«Notre crainte est la résurgence de maladies infectieuses graves à l’école»

jeu, 11/16/2017 - 16:39 -- siteadmin

Le Dr Pierre Foucaud, pédiatre au centre hospitalier de Versailles et président du groupe de pédiatrie générale de la Société française de pédiatrie s’inquiète du risque de retour de maladies graves au sein des établissements.

Le Figaro: L’école, comme toute collectivité d’enfants, fait le lit des maladies infectieuses. Est-il possible de les éviter?

La majorité des infections sont des infections ORL qui, dans la plupart des cas, ne sont pas graves et renforcent le système immunitaire des enfants. Un enfant fait environ six à huit rhinites par an. Mais chez quelques-uns ces infections occasionnelles ont tendance à devenir chroniques. C’est un inconfort pour l’enfant dont on parle peu. Leur nez bouché réduit leur appétit, les empêche de bien dormir, peut être source de ronflement. Les décongestionnants sont contre-indiqués à ces âges, les gouttes à base de corticoïdes ne sont guère efficaces et la solution passe par le mouchage et la désobstruction nasale par du sérum physiologique.

Mais aujourd’hui, la véritable crainte des pédiatres est celle de la résurgence de maladies infectieuses graves liée à une mauvaise couverture vaccinale. Certains vaccins sont plus concernés que d’autres.

À quels vaccins et maladies infectieuses songez-vous exactement?

Trois vaccins et maladies sont particulièrement concernés. En premier lieu, je citerai le vaccin Rougeole-Oreillon-Rubéole (ROR). Seuls 70 % des enfants de 2 ans ont reçu une deuxième dose de ce vaccin, taux insuffisant pour enrayer une possible circulation du virus de la rougeole. C’est ainsi qu’une épidémie est survenue en France de 2008 à 2012, avec 23 000 cas recensés, en majorité de jeunes enfants. Malgré la réputation de bénignité de la maladie, l’épidémie a causé plus de 1 200 pneumopathies graves, 32 complications neurologiques et 10 décès! Deuxième exemple: celui de la vaccination contre la méningite à méningocoque C. Cette vaccination est recommandée en France depuis 2010 chez tous les nourrissons de 12 à 24 mois. Le taux de vaccination est de 60 % chez les enfants âgés de 1 à 4 ans, les plus sensibles à cette méningite redoutable, qui peut entraîner la mort ou encore des séquelles neurologiques graves.

La situation est-elle uniforme dans tout l’Hexagone?

Qu’il s’agisse de la rougeole ou du méningocoque C, les taux de vaccination moyens cachent d’importantes disparités, d’une région à l’autre, d’un quartier à l’autre, d’une école à l’autre. Et les parents sont totalement ignorants du niveau de risque que court leur propre enfant dans l’école qu’il fréquente s’il est insuffisamment vacciné. C’est ce qui a conduit les Canadiens à afficher les taux de couverture vaccinale, sans préciser le nom des enfants ne l’étant pas, à l’entrée des écoles. Mais revenons à la question précédente, soit le troisième et dernier point d’inquiétude concernant les vaccins: la rupture de stock du BCG, suivie d’un contingentement essentiellement dans les centres de PMI (Protection maternelle infantile). Les enfants les plus à risque ne sont donc pas tous vaccinés. Le passage de l’obligation vaccinale pour tous à un ciblage des enfants avait été bien accompagné par les professionnels de santé et les pouvoirs publics. Les manquements des industriels risquent de mettre à bas tous les efforts réalisés avec le risque de voir à nouveau progresser la tuberculose dans notre pays.

Lorsque les enfants sont correctement vaccinés, sont-ils protégés individuellement?

Oui, un enfant vacciné sera protégé. Mais la vaccination a aussi pour objectif une protection collective en arrêtant la circulation d’un microbe. Pour cela il est nécessaire d’atteindre un taux de vaccination suffisant. Il est même possible d’éradiquer certaines maladies. La poliomyélite est en bonne voie: 350 000 cas avaient été recensés à travers le monde en 1988, contre seulement 27 en 2015.

Outre les infections, nombre d’enfants reviennent de l’école avec des poux. Serait-ce lié à une mauvaise hygiène?

Ce n’est pas uniquement une question d’hygiène: tous les enfants peuvent attraper des poux. Les enfants les plus touchés par la pédiculose sont âgés de 6 à 8 ans, plus particulièrement les filles en raison de leurs cheveux longs. Mais il est vrai que les établissements en milieu de précarité sociale sont plus souvent concernés. Aussi parce que les produits destinés à traiter les cheveux des enfants ne sont pas remboursés.

La gale, autre maladie parasitaire contagieuse, est-elle en recrudescence?

Ce n’est pas une maladie à déclaration obligatoire, il n’est donc pas facile de répondre. Mais nous savons que les ventes de produits pour lutter contre cette pathologie augmentent de 10 à 20 % par an. Le problème est qu’il est possible de passer à côté du diagnostic. Les cas les plus typiques peuvent être aisément diagnostiqués, mais il existe des formes atypiques pouvant évoluer à bas bruit. Un impétigo qui va se développer sur les lésions provoquées par le grattage peut ainsi masquer une gale évolutive. La maladie est alors plus difficile à traiter et l’enfant risque de contaminer plus de personnes. Mais si la gale est contagieuse, elle l’est beaucoup moins que dans l’imaginaire collectif. Par ailleurs, nous disposons de traitements efficaces et l’Ascabiol est remboursé à 65 % depuis janvier dernier.

La plus grande sédentarité des enfants est une réalité. Quelles en sont les principales conséquences à l’école?

Les enfants devraient faire en moyenne une heure d’activité physique par jour. Or nous avons assisté à une réduction de l’activité physique et, parallèlement, à une augmentation du temps passé sur les écrans, tablettes et autres smartphones aussi bien à la maison qu’à l’école. L’une des conséquences est l’augmentation des troubles musculo-squelettiques, accentués par le poids des cartables qui demeure un véritable problème. Depuis des années nous abordons le sujet de la surcharge pour le dos des enfants sans que rien ne soit fait très concrètement.

Un cartable trop lourd ne va pas provoquer de scoliose, mais il va entraîner douleurs et mauvaises postures. Et le coût d’un cartable à roulettes est souvent élevé.

Est-ce que l’école prend suffisamment en compte la santé de l’enfant?

Nous constatons quelques points positifs avec, notamment, une amélioration de la prise en charge des enfants atteints de maladies chroniques. Les équipes pédagogiques ont fait de réels efforts pour mieux accueillir ces enfants-là grâce à la généralisation des projets d’accueil individualisé (PAI). Ce document écrit précise les besoins thérapeutiques (traitement, régime alimentaire…) pour permettre d’assurer leur sécurité et compenser les inconvénients liés à leur état de santé. Les enfants qui font de l’asthme, qui sont diabétiques ou encore allergiques peuvent bénéficier d’un PAI. En revanche, nous sommes plus inquiets sur la diminution du nombre de médecins et d’infirmières scolaires, par manque de moyens et d’attractivité des carrières. Or ces professionnels de santé jouent un rôle primordial dans le dépistage des troubles de l’apprentissage, dans le suivi de l’hygiène buccodentaire ou encore le repérage des maltraitances.

Source : Le Figaro

http://sante.lefigaro.fr/article/-notre-crainte-est-la-resurgence-de-maladies-infectieuses-graves-a-l-ecole-/