L’approvisionnement en eau potable et l’allaitement maternel pourraient contribuer à atténuer la propagation de la maladie chez les nourrissons, ont expliqué des experts à « L’Orient Today ».
Alors que le Liban subit une épidémie croissante de choléra pour la première fois depuis près de trente ans, les experts préviennent que les nourrissons et les jeunes enfants constituent la tranche d’âge la plus vulnérable à cette maladie brutale.
Cette situation n’est pas propre au Liban. Les rapports et études sur les précédentes épidémies de choléra indiquent que les jeunes enfants sont généralement plus nombreux à contracter la maladie que les autres groupes d’âge. Mais le Liban est en même temps aux prises avec une crise économique massive qui limite l’accès à l’eau potable et aux soins de santé. Les risques sont-ils accrus ?
Depuis que le choléra a été signalé pour la première fois dans le nord du Liban le 5 octobre, le pays a enregistré plus de 3 100 cas. Près de 45 % des cas suspects et confirmés ont moins de 15 ans, selon les statistiques du ministère de la Santé, tandis que 15 % ont entre 15 et 24 ans. Mais le groupe d’âge qui compte le plus grand nombre de cas – un quart de tous les cas de choléra du pays – est celui des enfants âgés de zéro à quatre ans.
Le choléra, qui se propage généralement par l’intermédiaire de l’eau ou d’aliments contaminés, « peut être particulièrement dangereux pour les bébés et les jeunes enfants, car ils ont un taux d’infection plus élevé, ainsi qu’un plus grand risque de développer une maladie grave », explique à L’Orient Today Jennifer Moorehead, directrice nationale pour le Liban à l’organisation humanitaire britannique Save the Children.
Selon le ministère de la Santé, il y a des cas de choléra confirmés dans les 8 mohafazats et les 26 cazas. La maladie se propageant rapidement au Liban, le nombre de bébés et d’enfants contaminés pourrait continuer à augmenter.
Les raisons de la vulnérabilité
Le Dr Robert Sacy est chef du service de pédiatrie de l’hôpital gouvernemental de Beyrouth, dans le quartier populaire de la Quarantaine. Il explique à L’Orient Today qu’il pense que les nourrissons sont particulièrement vulnérables au choléra à cause du lait maternisé, qui est préparé par un mélange de poudre achetée en magasin avec de l’eau. Dans certains cas, les familles n’ont pas les moyens de s’approvisionner régulièrement en eau potable en bouteille et doivent se contenter d’une eau potentiellement contaminée par le Vibrio cholerae, la bactérie responsable du choléra.
Parallèlement, les taux d’allaitement au Liban restent faibles, déplore Mme Moorehead. Elle recommande l’allaitement maternel pour les enfants comme « mesure préventive essentielle pour les nourrissons ».
Le Dr Sacy précise que la complication mortelle qui découle du choléra est la déshydratation due à une diarrhée aqueuse incessante. Il souligne que les adultes sont « plus conscients du moment où ils se déshydratent, alors qu’il est plus difficile de détecter la déshydratation chez les enfants ». Le médecin ajoute que la déshydratation est plus préjudiciable dans le cas d’un enfant dont la masse corporelle est beaucoup plus faible que celle d’un adulte et dont l’immunité est généralement moindre, et qui perd 20 % de ses fluides corporels. « Le risque de choléra est beaucoup plus élevé pour les enfants que pour les adultes, surtout s’il n’est pas traité immédiatement », a poursuivi le pédiatre.
Selon le ministère de la Santé, 93 lits d’hôpitaux sont actuellement occupés par des patients soupçonnés d’être atteints du choléra, mais on ignore combien de ces patients sont des enfants.
La contamination de l’eau
La contamination de l’eau est la principale cause de l’épidémie de choléra qui sévit actuellement au Liban. Les premières données recueillies par Save the Children lors de l’échantillonnage de l’eau dans la vallée de la Békaa ont révélé des taux élevés d’eau non potable dans les puits de forage, qui sont utilisés pour extraire l’eau souterraine à des fins privées, affirme Jennifer Moorehead. Elle ajoute que le choléra est plus susceptible de se propager par le biais d’une eau qui n’est pas correctement traitée par chloration et purification.
Dans la plupart des cas, les infrastructures publiques de distribution d’eau au Liban sont toujours protégées, ce qui signifie que le risque de contamination de ces réseaux reste « très faible », nous a récemment expliqué Nadim Farjallah, professeur à l’AUB qui étudie les infrastructures de distribution d’eau dans le pays.
Mme Moorehead insiste sur le fait qu’il est « vital de garantir un soutien pour renforcer les infrastructures d’eau et d’assainissement dans tout le Liban, en mettant l’accent sur des solutions axées sur la communauté ». « Cela doit inclure un appui aux personnes vivant dans des camps de déplacés et des camps de réfugiés », a-t-elle ajouté.
L’Agence des Nations unies pour l’enfance (Unicef) a également tiré la sonnette d’alarme sur la vulnérabilité particulière des enfants au choléra, soulignant que l’insécurité sanitaire des aliments exacerbe les effets de la maladie chez les enfants. Alors que l’affection se propage en Syrie voisine ainsi qu’en Irak, l’agence a qualifié l’épidémie actuelle de « nouveau coup dur pour les systèmes de santé déjà surchargés de la région ».
Source : L’Orient Le Jour