Haïti : Accéder à l’éducation pour tous, pas à pas

lun, 04/18/2016 - 11:24 -- siteadmin

Après une visite de trois jours dans le Sud-Est d’Haïti, dont six heures de marche et 10 heures sur la route, je suis de retour dans la capitale, Port-au-Prince. L’objet de ce voyage à Port Salut était d’inaugurer la dernière de 15 écoles, concluant ainsi un effort qui a commencé à la suite du tremblement de terre de 2010.

Heureusement, nous nous nous étions mis en route le dimanche, car le jour d’après, il était impossible de quitter Port-au-Prince à cause des manifestations qui ont eu lieu contre les prix élevés de l’essence. Le lundi matin, après un petit déjeuner composé de mangues fraiches et de café corsé, mes quatre collègues et moi-même avons commencé l’ascension du Mont Sinaï, en traversant la rivière quatre fois sur notre chemin.

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Nous avons suivi les pas des ouvriers du bâtiment locaux qui avaient porté les matériaux de construction jusqu’en haut du Mont. Des blocs de ciment aux barres de fer, tout a dû être acheminé.

Les températures, tournant autour de 40 degrés, n’ont pas facilité la tâche.

La création de ces écoles est l’exemple même d’une initiative équitable. L’emplacement des nouveaux bâtiments scolaires, choisis en collaboration avec le ministère haïtien de l’Éducation, manifeste l’ambition de l’UNICEF de faire du droit à l’éducation une réalité pour tous les enfants en Haïti.

(Anecdote amusante, alors les communautés locales considèrent qu’il est normal que des enfants âgés de cinq ans à peine montent la montagne pendant des heures, ils ont du mal à s’imaginer que quelqu’un de l’extérieur puisse arriver à accomplir la même chose. Mes coéquipiers haïtiens m’ont avoué par la suite avec un grand sourire que les villageois qui nous avaient vus partir avaient lancé un pari, convaincus que nous n’arriverions jamais en haut.)

Les écoles constituent un premier pas dans le défi pour améliorer l’accès aux services sociaux de base en Haïti rural. Non seulement il faut reconstruire « en mieux » après le séisme de 2010, mais beaucoup d’autres tâches restent aussi à accomplir.

En termes de reconstruction, l’UNICEF a travaillé en trois vagues pour permettre aux enfants de retourner à l’école. En premier lieu, des milliers de tentes ont été distribuées pendant les semaines qui ont suivi le séisme. Celles-ci ont permis de redémarrer le système éducatif. Puis, 196 écoles semi-permanentes ont été reconstruites dans les régions les plus touchées.

Enfin, au-delà de l’accès à un établissement aux normes de qualité, 15 écoles dotées de structures permanentes, antisismiques et anticycloniques dans les régions éloignées du Nord et du Sud permettent maintenant à plus de 5000 enfants d’apprendre dans un environnement sûr. De plus, les écoles sont bien sécurisées. Comme l’explique Paul, un écolier du Mont Sinaï âgé de 7 ans : « Je suis fier de ma nouvelle école. Tout est propre et solide. Maintenant, nous avons même des bancs et des tables. »

Partout où je suis allée jusqu’à présent, les communautés locales sont convaincues de la nécessité de l’éducation. La construction de ces écoles n’aurait pas été possible sans l’engagement des villageois qui ont contribué de leur temps, leur terre et leurs conseils. L’école primaire de Mont Sinaï compte maintenant 325 élèves, qui apprenaient auparavant de manière dispersée dans des classes improvisées dans des maisons ou sous des arbres. « C’est un soulagement que tous les enfants soient maintenant dans un seul endroit », nous a dit en souriant un des enseignants le jour de l’inauguration. Auparavant, cet enseignant devait se rendre dans trois endroits différents par jour pour enseigner à tous ses élèves.

L’école est construite pour faire face aux tremblements de terre et aux cyclones et dispose de six salles de classe, d’un bureau pour les enseignants et d’un espace pour une cantine scolaire. Il a des rampes pour faciliter l’accès des étudiants et des enseignants vivant avec un handicap; ainsi qu’un système de récupération de l’eau, des stations de lavage des mains et des toilettes séparées pour les filles et les garçons.

Comme l’école dispose également d’eau propre et, grâce à un panneau solaire, d’électricité la nuit, elle est susceptible de devenir un centre communautaire sur le long terme.

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Pourtant, il reste beaucoup à faire, y compris en ce qui concerne l’inégalité d’accès aux services de santé. Il faut 3 heures pour atteindre le Mont Sinaï depuis Port Salut, et 3 heures du Mont Sinaï pour accéder au centre de santé le plus proche. Un voyage qui n’est guère possible pour un enfant malade ou une femme enceinte. « Chaque jour, nous pouvons entendre un RaRa près d’ici (RaRa sont les groupes de musique traditionnels qui jouent lors d’occasions spéciales), cela signifie habituellement que quelqu’un est mort,» m’explique Jean, notre jeune guide.

De retour dans la capitale, une fois de plus je me rends compte du luxe que représentent l’électricité et l’eau courante. Une fois encore, je suis admirative de la force et des sourires de ces familles qui maximisent le peu qu’ils ont pour s’assurer que leurs enfants aient le meilleur départ possible dans la vie.

 

Cornelia Walther:  Directrice de la Communication pour UNICEF Haïti

 

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