Chaque année, un enfant sur deux dans le monde est victime d’actes de violence physique, sexuelle ou psychologique qui entraînent des traumatismes, des handicaps voire son décès, parce que les pays ne parviennent à appliquer les stratégies établies pour les protéger, selon un nouveau rapport publié jeudi par plusieurs entités de l’ONU.
« Les enfants ne doivent être victimes de violence sous aucun prétexte. Nous disposons d’outils fondés sur des bases factuelles pour prévenir cette violence et nous appelons tous les pays à les utiliser. Il est essentiel de préserver la santé et le bien-être des enfants pour préserver la santé et bien-être de tous, aujourd’hui et à l’avenir », a déclaré le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, Directeur général de l’OMS.
Le Rapport de situation 2020 sur la prévention de la violence à l’encontre des enfants dans le monde, copublie par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO), la Représentante spéciale du Secrétaire général de l'ONU chargée de la question de la violence contre les enfants et le Partenariat pour l’élimination de la violence, est le premier rapport de ce type.
Dans leur rapport, les auteurs appellent les pouvoirs publics à agir davantage et signale que la Covid-19 a des conséquences dramatiques.
« La violence à l’encontre des enfants a toujours été omniprésente, et la situation pourrait maintenant sensiblement s'aggraver. En raison du confinement, de la fermeture des établissements scolaires et de la restriction des déplacements, beaucoup trop d’enfants ont dû rester avec les personnes qui les maltraitent et n’ont pas pu aller à l’école, où ils auraient été normalement à l’abri. Il faut d’urgence faire davantage d’efforts pour protéger les enfants pendant cette période et après, y compris en considérant les travailleurs sociaux comme essentiels et en renforçant les services d’aide téléphonique à l’enfance », a incité Henrietta Fore, la Directrice générale de l’UNICEF.
Le rapport rend compte des progrès accomplis dans 155 pays par rapport au cadre « INSPIRE », une série de sept stratégies pour prévenir et combattre la violence à l’encontre des enfants.
Il signale que tous les pays doivent absolument intensifier leurs efforts pour appliquer ces stratégies car si la quasi-totalité des pays (88 %) disposent de lois pour protéger les enfants de la violence, moins de la moitié (47 %) ont indiqué que ces lois étaient appliquées avec fermeté.
Le rapport comprend les toutes premières estimations mondiales des homicides parmi les enfants de moins de 18 ans, qui indiquent qu’en 2017, 40.000 enfants environ ont été victimes d’un homicide.
Des progrès généralement inégaux
Selon le rapport, la scolarisation a progressé le plus, avec 54 % des pays qui indiquent qu’un nombre suffisant d’enfants qui en avaient besoin étaient scolarisés.
Entre 32 % et 37 % des pays considèrent que les victimes de violence ont accès à des services d’appui, tandis que 26 % des pays disposent de programmes d’appui aux parents et aux personnes ayant la charge des enfants, 21 % des pays disposent de programmes destinés à modifier les normes néfastes et 15 % des pays ont fait des modifications pour offrir aux enfants un environnement physique sûr.
Bien que la majorité des pays (83 %) disposent de données nationales sur la violence à l’encontre des enfants, 21 % d’entre eux seulement s’en servent pour établir des valeurs de référence et des cibles nationales afin de prévenir et de combattre cette violence.
Environ 80 % des pays disposent de plans d’action et de politiques à l’échelle nationale mais un cinquième d’entre eux seulement ont des plans intégralement financés ou des cibles mesurables. Aussi, le manque de financement et de professionnels contribuerait à cette situation et expliquerait la lenteur de la mise en œuvre.
Conséquences de la riposte à la Covid-19 sur les enfants
« Avec la pandémie de Covid-19 et la fermeture des établissements scolaires qu’elle a entraînée, nous avons constaté une recrudescence de la violence et de la haine en ligne, y compris du harcèlement. Maintenant que les établissements scolaires commencent à rouvrir, les enfants expriment leur crainte de retourner à l’école. Nous sommes collectivement responsables de veiller à ce que tous les enfants soient en sécurité à l’école », a dit Audrey Azoulay, Directrice générale de l’UNESCO, appelant à réfléchir et agir collectivement pour mettre un terme à la violence en milieu scolaire et dans nos sociétés en général.
Les mesures de confinement et la fermeture des établissements scolaires ont limité les sources habituelles de soutien aux familles et aux personnes (amis, famille élargie, professionnels). Ainsi, les victimes ont encore moins la possibilité de gérer les crises et la réorganisation de leur vie quotidienne. On a observé une forte augmentation du nombre d’appels aux centres d’aide téléphonique aux enfants maltraités et aux victimes de violence du partenaire intime.
Aussi les communautés en ligne sont devenues essentielles pour que de nombreux enfants continuent à apprendre, à jouer et à bénéficier de soutien, mais on a observé une recrudescence des comportements néfastes en ligne, dont le cyberharcèlement, les conduites à risque et l’exploitation sexuelle.
« Pendant la finalisation de ce rapport, les mesures de confinement et la perturbation des services de protection de l’enfance, déjà limités, ont exacerbé la vulnérabilité des enfants face aux différentes formes de violence », a affirmé Najat Maalla M’jid, Représentante spéciale du Secrétaire général de l’ONU chargée de la question de la violence contre les enfants.
Selon la Représentante spéciale, il est indispensable de mettre en place un cadre d’action multisectoriel unifié et axé sur les droits de l’enfant pour répondre à cette crise.
« Les gouvernements, les donateurs bilatéraux et multilatéraux, la société civile, le secteur privé et les enfants, dont l’opinion doit être entendue et réellement prise en compte, doivent se mobiliser pour que les enfants soient protégés comme il se doit et puissent tous s’épanouir et livrer pleinement leur potentiel », a ajouté Mme M’jid.
Agir plus vite pour protéger les enfants
Une action à l’échelle mondiale s’impose pour que tous les pays puissent bénéficier du soutien financier et technique nécessaire. L’ONU souligne que le suivi et l’évaluation sont indispensables pour déterminer dans quelle mesure ces efforts de prévention profitent effectivement à tous ceux qui en ont besoin.
L’OMS et ses partenaires comptent continuer à collaborer avec les pays pour mettre totalement en œuvre les stratégies INSPIRE, y compris en renforçant la coordination, en élaborant et en appliquant des plans d’action nationaux.
« Il est impératif, il est judicieux et il est possible de mettre un terme à la violence à l’encontre des enfants. Il est temps de financer intégralement des plans d’action nationaux complets qui garantiront la sécurité des enfants dans leur foyer, à l’école, en ligne et dans leur entourage », a déclaré pour sa part le Directeur exécutif du Partenariat pour l’élimination de la violence, Dr Howard Taylor.
« Nous pouvons et nous devons créer un monde dans lequel chaque enfant puisse s’épanouir sans être victime de violence puis être en bonne santé et mener une vie prospère à l’âge adulte », a conclu le Dr Howard Taylor.
Source : ONU Info
https://news.un.org/fr/story/2020/06/1071212