Depuis la mi-novembre, plusieurs anciens footballeurs ont brisé le silence et affirmé avoir été abusés sexuellement durant leur formation, dans les années 70-80. Des déclarations qui plongent le football anglais dans un vaste scandale de pédophilie.
De l’aveu même de la Fédération anglaise de football (FA), il s’agit de la "plus grande crise" qu’elle ait connue. Depuis la mi-novembre, le football anglais est plongé dans un scandale de pédophilie qui fait la une des quotidiens britanniques. En deux semaines, plusieurs victimes présumées sont sorties du silence, s’infiltrant dans la brèche ouverte par l’ancien joueur professionnel Andy Woodward, 43 ans aujourd’hui, qui s’est tout récemment confié au Guardian sur le calvaire qu’il avait vécu dans les années 80.
"Jusqu’à aujourd’hui ma vie a été ruinée. Mais combien d’autres l’ont été ? Je parle de ces centaines d’enfants que Barry a détectés pour de nombreux clubs", se questionnait alors Andy Woodward dans le quotidien. Sur le banc des accusés, Barry Bennell, entraîneur britannique et détecteur de jeunes talents du ballon reconnu dans tout le Royaume-Uni. Et en face, un contingent de plus en plus dense de footballeurs, qui affirment avoir été victimes d’abus sexuel de sa part.
Un multi-récidiviste
Au total, une vingtaine de mises en causes, certaines portées par quelques noms connus dans le milieu du football britannique comme Steve Walters, 44 ans et ancien coéquipier de Woodward à Crewe Alexandra – un club entraîné par Bennell dans les années 80 – ou encore l’ex-international David White, 49 ans. "Mentalement, il a détruit beaucoup de jeunes garçons", accuse Walters, qui a expliqué au Guardian qu’il avait été victime d’abus entre 12 et 14 ans.
Barry Bennell, qui doit comparaître devant la cour du Cheshire Sud le 14 décembre prochain, traîne derrière lui un lourd passé. L’homme de 62 ans a déjà été condamné à quatre ans de prison pour avoir abusé d’un mineur britannique lors d’une tournée en Floride en 1994, puis a également écopé d’une peine de neuf ans en 1998, après avoir été reconnu coupable de 23 abus sexuels sur six garçons. En 2015, il a de nouveau été emprisonné à la suite d’une agression sur un mineur lors d’un stage d’entraînement dans le nord-ouest de l’Angleterre, à Macclesfield.
De nouveau dans la tourmente depuis deux semaines, l’ancien coach a été hospitalisé après avoir été retrouvé inanimé, vendredi 25 novembre, dans un parc près de Stevenage (Nord de Londres). Et même si la police s’est refusée à tout commentaire depuis, tout porte à croire que Bennett, acculé, aurait pu commettre une tentative de suicide.
Mais si depuis quinze jours, Barry Bennett cristallise l’attention, l’affaire de pédophilie qui frappe le football anglais prend des proportions de plus en plus conséquentes. La FA, dont le président Greg Clarke a dénoncé des "crimes odieux", a annoncé l’ouverture d’une enquête et mis une ligne téléphonique dédiée afin que les footballeurs victimes d’abus sexuels puissent dénoncer leurs agresseurs.
La partie émergée de l’iceberg
D’autres, sans impliquer nommément Bennett, ont aussi trouvé le courage de parler. C’est le cas notamment de l’ancien joueur de Tottenham, Liverpool et Manchester City Paul Stewart. "Les cicatrices mentales que cela a laissé m'ont mené à l'alcool et à la drogue", regrette l’ancien joueur, qui relate avoir subi des abus jusqu’à l’âge de 15 ans. "Je veux que les gens se rendent compte à quel point c'est difficile de raconter tout ça."
Selon la vingtaine de témoignages reçus par les instances ces derniers jours, au moins sept clubs seraient directement impliqués dans le scandale. "Cela a commencé avec Crewe, et ça s'est poursuivi à Manchester City, Stoke, Blackpool, Newcastle, Leeds...", rapporte Gordon Taylor, le directeur exécutif de l’Association anglaise des footballeurs professionnels (PFA).
Puis, mercredi 30 novembre, le nom du Chelsea FC a été ajouté à cette funeste liste. Dans un long article, le Telegraph révèle que le club londonien a étouffé un scandale similaire en achetant le silence de l’un de ses anciens pensionnaires, victime lui aussi d’abus sexuels dans les années 1970. Les faits, reconnus par la direction des Blues, mettent en accusation l’ancien "chief scout" du club Eddie Health, décédé depuis ; ils auraient été occultés en échange d’un versement de liquidités au cours des trois dernières années, contrepartie d'un "accord de confidentialité".
De quoi alimenter un peu plus la thèse selon laquelle l’affaire Bennett n’est finalement que la partie immergée de l’iceberg. Et Gordon Taylor de conclure : "Peut-être que vu l’ampleur des révélations à ce jour, il ne faudra pas être surpris si l’on découvre d’autres cas. Maintenant, il faut attendre de voir combien de joueurs se manifesteront."
Source : France24