Les antivaccins contaminent les réseaux sociaux

jeu, 05/17/2018 - 11:01 -- siteadmin

Les opposants à la vaccination sont très actifs sur Facebook et Twitter, éclipsant les messages officiels.

«Encore un bébé de 2 mois qui décède après avoir reçu 8 vaccins!», «Une maman raconte comment les vaccins ont tué son bébé de 6 mois», «Suite au vaccin ROR, mon fils est devenu autiste non verbal»… Chaque jour, des dizaines d’articles alarmistes et de témoignages mettant en cause l’utilité et l’innocuité des vaccins circulent sur les réseaux sociaux. Très anxiogènes, ces discours n’ont aucun fondement scientifique, et ils continuent de colporter des idées reçues invalidées depuis des années par les spécialistes de la santé publique. Ils sont le fait d’une poignée de militants très actifs, qui fédèrent autour d’eux des communautés entières sur Facebook ou Twitter

En quelques années, ces réseaux sociaux sont ainsi devenus les caisses de résonance d’un phénomène difficilement perceptible dans la vie réelle. Plus dynamiques que les sites gouvernementaux, ces groupes nourrissent les peurs des parents inquiets et achèvent de convaincre les méfiants. En témoigne le nombre de requêtes antivaccination tapées dans la barre de recherche Google qui, au cours des cinq dernières années, a progressé de 130 %.

Plusieurs courants

Pour estimer plus finement ce phénomène, l’agence de conseils en politique de santé Nile s’est associée à Antidox, cabinet de conseil en communication spécialisé dans l’analyse de l’opinion en ligne. Pendant trois mois, des analystes ont scruté la Toile francophone et en ont extrait plus de 840.000 publications mentionnant les vaccins. «Cela représente environ 8 200 articles en ligne, 250.000 partages d’articles sur Facebook, 46 000 tweets et 1500 discussions chaque mois», énumère Vincent Hospital, consultant au sein de l’agence Antidox. «En parcourant ces publications, il nous a semblé que les messages antivaccins étaient majoritaires», indique le Dr Olivier Mariotte de l’agence Nile. Une intuition confirmée par l’analyse des données. «Les “antivax” sont de loin les plus actifs sur les réseaux sociaux lorsqu’il s’agit de dénoncer le bien-fondé et la sécurité de la vaccination: ils publient et relaient des messages bien plus régulièrement que les “provax”», indiquent les auteurs de l’enquête.

À l’École des hautes études en santé publique (Ehesp, Rennes), le sociologue Jocelyn Raude s’est également intéressé à ce phénomène. «On distingue trois principaux courants parmi les antivaccins: ceux qui appartiennent à des mouvements politiques, en particulier d’extrême droite et d’extrême gauche, ceux proches des sphères conspirationnistes et les adeptes des médecines alternatives», explique-t-il. Avec plusieurs centaines de milliers de partages d’articles, Facebook semble être le terrain privilégié de ces militants. L’un des porte-étendards du mouvement, le chirurgien cancérologue à la retraite Henri Joyeux, y anime un groupe qui fédère près de 150.000 adhérents. Alors qu’il fait actuellement l’objet d’une procédure de radiation de l’ordre des médecins, Henri Joyeux continue de propager des rumeurs, tout en faisant la promotion de séjours «détox» et «bioénergétiques». «Allaiter l’enfant une année et demie, matin et soir, c’est le meilleur vaccin si vous êtes en bonne santé», déclarait-il encore très récemment.

«La question des vaccins sur les réseaux sociaux a longtemps été abandonnée aux militants, indique Jocelyn Raude. Ce n’est que récemment que les autorités sanitaires ont pris conscience de l’impact que cela pouvait avoir.» Il y a encore deux ans, les sites Internet qui apparaissaient en premier à l’issue d’une recherche sur la vaccination étaient des sites vaccino-critiques. «Pour pallier ce manque de visibilité, les autorités sanitaires ont finalement payé pour bénéficier d’un meilleur référencement de leurs sites sur Google», renseigne le sociologue.

