d’incompréhension et d’injustice chez lui… Plutôt que de tirer une leçon de sa punition, il reproduira potentiellement le même comportement problématique à l'avenir.
Le Conseil de l’Europe, qui a érigé cette dernière au rang de bonne pratique éducative parentale durant ces 15 dernières années, expliquait : "Les enfants réussissent mieux quand leurs parents sont affectueux et encourageants, et quand ils réagissent à leur mauvaise conduite en leur expliquant pourquoi.” Les psychologues corroborent ces propos et expliquent à nos confrères de Doctissimo que toute punition imposée à l’enfant doit avoir du sens, faire passer un message, bref, “être source d’apprentissage et non de ‘dressage’”. La punition ne doit donc pas être perçue comme une humiliation, afin de ne pas générer de blessures qui pourraient le poursuivre à l'âge adulte.
Par Emilie Chan
Source : Au Feminin