Dans une lettre ouverte à Mark Zuckerberg, plus d'une centaine de docteurs, éducateurs et autres experts s'inquiètent des conséquences de l'application de messagerie mobile Messenger Kids sur le développement des 6-12 ans.
Une application sous contrôle parental, sans publicité et préservée de tout contenu haineux ou sensible. C'est la promesse de Messenger Kids, réplique épurée de sa grande sœur Messenger mais destinée aux enfants de 6 à 12 ans (et seulement accessibles aux détenteurs américains d'iPhone). Le service lancé début décembre fait depuis ses débuts les frais de critiques nourries, rapporte le Washington Post.
Dans une lettre ouverte publiée ce mardi 30 janvier, l'organisation américaine Campaign for a Commercial-Free Childhood (CCFC) fait directement part au patron de Facebook, Mark Zuckerberg, de ses inquiétudes au sujet des conséquences d'une telle application sur le développement des enfants de moins de 13 ans. Plus d'une centaine de docteurs, éducateurs et experts des questions liées à l'enfance réclament ainsi sa suppression, en invoquant le manque de maturité de ces jeunes utilisateurs, leur propension à exposer des photos et vidéos de leur vie quotidienne, et les risques d'addiction que la consultation d'un tel réseau social implique.
«Phase charnière pour les entreprises des nouvelles technologies»
«De nombreuses recherches montrent que l'usage excessif des réseaux sociaux et des appareils électroniques est néfaste au développement des enfants et des adolescents», est-il précisé. Le document évoque notamment le fait que les jeunes utilisateurs passant entre 6 et 9 heures par semaine sur ces sites auraient 47 % de chances d'être plus malheureux que leurs pairs.
«Nous en sommes à une phase charnière où les entreprises des nouvelles technologies doivent décider si elles vont agir de façon éthique et responsable vis-à-vis des enfants et familles ou si elles vont continuer à poursuivre des objectifs financiers au détriment du bien-être des enfants», déclare Josh Golin, directeur du CCFC, au Washington Post.
En réponse, Facebook indique dans un communiqué collaborer avec des experts pour associer Messenger Kids à «la meilleure expérience possible pour les familles» et fournir aux enfants un environnement de communication sûr et exempt de publicités.
L'addiction aux réseaux sociaux pointée du doigt
Les risques d'une utilisation excessive des réseaux sociaux sur le développement des plus jeunes internautes ont été pointés du doigt à plusieurs reprises ces derniers mois. «On est désormais sûr que la durée passée sur les écrans est proportionnelle à de mauvais résultats scolaires. Plus on passe de temps là-dessus, plus la qualité du sommeil se détériore, plus la fatigue s'accumule et moins les capacités d'apprentissage sont élevées», explique Jacques Henno. L'auteur de «Facebook et vos enfants» (Télémaque) juge que l'acquisition d'un smartphone pour ses enfants doit être retardée au maximum.
Dans son livre publié en 2011, «Seuls Ensemble: De plus en plus de technologies, de moins en moins de relations humaines», la chercheuse du MIT Sherry Turkle en arrive, elle, à une conclusion plus alarmiste encore: elle estime que le pouvoir des nouvelles technologies est encore sous-estimé et compare leur utilisation excessive à un problème de santé publique. La question est prise au sérieux par Facebook. Dans un communiqué publié mi-décembre, l'entreprise reconnaît que le fait d'être passif sur les réseaux sociaux peut avoir un «impact négatif sur le moral».
Dernier exemple en date des critiques adressées à Facebook, la lettre ouverte du CCFC s'inscrit dans un débat plus large autour de l'addiction des internautes aux services en ligne, et à ses conséquences. Début janvier, deux actionnaires d'Apple ont demandé à l'entreprise de lutter contre ce phénomène, ciblant plus particulièrement l'addiction des plus jeunes à l'iPhone, rapportait le Wall Street Journal. Les deux fonds impliqués ont tour à tour proposé plusieurs pistes de travail, dont la création d'un logiciel permettant aux parents de limiter l'utilisation de l'iPhone de leurs enfants.
Source : Le Figaro