C’est une réalité douloureuse pour certains parents divorcés ou séparés. La chronique de Nathalie Vancrayenest, coach scolaire et parentale.
Comment en est-on arrivé là ? Comment rétablir le dialogue ? Avant de « hurler » à l’aliénation parentale, examinons les causes les plus fréquentes de refus de visite ou de refus d’alternance. Une multitude de motifs peuvent être à l’origine d’un refus d’alternance entre papa et maman ! Des raisons liées à l’âge des enfants, à l’attitude des parents, aux conditions d’hébergement… Voici un tour d’horizon non exhaustif.
Avant 3 ans, la garde alternée est assimilée à de la maltraitance (1). Un bébé ne peut pas être éloigné de sa figure d’attachement, car il n’a pas encore intégré la permanence des personnes et des objets. Ce qu’il ne voit pas n’existe pas ! Les troubles de l’attachement ont des conséquences graves sur le reste du développement de l’enfant et de l’adulte.
Les enfants de plus de 3 ans ne sont pas épargnés par les angoisses, les craintes, les peurs d’abandon et les troubles de l’attachement. La transition entre deux maisons, l’éloignement de la figure d’attachement peuvent être traumatisants si elles sont trop brusques, mal préparées et non progressives.
L’enfant peut être pris dans des conflits de loyauté dont il n’a pas conscience. Devenir l’aide-soignant du parent qui se plaint le plus, craindre de le quitter car il va « être malheureux ». L’enfant qui se place dans cette position oublie bien souvent ses besoins et désirs pour ceux de son parent.
À l’adolescence, le jeune plus attaché à ses amis, à son groupe, vivra mal le fait d'être éloigné d’eux, de ne pas participer à une soirée parce qu’il doit aller chez l’autre parent. Ajoutons à cela le fait de déplacer sa valise, ses cours… de ne pas avoir d’endroit à soi, de devoir composer avec les enfants d’une autre fratrie et vous comprendrez le ras-le-bol qu’ils expriment ou que leur corps exprime.
Le rejet d’un parent peut aussi être consécutif aux comportements problématiques : alcool, drogue, violences dites éducatives, maltraitances. Il peut aussi survenir lorsque le parent refait sa vie et impose sans préparation un nouveau conjoint, ou lorsque le beau-père/la belle-mère prend un rôle éducatif trop actif (2).
Quels sont les signes de malaise chez les enfants et les adolescents ?
L'enfant manifeste sa détresse au moment du départ par de l’agitation, des cris, des pleurs. Lorsqu'il se retrouve seul avec le parent rejeté il affiche un visage figé, inerte avec un regard vide et perdu. Cette attitude de repli fait souvent dire à ce parent « chez moi, tout va bien c’est avec toi qu’il fait de la comédie”.
Au retour, l’enfant se montre agressif avec le parent sécurisant. Il alterne les périodes de “collage” et de rejet. Il refuse de dormir et les réveils nocturnes avec des hurlements d’angoisse se multiplient.
L’enfant, l’adolescent se cache, fuit lorsque le parent rejeté arrive. Lorsqu’ils ne sont pas entendus, des enfants même très jeunes peuvent menacer de fuguer, de se suicider ou souhaiter mourir.
L’enfant régresse : énurésie, encoprésie font leur retour. Il recherche la “fusion” avec le parent rassurant, il parle “bébé”…
L’enfant, l’adolescent désinvestit ou surinvestit la sphère scolaire. Il rencontre des problèmes de concentration, d’attention. Il se montre agressif vis-à-vis des autres. Il est hyperactif, se montre collant avec ses camarades et se fait rejeter, harceler. Il réclame la proximité et la validation constante de l’enseignant. Lorsqu’il surinvestit, son perfectionnisme est source de stress, d’angoisse de performance.
Ajoutons à ces signes toutes les manifestations psychosomatiques non spécifiques : crise d’asthme, eczéma, maux de ventre, fatigue, état dépressif, fièvre, vomissements, perte d’appétit, anorexie…
Comment agir, réagir ?
La solution tient en quelques mots, sans jamais être simple : les parents confrontés au rejet gagnent à se mettre à l’écoute de l’enfant, de l’adolescent. Ils gagneront à mettre de côté le respect de leur « droit » pour entendre les besoins et doléances de l’enfant, céder sur un samedi, sur une heure, permet d’apaiser les tensions et de retrouver de la sérénité.
Faire preuve de souplesse, de patience, et de présence aussi, comme ce papa qui prend un temps seul à seul avec sa fille au moment de l’alternance avant de réintégrer sa “nouvelle famille recomposée”.
