La Ritaline est un psychostimulant proche de l’amphétamine utilisé pour traiter l’hyperactivité chez l’enfant. Certains étudiants n’hésitent pas, à l’approche des examens, à s’en procurer à leurs risques et périls.
Charles a entendu parler de la Ritaline un soir. Un de ses amis lui explique avoir lu sur un forum américain, une conversation encensant cette pilule qui rendrait «plus intelligent» l’espace de quelques heures. Le jeune étudiant en parle à l’un de ses amis pharmacien. «Mais pour la Ritaline, il m’a dit d’emblée que ce serait difficile: en France, chaque pilule est consignée. «Il a fini par me vendre trois pilules sous le manteau: des retours de ses patients».
Sa consommation est en constante augmentation depuis 2008
La Ritaline est un psychostimulant apparenté aux amphétamines prescrit pour soigner le trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH) chez l’enfant. Si cette substance est très répandue aux Etats-Unis, en France elle est distillée avec grande précaution: la prescription annuelle d’un médecin hospitalier spécialisé en neurologie, psychiatrie ou pédiatrie est nécessaire pour une première prescription.
Sa consommation est toutefois en constante augmentation. Selon l’état des lieux à paraître en mai 2017 par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), entre 2008 et 2014, le nombre total d’utilisateurs de la Ritaline a augmenté d’environ 4 000 patients par an, passant de 40 876 en 2012 à 48 895 en 2014, soit une augmentation de l’ordre de 20%.
À l’approche des concours, certains étudiants carburent à ce cousin proche de l’amphétamine. Selon une étude de l’Inserm en 2016 auprès de 1718 étudiants en médecine, un tiers d’entre eux prennent des psycho-stumulants, dont 1,5 % se dopent à la Ritaline, le médicament le plus utilisé des médicaments sous ordonnance après les corticoides.
«La Ritaline ne change pas un âne en cheval de course», prévient toutefois Bruno Perrouty, secrétaire général du Syndicat national des neurologues, qui en a prescrit à plus de 3000 enfants en quinze ans. Mais son efficacité a été prouvée pour traiter le TDAH (trouble du déficit de l’attention) chez l’enfant. «Contrairement aux amphétamines, le méthylphénidate (composant de la Ritaline) n’entraîne pas de dépendance», dit-il. Pour l’ANSM, «la balance bénéfice/risque est jugée positive» lorsque le médicament «est utilisé sur la base d’un diagnostic bien établi et dans le respect des conditions d’utilisation». Ce qui est loin d’être toujours le cas.
Pierre, étudiant d’une école de commerce parisienne jusqu’en 2015, connaît les ficelles d’un trafic nébuleux où les Bitcoins (monnaie virtuelle) et le Darknet («l’autre» internet, totalement anonyme) permettent de se fournir en Ritaline sur les mêmes réseaux que ceux des marchands d’armes ou de drogues dures.
Pour Charles et Pierre, les effets sont immédiats. Charles boucle le mémoire de son prestigieux master de finance en trois jours sous Ritaline, avec «une envie de travail exacerbée, aucune perte de concentration, le cœur qui bat vite et une grosse consommation de cigarettes». Pierre, lui, parle d’une montée d’adrénaline puissante, d’«un état proche de celui qui précède un oral ou un entretien». Pour ces deux Parisiens, la Ritaline n’a pas eu d’effet addictif: dès leur entrée dans la vie active en 2015 ils ont arrêté, sans difficulté.
Dangereux en cas de malformation cardiaque
Toutefois, la Ritaine n’est pas si inoffensive. «Il y a deux cas où le produit est absolument prohibé: les malformations cardiaques et la dépression, prévient le docteur Perrouty. Max, 23 ans, l’a appris à ses dépens. Quelques semaines avant son bac en 2013, le jeune Rémois commence à se servir dans l’infirmerie familiale (ses frères étaient sous traitement). «En un trimestre, j’ai gagné trois points de moyenne générale» raconte-t-il. Problème: Max a une malformation cardiaque qu’il ignore. Quelques jours avant le bac, il enchaîne deux AVC, coup sur coup, et trois mois de rééducation pour retrouver l’usage du côté droit de son corps. Certains neurologues, dont ceux de la polyclinique Courlancy (Reims), lui confirment que la Ritaline a joué un rôle dans cette descente aux enfers. Depuis, le jeune homme n’a toujours pas son bac.
Source : Le Figaro