La Représentante spéciale du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés Virginia Gamba a présenté ce mardi aux membres du Conseil de sécurité de l’ONU un rapport annuel dédié. Ses conclusions sont accablantes. Mme Gamba a présenté des recommandations urgentes aux États Membres.
L'enlèvement d'enfants a fortement augmenté ces dernières années dans les zones couvertes par le rapport, que ce soit pour terroriser des communautés, cibler des groupes spécifiques ou forcer la participation d'enfants aux hostilités, avait déjà indiqué lundi le Bureau de la Représentante spéciale.
« Avec une augmentation de 90% des incidents d'enlèvement vérifiés en 2020 et une augmentation soutenue en 2021 à 20%, il est urgent de veiller à ce que tous ceux qui travaillent à la surveillance, à la communication d'informations soient équipés d'outils solides pour mettre fin et prévenir l'enlèvement d'enfants, conformément à la demande du Conseil de sécurité », a confirmé ce mardi matin Mme Gamba au Conseil de sécurité.
Si la Somalie, la République démocratique du Congo (RDC), la Syrie, le Burkina Faso et les pays de la région du bassin du lac Tchad ont vu le plus grand nombre d'enfants enlevés en 2020 et 2021, des violences ayant éclaté dans des pays comme l'Éthiopie, le Mozambique et l'Ukraine ont conduit le Secrétaire général à les inclure dans le rapport, qui en rendra compte de façon précise l'an prochain.
Un rapport laissant « peu de place à l’imagination »
« Ce rapport du Secrétaire général laisse peu de place à l'imagination », a commenté Catherine Russell, Directrice exécutive du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF). « Partout dans le monde, alors que les conflits prolifèrent, les violations graves à l'encontre des enfants se poursuivent », a-t-elle déploré, appelant les membres du Conseil à « s'arrêter un moment pour mesurer à quel point les informations contenues dans le rapport du Secrétaire général sont effroyables. »
Le rapport présente des preuves vérifiées de plus de 23.000 violations contre des enfants en 2021. Certains de ces enfants ont été tués. D'autres, décrit le document, ont été gravement blessés, violés ou ont subi des violations multiples. D’autres encore ont été enlevés à leur famille, arrachés à leurs écoles, contraints à prendre les armes et à risquer leur vie.
« Et il ne s'agit là que des violations des droits des enfants que les Nations Unies ont été en mesure de vérifier. Il y en a beaucoup d'autres que nous n'avons pas pu atteindre et dont les histoires ne nous sera peut-être jamais connue », a poursuivi la dirigeante de l’UNICEF.
L'ONU recense 8.000 enfants tués ou mutilés dans des conflits en 2021
Au cours de l'année 2021, dans les zones couvertes par le rapport, les Nations Unies ont vérifié un total de 23.982 violations graves, avec plus de 19.165 enfants victimes. 1.600 de ces enfants ont été victimes de deux violations ou plus, confirmant le fait que ces violations sont souvent liées entre elles. « Pour mettre les choses en perspective, cela représente une moyenne de 65 violations graves commises contre des enfants chaque jour de chaque semaine de chaque mois de l'année », a décrit Mme Gamba.
8.000 enfants ont été tués ou mutilés en 2021. L'utilisation de restes explosifs de guerre, d'engins explosifs improvisés et de mines terrestres a eu un impact particulièrement dévastateur et a causé un quart des pertes d'enfants. L'utilisation d'armes explosives dans les zones habitées a également mis les enfants en danger.
Le recrutement et l'utilisation d'enfants dans un conflit armé, avec 6.300 enfants recensés par le Bureau, a été la deuxième violation la plus répandue. Vient ensuite le refus d'accès humanitaire aux enfants, avec plus de 3.900 incidents.
Forte augmentation des viols et d’autres formes de violence sexuelle
Les enlèvements, autant que les viols et autres formes de violence sexuelle, ont augmenté de 20% l'année dernière dans les différentes situations couvertes par le rapport. « Nous avons également constaté une augmentation générale des attaques contre les écoles et les hôpitaux », a ajouté la Représentante spéciale.
La haute fonctionnaire a particulièrement insisté sur l'augmentation constante des violations à l'encontre des filles, notamment les meurtres et les mutilations, les violences sexuelles et les enlèvements.
