Une adolescente de 16 ans a été violée, en début de semaine dernière, pour «venger» un acte similaire commis par son frère. La justice traditionnelle pakistanaise continue de faire subir aux femmes des pratiques cruelles, sous le regard indulgent des autorités.
Dimanche 6 août, à Raja Jam, un village reculé de l'est du Pakistan, une adolescente de 16 ans a été violée pour «venger» un acte similaire commis par son frère sur une enfant de 12 ans. Le viol a été acté sur autorisation du conseil des anciens du village. Dans les villages comme Raja Jam, ces assemblées connues sous le nom de panchayat ou jirga, sont toujours considérées comme le système de justice authentique. Ce système judiciaire repose sur l'honneur et rien n'est plus déshonorant qu'un viol. Les hommes d'une famille doivent alors payer le même tribut que la victime.
«On peut résumer cela à la fable du loup et de l'agneau: si ce n'est toi c'est donc ton frère. Et dans ces villages, c'est la loi du talion qui prévaut. Un crime s'efface par un autre», explique Ariane Quentier, haute fonctionnaire ayant travaillé au Pakistan dans le cadre de missions humanitaires pour l'Europe. La Cour Suprême du Pakistan a essayé de mettre fin à ces assemblées traditionnelles en les déclarant illégales en 2006. Mais le gouvernement est revenu sur cette décision et a de nouveau autorisé la tenue de ces assemblées pour que les conflits de village soient réglés rapidement. Les cours pakistanaises peuvent en effet mettre des années à juger une affaire criminelle, quand les conseils villageois règlent l'affaire instantanément. Un argument qui ne convainc pas Nadia Rahman, chargée des campagnes sur le Pakistan à Amnesty International. «Les autorités pakistanaises doivent mettre un terme à l'impunité pour les violences sexuelles et supprimer les conseils de village qui ordonnent des actes abominables contre les femmes, souvent à titre de représailles pour des actes commis par d'autres», affirme-t-elle. «Depuis bien trop longtemps, ces pratiques d'une cruauté sans nom bénéficient de l'indulgence des autorités», poursuit Nadia Rahman qui ajoute qu'«aucune tradition culturelle ne saurait justifier de telles attaques. Les violences faites aux femmes sont toujours aux antipodes de la justice. Leur corps n'est pas une marchandise que l'on peut troquer pour régler ses comptes».
Un homme tue sa propre soeur
Au Pakistan, une centaine de femmes périt chaque année, tuées par leurs proches sous prétexte de laver l'honneur familial. Une notion profondément ancrée dans les mœurs. «Il s'agit de cultures tribales avec des codes bien ancrés dans la tradition. Il y a encore peu, une femme devait par exemple disposer de quatre témoins de sexe masculin pour prouver l'acte d'adultère commis par son mari. Dans ces sociétés primitives, le ventre d'une femme appartient totalement à la famille, elle sert à procréer… Mais on peut aussi observer cela dans d'autres pays comme l'Inde ou l'Afghanistan. Ce qui se traduit par exemple dans ces états par des mariages arrangés ou même des lapidations. La famille a la toute-puissance sur le corps d'une femme. Cela n'a rien à voir avec la religion ou le culte musulman», abonde Ariane Quentier.
La question d'honneur peut aussi porter sur la légitimité d'un mariage. Mardi 8 août, dans le centre du pays, un homme a tué sa propre sœur et son futur mari alors qu'ils allaient enregistrer leur union dans un tribunal. La famille de la jeune femme de 22 ans s'était opposée à cette union qui portait, selon eux, déshonneur à la famille. Un exemple parmi tant d'autres d'une coutume dont les femmes paient le prix fort.
En octobre 2016, le parlement pakistanais a adopté une loi dans le but de retirer la possibilité d'absoudre les auteurs de ces «crimes d'honneur». Selon l'ancienne législation, les coupables, souvent des hommes, pouvaient s'en sortir impunément après avoir été pardonnés par leur propre famille. Mais le meurtre, en juillet dernier, de la starlette des réseaux sociaux Qandeel Baloch par son propre frère a justifié cette réforme légale qui tarde toutefois à se mettre en place.
Source : Le Figaro