Lorsque parler devient difficile, faites appel à un tiers (3) rapidement pour trouver des solutions et maintenir le lien avec l’enfant sous différentes formes. Les parents confondent souvent égalité de temps et égalité d’amour. Ce n’est pas parce que vous voyez moins votre enfant qu’il vous aime moins. Privilégiez la qualité de la relation à la quantité de temps, sans devenir un parent “Walibi”(4)
Plus un parent revendique son “droit” sans entendre son enfant, plus le risque de rancœur, de mépris envers lui et les réflexes de résistance sont importants. Et lorsque le système judiciaire et institutionnel s’acharne, ces enfants perdent toute confiance dans les institutions et leurs représentants.
Aliénation parentale : un phénomène ultra-rare
Crier à l’aliénation parentale (5) permet de simplifier une situation complexe et potentiellement “nocive” pour l’enfant en un énoncé simpliste et fallacieux : un “parent mauvais, manipulateur” aliénant et “un parent gentil” vierge de tout reproche et de toute responsabilité » aliéné. Mais voilà, la réalité n’est que rarement aussi simpliste !
Le concept présenté par Richard Gardner est dangereux, car il ne repose sur aucune base scientifique. De plus, dans les points qui selon lui prouvent l’aliénation parentale plusieurs sont enfermants. Avec le concept d’aliénation parentale, le parent « défenseur » devient automatiquement suspect, s’il fait preuve d’empathie envers son enfant.
Quelle solution ce parent peut-il envisager ? Défendre son enfant et le soutenir, au risque de le voir placé en institution ou pire remis à la garde exclusive du parent rejeté comme le préconisent les adeptes des théories de Gardner ou alors le forcer et l'obliger à voir un parent qu’il rejette, peut-être à juste titre (6), pour ne pas être suspecté d'aliénation.
La parole de l’enfant est systématiquement mise en doute et non entendue, car selon cette théorie il est sous influence. La théorie ne précise pas non plus les raisons légitimes qui peuvent pousser un enfant à avoir des réticences envers son parent.
La mère est systématiquement pointée du doigt comme instigatrice de cette aliénation.
Un soutien de tous les instants
L’aliénation parentale existe, mais les cas avérés sont rares (7). Des études cliniques sérieuses et à grande échelle montrent que « 81% des cas de refus sont résolus sans obligation judiciaire »(8).
Le parent aliénant refuse que l’enfant pense à l’autre parent. Il limite et refuse tous les contacts… Il instrumentalise l’enfant pour régler ses comptes avec son ex-conjoint(e). Les parents aliénants n’acceptent pas la différentiation entre eux et leur enfant. « Le parent aliénant présente presque toujours des troubles psychiatriques évidents, souvent de l’ordre de la paranoïa, ou parfois plus subtilement de l’ordre de la perversion. » (9)
Si votre enfant marque des réticences, pensez dialogue, écoute, médiation, respect avant droit et justice ! Et si vraiment rien ne s’arrange, restez présent par des messages réguliers non culpabilisants, des petites attentions, des cadeaux lors des fêtes et surtout continuez à verser la pension alimentaire et à intervenir financièrement dans leurs études. Ce sera pour lui une preuve irréfutable de votre amour inconditionnel lorsqu’il sortira de « l’ouate » de l’aliénation.
> Pour aller plus loin
Les parents se séparent… pour mieux vivre la crise et aider son enfant, éditions de l’Hôpital Sainte-Justine, 2001
Mes parents se séparent, je me sens perdu, Pr. Maurice Berger et Isabelle Gravillon, Albin Michel, 2003
Divorce, séparation : les enfants sont-ils protégés ? Sous la direction de Jacqueline Phélip et Maurice Berger, Edition Dunod, 2012
> Grandir en confiance ce sont des conférences, des ateliers et des consultations individuelles pour des parents et des enfants bien dans leurs baskets et leur tête !
(1) Point de repère pour prévenir la maltraitance ; yapaka.be ; page 53
(2) Garde alternée, les besoins de l’enfant, Christine Frisch-Desmarez, Maurice Berger ; Yapaka.be ; page 52
(3) Médiateur, thérapeute, psychologue, coach, un membre de la famille …attention la moralisation ne fonctionne pas.
(4) « Le parent Walibi », c’est celui que l’on veut bien voir lorsqu’il y a une activité attractive.
(5) L’Aliénation parentale est un concept non scientifique défendu par Richard Gardner et certaines associations de pères. Ils posent comme postulat de départ que les mères sont majoritairement aliénantes.
(6) Garde alternée, les besoins de l’enfant, Christine Frisch-Desmarez, Maurice Berger ; Yapaka.be ; Page 52.
(7) 2% des conflits graves entre parents donnent lieu à une aliénation parentale ; Garde alternée, les besoins de l’enfant, Christine Frisch-Desmarez, Maurice Berger ; Yapaka.be ; Page 52.
(8) idem
(9) Garde alternée, les besoins de l’enfant, Christine Frisch-Desmarez, Maurice Berger ; Yapaka.be ; Page 53.
Source : La Libre