En 2021, 1 enfant victime sur 3 était une fille alors qu'à peine un an plus tôt, les proportions étaient de 1 pour 4, et le rapport estime que 98% des survivants de viols et d'autres formes de violence sexuelle étaient des filles.
Le nombre élevé d'enfants privés de liberté pour association présumée avec des parties au conflit est également demeuré préoccupant l'année dernière. 2.864 enfants ont été détenus ou privés de leur liberté, « et ont donc été doublement punis par ces conflits dont ils ne sont pas responsables ».
Une augmentation de la reconversion pour usage militaire des écoles a aussi été rapportée, privant les enfants d’espaces d’apprentissage protégés.
Divers problèmes de paix et de sécurité ont mis les enfants en danger en 2021
De l'extrémisme violent dans les régions du Sahel central et du bassin du lac Tchad à la situation sécuritaire désastreuse dans la Corne de l'Afrique, de l'escalade des crises humanitaires et du non-respect du droit international humanitaire et des droits de l'homme à l'urgence climatique, et d'une série de coups d'État à l'impact négatif continu de la pandémie de COVID-19, divers problèmes de paix et de sécurité ont mis les enfants en danger en 2021.
« Il convient de rappeler que la pandémie est toujours en cours. Les Nations Unies continuent de rencontrer des difficultés et des retards dans la surveillance et la communication des violations graves », a pointé Mme Gamba. Cela a conduit à un nombre plus élevé que d'habitude de violations vérifiées tardivement dans le rapport de cette année par rapport aux années précédentes. Cela a également ralenti la mise en œuvre des plans d'action conjoints convenus et d'autres mesures mises en place dans plusieurs situations pour améliorer la protection des enfants.
Plusieurs signes d’espoir
Des signes d'espoir et de rétablissement ont aussi été relevés au cours de l'année 2021, a rapporté Mme Gamba, citant 17 plans d'action conjoints avec des parties engagées dans des conflits, dont deux signés au Mali l’an dernier et un au Yémen signés avec les forces houthistes en 2021 également.
En République démocratique du Congo, six commandants ont signé des engagements unilatéraux visant à protéger les enfants, à la suite d'un plaidoyer des Nations Unies. En Syrie, des mesures de responsabilisation ont été adoptées à l'encontre du personnel des Forces démocratiques syriennes pour avoir violé les engagements pris dans le cadre de leur plan d'action.
Aux Philippines, les forces armées ont signé un plan stratégique pour prévenir et répondre aux graves violations des droits de l'enfant. L'Iraq a facilité le rapatriement de quelque 223 enfants dans leur pays d'origine, à leur demande. Et au Soudan du Sud, une conférence nationale sur les enfants et les conflits armés s'est tenue en mai.
Au total, plus de 12.200 enfants ont été libérés de groupes et de forces armées l'année dernière, s’est réjouie la Représentante. Un nombre resté stable au cours des cinq dernières années, « ce qui est une grande réussite ». Ceci « porte à plus de 186.000 le nombre total d'enfants libérés depuis 2000 », a renchéri la cheffe de l’UNICEF Catherine Russell.
Huit situations préoccupantes ont été complètement retirées du rapport au fil des ans, car elles ont réussi à mettre fin à de graves violations à l'encontre des enfants. enfants.
Des recommandations aux Etats Membres
Le rapport présente une série de recommandations aux Etats Membres.
En premier lieu, les opérations des Nations Unies sur le terrain doivent être « adéquatement mandatées, dotées en personnel et financées » pour continuer à assurer leurs diverses tâches, y compris la libération des enfants des conflits.
Deuxièmement, les parties à un conflit doivent permettre un accès humanitaire sûr, rapide et sans entrave à tous les enfants, tout en assurant la sécurité du personnel et des biens humanitaires et en protégeant hôpitaux et écoles. Troisièmement, le rapport recommande un soutien financier et une assistance technique durables pour des programmes de réintégration des enfants, y compris des survivants de violences sexuelles.
« Enfin, la communauté internationale doit renforcer de toute urgence son soutien à l'action contre les mines », a exhorté Mme Gamba.
Source: ONU Info
https://news.un.org/fr/story/2022/07/1124052