Stratégie payante

Autre levier d’influence, YouTube, qui, avec près de 100.000 vidéos consacrées aux vaccins, est au cœur de la bataille. «Parmi les 25 vidéos les plus populaires sur ce thème, plus de la moitié développe un argumentaire contre la vaccination et seulement 10 % y sont favorables», indique Vincent Hospital. On y retrouve d’ailleurs Henri Joyeux en bonne position, dans une vidéo intitulée 11 vaccins: Big Pharma exulte!, qui cumule plus de 100.000 visionnages. «Ces vidéos sont toutefois moins visionnées et donc moins influentes que les autres», poursuit le consultant.

Et là encore, les autorités sanitaires ne se sont pas laissé faire. En décembre dernier, elles ont fait appel à deux vidéastes très populaires sur YouTube (Julien Ménielle, de la chaîne Dans ton corps, et Bruce Benamran, animateur de la chaîne E-penser) pour réaliser des vidéos pédagogiques. Une stratégie payante, puisque leurs productions, très éloignées du style institutionnel habituel, ont été regardées près de 800.000 fois en moins de cinq mois.

Malgré cette initiative, force est de constater que la balance reste déséquilibrée. «Il est étonnant de voir tant d’informations erronées et irrationnelles dans le pays de Pasteur, s’indigne le Dr Olivier Mariotte. Il faut qu’en face de ces messages il y ait une communauté de personnes capables d’apporter une information scientifique de qualité.»

C’est justement ce qu’a entrepris une dizaine de jeunes gens chevronnés. En septembre 2017, ces médecins, pharmaciens, scientifiques et passionnés de science ont créé «Vaccins France-Information et discussions», le premier - et l’un des rares - groupe Facebook francophone d’information scientifique et rationnelle sur les vaccins. Le principe est simple: des personnes posent leurs questions et des membres du groupe y répondent publiquement. Avec deux mots d’ordre: la pédagogie et la bienveillance. «L’idée de créer ce groupe est née du constat que sur les réseaux sociaux, la majorité des groupes de discussion sur la vaccination est antivaccins, explique Thibaut, l’un des fondateurs, au Figaro.

Un travail de longue haleine

Chaque jour, le jeune homme et d’autres bénévoles prennent le temps de répondre minutieusement aux questions. «On a beaucoup de personnes qui s’interrogent sur les sels d’aluminium, les effets secondaires ou encore sur l’utilité de faire autant de vaccins, explique-t-il. Sans compter les parents paniqués par la lecture de témoignages catastrophiques. «Nous les aidons à faire le tri entre les informations et nous les rassurons. J’y consacre une bonne partie de mon temps libre, environ deux à trois heures chaque soir. C’est un travail de longue haleine», sourit-il. Aujourd’hui, ce groupe rassemble un peu plus de 2300 membres. Une initiative admirable, qui ne pèse toutefois pas lourd face aux dizaines de groupes de discussion antivaccins, comme «NON aux nouveaux vaccins!», qui réunit plus de 10.000 membres.

Autre initiative, également bénévole, celle du Dr Jérémy Descoux. Dans la vie, ce trentenaire est cardiologue. Mais sur Internet, il anime Asclépios, une chaîne YouTube de vulgarisation scientifique nommée ainsi en référence au dieu gréco-romain de la médecine. «J’ai été confronté à la sphère des antivaccins après avoir réalisé deux vidéos sur la vaccination, raconte-t-il. J’ai reçu beaucoup de réactions très violentes, que je n’ai pas l’habitude de voir en consultation. Il est clair que nous traversons une crise de confiance vis-à-vis de la médecine.»

Pour le Dr Olivier Mariotte, coordinateur de l’étude, les leçons à tirer sont claires: «Il faut que l’on soit en mesure d’apporter des messages rationnels et scientifiques en flux constant, sans quoi la communication vaccino-sceptique prendra le dessus.»

11 vaccins obligatoires pour la rentrée

Tous les enfants nés à partir du 1er janvier 2018 devront être vaccinés contre 11 maladies pour pouvoir être inscrits en crèche, à l’école ou en colonie de vacances à compter de septembre 2018. Jusque-là, seuls trois vaccins étaient obligatoires: la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite. À ceux-ci s’ajoutent désormais la coqueluche, l’hépatite B, la rougeole, les oreillons, la rubéole,le méningocoque C (une bactérie provoquant des méningites), ainsi que le pneumocoque et l’Haemophilus influenzae de type B, des bactéries provoquant notamment des pneumopathieset des méningites.

Source : Le Figaro

http://sante.lefigaro.fr/article/les-antivaccins-contaminent-les-reseaux-sociaux/