« Je n'ai jamais connu une sécheresse aussi grave de ma vie », a déclaré Akure Ewar, 28 ans, à l'UNFPA, l'agence des Nations Unies en charge des questions de santé sexuelle et reproductive.
Enceinte de sept mois, elle se plaint d'avoir faim et d'avoir souvent des vertiges au cours de sa journée. « Les saisons sèches se sont progressivement aggravées au cours des trois dernières années, mais nos animaux nous ont permis de continuer avec du lait et de la viande. Cette fois, ils ont tous péri et nous ont laissé sans rien ».
Le Kenya affronte la pire sécheresse qu'il ait connue en 40 ans, après quatre saisons des pluies ratées successives. Plus de 4,3 millions de personnes ont besoin d'aide humanitaire, parmi lesquelles 134.000 femmes enceintes ou allaitantes qui sont signalées comme souffrant de malnutrition aiguë et nécessitant un traitement. Contraintes de migrer à la recherche d'eau, de nourriture et de pâturages, beaucoup sont incapables d'accéder aux établissements de santé pour les soins de santé maternelle essentiels.
« Avant la sécheresse, nos établissements de santé enregistraient en moyenne 411 accouchements par mois, ce qui indique un taux d'accouchements assistés par un personnel qualifié de 70% », a expliqué Maiyo Elphas, un responsable de la santé publique du sous-comté de Loima. « En novembre 2022, le nombre était tombé à 100 naissances enregistrées, ce qui représente un taux très faible de 24,6% ».
Importance d’une assistance qualifiée à l’accouchement
« Chaque femme, riche ou pauvre, a un risque de 15% de complications au moment de l'accouchement, mais presque aucun décès maternel ne se produit dans les régions développées », déclare l'Organisation mondiale de la santé (OMS), expliquant l'importance d'une assistance qualifiée à l'accouchement, c'est-à-dire d'un accouchement assisté par un professionnel de la santé qualifié, telle qu'une médecin, une infirmière ou une sage-femme.
Le taux d'accoucheuses qualifiées était déjà faible au Kenya, un pays avec un taux de mortalité maternelle élevé de 342 pour 100.000 naissances vivantes. Mais la situation s'aggrave dramatiquement pour celles qui sont touchées par la sécheresse.
Dans le village de Lochorepetet, Losikiria Kuya, 30 ans, dit qu'elle doit souvent passer des jours sans manger. Elle est mère de trois enfants, actuellement enceinte de son quatrième, et est souvent incapable de parcourir les 10 kilomètres jusqu'au centre de santé le plus proche pour ses examens prénatals.
« D'habitude, quand il est temps d'accoucher, mon mari m'emmène au centre en moto, mais comme il part souvent à la recherche de pâturages, je dois être prête à me débrouiller seule si besoin est », a-t-elle déclaré.
Apporter des soins aux femmes rurales
La crise de la sécheresse n'affecte pas seulement l'accès des femmes aux soins de santé maternelle essentiels. Elle cause une dénutrition grave chez les femmes enceintes, augmentant les risques pour elles et leurs futurs bébés. En plus d'affecter le développement d'un fœtus, la dénutrition entraîne également un certain nombre de problèmes pour les femmes enceintes, notamment un risque accru de septicémie et de décès.
L'UNFPA et ses partenaires, dont la Croix-Rouge du Kenya, l'International Rescue Committee et les équipes de gestion de la santé des comtés, fournissent des services de santé sexuelle et reproductive vitaux grâce à des efforts de proximité qui rapprochent les services de celles qui en ont le plus besoin.
« Pendant la saison de la sécheresse, nous avons mené des activités de sensibilisation à la santé toutes les deux semaines où nous offrons des services prénatals et postnatals, des services de planification familiale, de nutrition et de vaccination à la communauté », a déclaré Dedan Njagi, infirmière du centre de santé de Lobei, à l'UNFPA.
On estime que 15 à 20 femmes enceintes reçoivent des soins à chaque visite de proximité. Les bénévoles de la santé communautaire - l'épine dorsale des équipes de proximité - sont également chargés de suivre les femmes pour s'assurer qu'elles accouchent dans un établissement de santé sous la garde d'un accoucheur qualifié.
Des soucis à l'horizon
La gravité et la durée exceptionnelle de la sécheresse aggravent une situation déjà désastreuse dans le comté de Turkana, qui était déjà sous le choc des infestations acridiennes et de la pandémie de COVID-19. Les projections indiquent la possibilité d'une sixième mauvaise saison des pluies consécutive de mars à mai 2023, mettant encore plus de femmes et de filles en danger.
L'UNFPA lance un appel de 113,7 millions de dollars pour son Plan de réponse à la crise de la sécheresse dans la Corne de l'Afrique 2022-2023 afin de répondre aux besoins croissants des femmes et des filles.
Source : ONU Info
https://news.un.org/fr/story/2022/12/1130947