Si la guerre est effrayante pour les adultes, elle peut l’être également pour nos enfants. En tant que parents, enseignants ou éducateurs, il faut être prêt à répondre à leurs interrogations et à leurs inquiétudes. Il est naturel de vouloir éviter de parler de ces sujets troublants à nos enfants, et de vouloir préserver leur innocence. Mais autant se préparer correctement à répondre à leur questions, parce que la plupart d’entre eux en auront.
Laissez venir les petits…
Les questions peuvent survenir peu importe l’âge de l’enfant. Lorsqu’il s’agit d’enfants de moins de 8 ans, il est préférable d’attendre que l’initiative viennent d’eux. Les experts recommandent d’attendre les questions, à moins de remarquer que l’enfant est perturbé, dort mal ou est irritable. Dans ces cas, on peut tâter le terrain pour savoir ce qui le chicotte. En général, les petits qui auront entendu parler de la guerre, vous feront part de leurs interrogations. Si votre petit vous demande ce qui se passe en Ukraine, donnez-lui une réponse claire et simple, en lui expliquant que cela se déroule très loin de chez lui.
Il est bénéfique également de faire savoir à l’enfant que les adultes en qui il a confiance sont disponibles pour répondre à ses questions, ou l’écouter quand il en aura besoin.
Rassurer les 8-12 ans en expliquant!
L’équipe des contenus jeunesse des Coops de l’information s’est entretenue, cette semaine, avec la psychologue et auteure Nathalie Parent. Mme Parent explique que les enfants ont besoin de savoir. Comme pour les adultes, connaître et comprendre les faits, rassure. On pourrait être porté à croire que de ne pas exposer l’enfant à ces informations le préservera. Mais ce qu’il entendra ou verra, risque de stimuler son imagination et son anxiété et de prendre des proportions plus grandes que les faits et ce qui le concerne. Votre évitement peut même être perçu comme une manoeuvre pour lui cacher quelque chose de grave qu’il reliera à lui et sa famille. Il est évidemment important de vulgariser les informations présentées par les experts.
En ce sens, la psychologue Karine Roy-Déry, avec qui l’équipe des contenus jeunesse a également travaillé cette semaine, ajoute que l’information doit être segmentée. Pour être comprise et assimilée par l’enfant, l’information doit être amenée «petits bouts par petits bouts», et rester assez générale pour « éviter d’alimenter un fort sentiment d’impuissance ».
Lorsque cela est possible, l’explication peut partir des interrogations de l’enfant, afin de suivre son fil de pensée. Accompagner cette explication d’un point de vue personnel peut être une bonne approche, en lui faisant comprendre que nous ressentons aussi des émotions face à la guerre. Cependant, l’enfant n’est pas là pour nous rassurer et il ne faut pas nourrir ses peurs. Si vous n’avez pas une réponse à sa question, n’hésitez pas à lui avouer. Dites-lui que vous chercherez la réponse. Il est bon de lui signifier qu’il aura l’opportunité de revenir sur le sujet lorsqu’il en ressentira le besoin.
Les émotions, ça se raconte!
Des événements d’une telle ampleur provoquent diverses émotions, chez les adultes comme chez les enfants. Selon la psychologue Nathalie Parent, il est important de nommer ces émotions. «On peut nommer notre tristesse de perdre des humains qui seront tués par la guerre. On a le droit de dire qu'on a de la peine», affirme-t-elle. Cela vaut pour les enfants et les parents!
Il est cependant nécessaire de filtrer l’information qui atteint les enfants. Partager des faits adaptés à leur âge, mais leur épargner certaines images choquantes. Les images montrant du sang et de la violence sont à éviter, tout comme des maisons détruites ou des familles séparées, ajoute Mme Parent.
Peut-être serait-il bon de ne pas regarder le téléjournal en famille pour un moment et d’orienter les enfants vers des contenus conçus pour eux? Les experts recommandent d’éviter de mettre les enfants devant des images puissantes qui pourraient les choquer et même les traumatiser. Évitons également de faire des déclarations dramatiques comme «C’est la 3e guerre mondiale» ou de faire des descriptions trop graphiques de la situation.
Proposer l’implication comme antidote à l’impuissance
L’une des solutions pour accompagner l’enfant est de lui proposer de s’impliquer, à sa manière, pour soutenir les personnes qui souffrent de cette guerre. Notre équipe suggère aux familles des activités pour aider les enfants à se sentir moins impuissants. Par exemple, les enfants pourraient faire des dessins qu’ils exposeront aux fenêtres, par exemple, écrire des petits messages de paix ou d’encouragement aux pays impliqués en les publiant sur les réseaux sociaux de leurs parents, ou organiser en famille ou avec les amis, une collecte de fonds pour l’Unicef ou l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés. Toute activité qui pourrait permettre à l’enfant de se sentir utile, l’aidera à être mieux.
Mme Roy-Déry précise que l’enfant doit comprendre que si la Russie est en guerre contre l’Ukraine, tous les Russes ne la soutiennent pas. Il est d’autant plus important de les inviter à soutenir les personnes qui subissent la guerre.
Encourager la pensée critique et consciente et réfléchir à nos propres valeurs
Une autre façon de contrer le sentiment d’impuissance des enfants, est de leur donner un droit de parole. Une discussion au sujet du conflit ukrainien peut faire partie de l’apprentissage. En répondant aux interrogations de nos enfants, ainsi qu’à leurs inquiétudes, nous devons penser au message que nous souhaitons transmettre.
C’est une occasion, en tant que parents et éducateurs, de réfléchir aux valeurs que nous souhaitons mettre de l’avant dans la conversation au sujet de la guerre. Veut-on axer notre discours sur l’espoir? Sur l’importance du vivre ensemble? Sur la puissance de l’engagement citoyen? Sur la nécessité d’être bien informé? Réfléchir à l’angle de notre message est important.
Aborder la conversation de façon plus philosophique, est une belle façon d’accompagner notre enfant dans la construction de son esprit critique. Il peut être intéressant de compléter les faits vérifiés avec des questions ouvertes, permettant une réflexion plus grande, auxquelles vous pourrez répondre en famille sous forme de discussion. Certains sujets pourraient être développés, comme la paix, l’usage de la force ou encore la question des frontières.
Par exemple, se demander ce que chacun et chacune peut faire, à son niveau, pour construire et conserver la paix dans notre vie personnelle, ou même au sein de notre cocon familial.
En expliquant que la guerre est souvent le fruit d’un rapport de force entre deux ou plusieurs pays, nous pouvons faire réfléchir l’enfant sur une alternative; qu’est-ce qui pourrait être utilisé à la place de la force pour atteindre ses objectifs (de nouvelles règles? Des lois? Des discussions?)? Est-ce que parfois la force est la seule solution pour gagner un point?
Le conflit Russie-Ukraine est relié aux frontières; est-il possible d’envisager un monde sans frontières? Les dirigeants Russes souhaitent conquérir un territoire qui leur redonnera plus de pouvoir. Qu’est-ce qui nous rend puissant? Quand on est enfant, a-t-on du pouvoir? Ces questions, par exemple, peuvent mener à des réflexions d’ordre plus général qui aideront l’enfant à se construire sa propre opinion en partant de faits, tout en lui laissant la liberté de réfléchir et de se positionner.
Source: Le Soleil