Comme on choisit son médecin, on se soigne. Dans l’intimité des cabinets médicaux, la parole se libère. Échaudés par les scandales sanitaires à répétition - quitte parfois à tout mélanger —, les patients font part de leurs inquiétudes à leurs praticiens. Certains répondent à leurs interrogations. Ce sont ceux-là que nous avons choisi d’interroger pour prendre le pouls des questions des Français autour de la vaccination et notamment celle des enfants.
Le Dr Dominique Dupagne est un généraliste parisien et, en blogueur hyperactif, il a créé le site atoute.org sur lequel il dénonce régulièrement les conflits d’intérêts et le lobby pharmaceutique. Il fait partie de ceux qui estiment que les patients peuvent penser, face aux sachants. Il raconte entendre des questionnements et assure répondre à chacun. «Quand on parle de “la” vaccination, je m’énerve car ça ne veut rien dire. Il y a des vaccins qui ne servent à rien et d’autres qu’il faut absolument faire», explique-t-il.
À propos de celui contre l’hépatite B, il répond comprendre les doutes. Et rétorque que si l’on n’est pas infirmier, boucher ou encore coiffeur, il est possible de s’en passer. En revanche, aux parents qui refusent de faire le ROR (rougeole-oreillons-rubéole), il rétorque que «ce n’est pas raisonnable. L’autisme causé par ce vaccin est un mythe. Au bout du compte, j’ai rarement des refus».
Et quid du Gardasil (génotypes du papillomavirus humain responsables de certains cancers du col de l’utérus)? «Je dis que l’on n’a pas encore montré qu’il protégeait du cancer et que nous ne disposons pas, à ce jour, d’éléments pour affirmer que les virus ne vont pas être remplacés par d’autres. Par ailleurs, les risques d’accident avec ce vaccin sont très faibles, de l’ordre d’1 accident grave pour 500.000. En résumé, le risque d’effets secondaires du Gardasil est très faible et le bénéfice est à l’état d’hypothèse», estime le Dr Dupagne. Dans ce cas, ce sont donc aux patients de choisir. Enfin, pour le BCG, sa réponse est claire: il ne sert à rien.
Généraliste près de Limoges (Haute-Vienne), le Dr Philippe Nicot est membre du Formindep, un collectif dont le but est de «favoriser une formation et une information médicales indépendantes ». Récemment, le Formindep s’est illustré en publiant le premier classement des universités françaises en fonction de leur degré d’indépendance. «C’est par le dialogue que l’on peut inciter nos patients à se faire vacciner, pas en imposant les choses car seule une petite frange de la population est contre la vaccination », estime-t-il. Il rappelle que le vaccin contre l’hépatite B présente quelques effets secondaires. Quant à la campagne de publicité, elle avait été «gérée à l’époque par la firme. On s’est trompé de cible pour l’hépatite B, on a vacciné les adultes et non les enfants. Moralité, on s’est retrouvé avec une vaccination massive concernant la mauvaise population ». Ces erreurs ont laissé des traces, de même que la campagne de la peur instiguée par Roselyne Bachelot, alors ministre de la Santé, pour le H1N1.
Le Dr Anne-Sylvestre Michot-Cottias est pédiatre à Paris, attachée à la maternité Port-Royal et membre du réseau de surveillance épidémiologique Activ (Association clinique et thérapeutique infantile du Val-de-Marne). Elle se définit comme «très pro-vaccins».
Selon elle, les pédiatres sont peut-être plus sensibles à ces questions que les généralistes «en raison des pathologies auxquelles ils ont été confrontés en réanimation avant que les vaccins n’existent». Elle ajoute: «Les parents qui ont peur des vaccins ont en fait peur de tous les vaccins. Ils invoquent l’autisme et l’aluminium. Concernant le BCG, je dis qu’il doit être réservé aux enfants voyageant beaucoup et loin. Les petits Parisiens n’ont pas tous besoin de le faire. Il faut répondre au cas par cas, pour chaque vaccin .»
Les parents veulent désormais des informations claires et équilibrées
Le temps de l’accord quasi tacite des parents pour la vaccination de leurs petits est bien révolu. Tout au moins dans les pays occidentaux. Les experts du réseau Cochrane ont ainsi analysé 38 études, la plupart «consacrées à des pays à hauts revenus», concernant la perception des parents, le plus souvent des mères, de la communication vaccinale pour les enfants de moins de 6 ans.
Le résultat de leur recherche montre que «les parents veulent des informations claires et équilibrées, et qu’ils trouvent fréquemment que ce type d’information manque ». Ils souhaitent notamment être informés avant le rendez-vous chez le médecin et non pas lors de la consultation. Les études montrent également - même si c’est de façon moins évidente - que plus ils ont de réponses à leurs questions et plus ils ont confiance dans les sources, plus ils sont enclins à accepter la vaccination. Mais, parallèlement, ils estiment qu’il est difficile de savoir quelle source croire.
Source : Le Figaro
http://sante.lefigaro.fr/article/vaccinations-des-medecins-plaident-pour-du-cas-par-cas