L'objectif du programme ATOL, lancé à l'initiative d'un chercheur en neurosciences de l'Inserm, est de toucher 10 000 élèves au plus tard l'an prochain.
Manque de concentration, bavardage, agitation: autant de problèmes qui nuisent à l‘apprentissage à l'école. Si ces obstacles ne sont pas nouveaux, l'usage des nouvelles technologies a pour effet d'accentuer cette tendance à la dispersion du cerveau. «Nous avons beau avoir cent milliards de neurones, le cerveau n'a pas évolué pour faire plusieurs choses à la fois, a ainsi expliqué Jean-Philippe Lachaux, directeur de recherche à l'Inserm, au Centre de recherche en neurosciences de Lyon, dans le cadre de L'Échappée volée à Chantilly le 13 mai dernier.
Fort de ce constat, le chercheur a lancé un programme de développement de l'attention à l'école, baptisé ATOL (pour «Attentif à l'école») . Selon le père de la psychologie cognitive moderne, William James, «une éducation qui développerait cette faculté serait l'éducation par excellence», se plaît à rappeler Jean-Philippe Lachaux. Rompant avec la traditionnelle injonction «Concentre toi», ce dernier a ainsi choisi d'expliquer de façon scientifique aux enfants ce que signifie se concentrer et ce qu'il faut faire pour y arriver, de façon très didactique.
L'idée est de passer par les enseignants pour développer des ateliers collectifs. L'équipe d'ATOL, après une séance de sensibilisation dans l'école, confie aux enseignants, qu'elle forme et auxquels elle fournit des outils pédagogiques, le soin de faire passer le message. Comme ces fiches leur permettant d'expliquer aux enfants ce qui se passe dans leur cerveau. «L'idée est de les déculpabiliser en leur montrant qu'il s'agit de mécanismes identiques pour chacun» , explique le promoteur de ce programme.
Dans le même esprit, Jean-Philippe Lachaux a publié un livre, puis une bande dessinée , utilisée par les enseignants. Également distribuée en librairie, celle-ci s'est vendue à 100 000 exemplaires à ce jour. Il s'agit enfin de montrer aux élèves ce que signifie concrètement être concentré et leur donner des techniques concrètes pour y parvenir, à l'aide d'images (ne pas faire plusieurs choses en même temps, aller d'un point A à un point B sur une poutre sans tomber...).
Mille enfants de quarante classes
Mille enfants d'une quarantaine de classes, du CP à la cinquième, ont déjà participé à ce programme, grâce au partenariat avec plusieurs établissements scolaires sous contrat à Caluire (près de Lyon) et Grenoble. «Tous ont renouvelé l'expérience car ils sont satisfaits des résultats: l'enseignant a désormais des leviers d'action sur l'attention de sa classe», se réjouit Jean-Philippe Lachaux. En effet, le programme a permis notamment de canaliser des enfants considérés comme ingérables. De quoi attirer l'attention de deux inspecteurs de l'Éducation nationale, qui ont fait part de leur intérêt. «Notre objectif est de toucher dix mille élèves d'ici l'an prochain ou dans les deux ans, cent mille puis peut-être une génération», lance, enthousiaste, son promoteur.
Le programme ATOL a été financé par l'Agence nationale de la recherche (ANR) à hauteur de 450 000 euros sur quatre ans (correspondant principalement aux salaires des intermédiaires avec les écoles), de 2014 à 2018. L'objectif est aujourd'hui de le pérenniser sur la durée, d'autant que les marques d'intérêt sont nombreuses. «Nous abordons une phase critique: les demandes affluent mais nous n'avons pas les moyens d'aller faire nous-mêmes des conférences dans les écoles; nous réfléchissons donc à de nouveaux outils au service d'enseignants qui se trouveraient seuls, éloignés, mais encadrés», explique Jean-Philippe Lachaux. Aussi ce dernier est-il en quête de financements pour pouvoir généraliser cette expérience.
Source : Le Figaro