Des piqûres supplémentaires en perspective pour les enfants : le Premier ministre Edouard Philippe a annoncé mardi que de nouveaux vaccins infantiles seraient obligatoires l’an prochain, dans un contexte de défiance grandissante envers la vaccination.
- Quels vaccins pour les enfants ? -
Aujourd’hui seuls trois vaccins infantiles sont obligatoires en France : contre la diphtérie (depuis 1938), le tétanos (depuis 1940) et la poliomyélite (depuis 1964). On parle communément du «DTP», qui fait l’objet de trois injections groupées avant l’âge de 18 mois.
Huit autres sont seulement recommandés : coqueluche, rougeole, oreillons, rubéole, hépatite B, bactérie Haemophilus influenzae, pneumocoque, méningocoque C.
Mi-juin, la nouvelle ministre de la Santé, Agnès Buzyn, avait annoncé qu’elle réfléchissait à rendre également obligatoires ces huit vaccins en plus des trois autres, soit un total de onze, pour une durée limitée de quelques années.
«L’an prochain, les vaccins pour la petite enfance qui sont unanimement recommandés par les autorités de santé deviendront obligatoires», a annoncé Edouard Philippe lors de son discours de politique générale à l’Assemblée nationale, sans préciser si le total se montera bien à onze.
- Vaccins polyvalents: une situation incohérente ? -
Cette distinction vaccins obligatoires/recommandés est devenue largement théorique en France ces dernières années : pour recevoir les vaccins obligatoires, les enfants n’ont d’autre choix que de recevoir aussi des vaccins censés n’être que recommandés.
En effet, depuis 2008, le DTP seul n’est plus commercialisé et les laboratoires l’associent à d’autres vaccins recommandés sous forme de vaccins polyvalents, vendus plus chers.
En février, le Conseil d’État a fustigé cette incohérence en donnant six mois au ministère pour la lever, soit jusqu’au 8 août.
L’extension de l’obligation à de nouveaux vaccins nécessite une loi. Ces derniers mois, plusieurs organisations médicales ont plaidé pour cette solution, déjà préconisée par un comité en décembre, à l’issue d’une concertation citoyenne.
A noter que des difficultés d’approvisionnement touchent certains vaccins depuis des mois.
- Pourquoi une crise de confiance ? -
Les Français sont de plus en plus méfiants : d’après une enquête publiée en octobre, seules 69% des personnes interrogées disent faire confiance à la vaccination, proportion la plus basse depuis 2012.
Les anti-vaccins fustigent leur dangerosité supposée (notamment en raison des adjuvants comme l’aluminium que certains contiennent) et accusent les laboratoires de privilégier la rentabilité à la santé des enfants.
Le cas emblématique est la vaste campagne de vaccination contre l’hépatite B en 1994, qui a ensuite fait naître des soupçons de lien avec des maladies neurologiques comme la sclérose en plaques.
Après plus de 17 ans d’instruction, la justice a conclu l’enquête sur un non-lieu dans ce dossier en mars 2016.
- Que disent les pro-vaccins ? -
L’argument premier pour étendre l’obligation à davantage de vaccins est la baisse du taux de couverture vaccinale et la réapparition de certaines maladies.
«Des maladies que l’on croyait éradiquées se développent à nouveau sur notre territoire, des enfants meurent de la rougeole aujourd’hui en France... Dans la patrie de Pasteur, ce n’est pas admissible», a martelé Edouard Philippe.
Depuis 2008, la rougeole a causé la mort de 10 enfants en France.
En outre, les pro-vaccins font valoir que la vaccination n’est pas qu’un acte individuel mais qu’elle est aussi destinée à protéger la collectivité.
Certains enfants, comme par exemple ceux qui sont atteints de leucémie, ne peuvent être vaccinés. Ils risquent donc d’attraper des virus potentiellement dangereux pour eux au contact d’autres enfants qui n’auraient pas été vaccinés par choix.
- Comment font les autres pays ? -
De nombreux pays optent pour des recommandations plutôt que pour une obligation. C’est le cas des Etats-Unis, de l’Allemagne, de la Suède ou de l’Espagne.
Mais la controverse ne touche pas que la France.
En Italie, le gouvernement a adopté le 19 mai un décret-loi, qui doit être confirmé par le Parlement dans les trois mois, rendant 12 vaccins obligatoires pour inscrire les enfants à l’école.
Au beau milieu de ce débat, un enfant de 6 ans souffrant d’une leucémie est mort le 22 juin à Monza (nord) des suites d’une rougeole.
Source : Libération