Une étude suggère que l’exposition l’environnementale aux pyréthrinoïdes pourrait avoir des conséquences sur le développement comportemental des enfants.
Les pyréthrinoïdes sont des insecticides chimiques synthétiques dont la structure mime celle des pyréthrines, des insecticides naturels issus des fleurs de chrysanthèmes. On les retrouve dans plus de 3500 produits utilisés en hygiène publique (dératisation, désinsectisation...), domestique (shampoings antipoux, sprays et crèmes répulsifs), en pharmacie et en médecine vétérinaire et surtout, en agriculture. Depuis une quarantaine d’années, les pyréthrinoïdes ont peu à peu remplacé les insecticides organophosphorés, puisqu’ils présentent une toxicité moindre pour les oiseaux et les mammifères, ainsi qu’une plus grande efficacité sur leurs cibles. Les uns comme les autres sont des neurotoxiques: ils tuent les insectes en détruisant leur système nerveux.
Pour la première fois en France, une équipe du département d’épidémiologie et de santé publique du CHU de Rennes-Inserm s’est intéressée à l’impact potentiel d’une exposition fœtale et quotidienne à ces insecticides sur le comportement d’enfants âgés de 6 ans. Les résultats, publiés le 1er mars dans la revue Occupational and environmental medicine, semblent établier un lien entre les concentrations urinaires de ces insecticides et les troubles du comportement.
Les scientifiques restent cependant très prudents: «notre étude ne prouve absolument pas que les pyréthrinoïdes sont à l’origine de ces troubles du comportement, met en garde Jean-François Viel, professeur d’épidémiologie et de santé publique à l’université de Rennes et principal auteur. Pour le moment, nous n’avons que des présomptions, nous n’en sommes qu’au début». Si les chercheurs sont parvenus à établir une association entre insecticides et difficultés comportementales, cela ne signifie pas pour autant que les premiers sont à l’origine de celles-ci!
Une association incertaine
Au total, 287 femmes ayant accouché entre 2002 et 2006 en Bretagne ont participé à l’étude. Les concentrations en pyréthrinoïdes - ou plus précisément celles de cinq composants résultant de la dégradation de ces substances dans l’organisme - ont été mesurées dans leurs urines en début de grossesse (entre la 6eme et la 19eme semaine de gestation), et plus tard dans celles de leurs enfants âgés de 6 ans. Au début de leur inclusion dans l’étude, les participantes ont complété un questionnaire sur leurs conditions socio-économiques, leur régime alimentaire et leur mode de vie. Le comportement des enfants a été évalué à l’aide d’un test comprenant 25 questions. Les enfants avec le score le plus élevé étaient les plus susceptibles d’avoir des problèmes de comportement: hyperactivité, agressivité,...
D’autres facteurs susceptibles d’influer sur le développement neurocomportemental des enfants (les facteurs «confondants») ont également été évalués: tabagisme passif, niveau d’éducation de la mère, consommation excessive de poisson au cours de la grossesse (susceptible de contenir des métaux lourds), temps de sommeil, temps passé devant la télévision ou à jouer aux jeux vidéo et enfin, la pratique d’activités sportives.
Malgré ces précautions, l’étude présente une limite de taille: les pyréthrinoïdes sont très rapidement métabolisés par l’organisme. En conséquence, ils ne sont détectables que dans les jours suivants l’exposition. Les concentrations relevées dans les échantillons d’urine ne sont donc en aucun cas représentatives de l’exposition moyenne à long terme. La force statistique des associations découvertes est donc à relativiser.
Des mécanismes mal connus
«Plusieurs mécanismes pourraient être en jeu dans l’association entre les insecticides pyréthrinoïdes et les troubles du comportement chez l’enfant», écrivent les auteurs de l’étude. «L’augmentation du flux de sodium induite par ces substances pourrait affecter la plasticité neuronale (...). De plus, l’exposition à ces insecticides pourrait induire des altérations des fonctions de la dopamine et influencer la micro-anatomie du cerveau, de même que sa neurochimie.»
En 2015, la même équipe avait évalué l’impact des pyréthrinoïdes sur les performances cognitives des enfants. Résultat, si le degré d’exposition aux pyréthrinoïdes pendant la grossesse ne laissait pas présager des performances cognitives de l’enfant, un contact élevé avec ces produits durant les premières années de vie semblait en revanche réduire la capacité de l’enfant à se concentrer ou à acquérir de nouvelles connaissances.
Jusqu’à maintenant, seule une étude menée par le département de santé environnementale de l’université de Montréal (Canada) en 2013 avait évalué l’impact des pyréthrinoïdes sur le développement comportemental des enfants. Bien qu’une méthodologie différente ait été utilisée, les résultats montraient également l’existence d’une association. Du côté français, les chercheurs comptent poursuivent leurs travaux. «Nous souhaitons désormais évaluer l’impact de ces insecticides sur le développement pubertaire des enfants que nous suivons», rapporte le Pr Jean-François Viel.
Selon un rapport de l’Ecole des hautes études en santé publique (EHESP) daté de 2010, l’inhalation ne constitue par, a priori, la voie d’exposition principale aux pyréthrinoïdes. L’exposition par voie orale, et notamment par l’ingestion d’aliments contaminés, est vraisemblablement la voie majeure d’exposition à ces molécules.
Source : Le Figaro