Le travail des enfants augmente dramatiquement au Liban, à l’heure où le pays traverse la pire crise politico-économico-financière de son histoire. Il est particulièrement visible dans l’agriculture, considérée comme le secteur où l’on trouve les pires formes de travail de l’enfance, vu le contact avec les pesticides, les machines, les longues heures passées sous le soleil ou dans le froid. Une situation qui met les filles davantage en danger, particulièrement sujettes à l’exploitation et au harcèlement d’employeurs de sexe masculin. Car les travailleurs hommes ont déserté une agriculture payée des miettes en milieu rural pour trouver un travail mieux rémunéré dans les villes. Ils laissent ainsi le travail des champs aux filles, qui n’ont souvent pas d’autre choix que la violence ou… le mariage précoce.
Retirés de l’école pour aller travailler
Alors que le monde célèbre aujourd’hui la Journée mondiale contre le travail des enfants, l’ONG Plan international, basée au Liban depuis 2017 et qui se penche sur la protection de l’enfance, plus particulièrement des filles, met en garde contre cette réalité qui s’installe dans un pays où l’inflation bat des records et où le chômage explose. À tel point que plus de 50 % de la population vit désormais sous le seuil de pauvreté. La crise est telle, exacerbée certes par la pandémie de Covid-19, que des parents n’arrivent plus à nourrir leurs enfants. Ils les retirent alors de l’école et les envoient travailler pour leur permettre de manger à leur faim. « La crise économique que connaît le Liban a aggravé le travail des enfants dans les domaines agricoles, exposant les jeunes filles et garçons aux pires formes de travail et menaçant leur croissance, leur éducation, leurs aspirations et leur bien-être général, déplore Colin Lee, directeur de Plan international pour le Moyen-Orient. Nous craignons que ce phénomène ne fasse qu’empirer et exhortons la communauté locale et internationale à ne pas fermer les yeux. »
L’ONG, qui s’est particulièrement penchée sur le travail des enfants dans le domaine agricole, en collaboration avec des partenaires locaux, constate dans ce secteur « une augmentation de la main-d’œuvre enfantine de 40 à 61 % ». À tel point que « les enfants représentent parfois 30 % de la main-d’œuvre totale dans l’échantillon de fermes étudiées par l’association », note la coordinatrice de la protection de l’enfance, Norma Kazan. « Leur travail sert à assurer les besoins de base à leur famille, autrement dit à manger », ajoute-t-elle. Une nouveauté qui s’explique par « le coût particulièrement bas d’une main-d’œuvre enfantine exploitable à souhait ». « Si la majorité des jeunes travailleurs sont des réfugiés syriens, notamment dans les plaines agricoles de Macharih el-Qaa, village à la frontière libano-syrienne, les enfants libanais sont également appelés à contribution dans les zones rurales éloignées du Nord et du Sud, notamment au Akkar, comme à Wadi Khaled, Mqaytaa, Qobeyyate ainsi qu’à Baalbeck-Hermel dans les fermes familiales pour certains… » ajoute la responsable. Elle précise à ce propos que l’essentiel de l’échantillon étudié est constitué de réfugiés syriens (70 %), alors que l’échantillon libanais atteint 30 % au maximum.
L’agriculture, mais aussi la mendicité, le travail domestique ou en usine...
Dans la vallée de la Békaa, selon l’étude de Plan international, « les enfants travaillent plus de cinq heures par jour à la récolte, au désherbage, à l’épluchage, au tri, au repiquage, à la préparation des terres ». Parmi les jeunes travailleurs interrogés, « 82 % ne sont pas scolarisés ». Ils sont généralement recrutés « dans les camps informels de réfugiés ».
« Faut-il rappeler que le travail des enfants constitue une grave violation des droits de l’enfance, de leur droit à une éducation et à la protection ? Faut-il rappeler, de plus, que le Liban est signataire de la Convention internationale des droits de l’enfant? » déplore Rachel Challita, chargée de la communication de l’ONG. « Nous sommes particulièrement préoccupés car le travail des enfants augmente dans de nombreux domaines, dans le travail domestique, en usine, dans la restauration, dans la mendicité ou la vente de rue, considérées aussi comme l’une des pires formes d’abus contre l’enfance », gronde-t-elle. Dans un État failli qui tourne le dos aux souffrances du peuple, aucune statistique officielle ne vient confirmer ces données. Rien ne montre non plus que les autorités s’intéressent à la question ou envisagent de trouver une solution aux droits bafoués de l’enfance.
Source : L’Orient Le Jour