Des enfants ou jeunes adultes atteints d’une leucémie en rechute pourront bénéficier de ce traitement personnalisé mais coûteux.
«J’ai 12 ans et j’ai combattu la leucémie trois fois», ainsi se présente Emily Whitehead sur son blog racontant sa vie après le cancer. Si elle est désormais en rémission, depuis cinq ans, c’est qu’elle a eu la chance de bénéficier d’une nouvelle thérapie à base de «cellules CAR-T», ses propres cellules génétiquement reprogrammées. En juillet dernier, Emily s’était même engagée pour que la commission d’experts réunie par l’Agence du médicament américaine (FDA) donne son feu vert au traitement mis au point par le laboratoire Novartis, baptisé Kymriah (tisagenlecleucel). Avec succès. La FDA a décidé ce 30 août de suivre la recommandation favorable de ce comité.
«Aujourd’hui est une étape importante dans le long voyage que nous avons entrepris pour transformer la médecine clinique en utilisant les avancées modernes de la génomique», a expliqué le patron de la FDA, le Dr Scott Gottlieb, «la FDA approuve le médicament Kymriah pour le traitement de certains patients pédiatriques et de jeunes adultes présentant une forme de leucémie dévastatrice». Le type de leucémie concerné est le plus fréquent en pédiatrie, avec 3100 nouveaux cas par an aux États-Unis, mais ce sont les 600 malades pour qui le traitement traditionnel échoue qui pourraient bénéficier du Kymriah.
«Nous entrons dans une nouvelle ère dans l’innovation médicale avec la capacité de reprogrammer les cellules immunitaires d’un malade pour qu’elles puissent détruire les cellules cancéreuses mortelles», a souligné le Dr Gottlieb. Il s’agit pourtant de traitements sur mesure puisqu’il faut prélever des cellules immunitaires (les lymphocytes T, aussi appelés cellules T) d’un malade pour lui réinjecter après les avoir reprogrammées et multipliées. C’est donc un traitement autologue (par soi-même), ce qui implique une logistique très lourde.
«Satisfait ou remboursé»
«À ce jour, il n’y a aucun exemple d’un succès commercial avec ce genre de thérapie», écrivait encore en septembre dernier André Choulika (Réécrire la vie, Hugo Doc), fondateur et patron de Cellectis, une entreprise spécialisée dans l’ingénierie du génome et la technologie CAR-T. «Pas distribuable, pas stockable, coûtant cher, il était exclu de pouvoir gagner de l’argent avec cette technologie», ajoutait-il (Cellectis a choisi une autre voie, à base de cellule CAR-T universelles, UCART, c’est-à-dire potentiellement utilisables chez tous les patients). Les choses pourraient cependant changer avec le prix demandé par Novartis pour le Kymriah: 475.000 dollars! Dans un montage inédit «satisfait ou remboursé», le laboratoire proposerait de ne pas faire payer le traitement lorsque les patients ne répondent pas au Kymriah dès le premier mois.
«Il est vrai qu’il y a de forts taux de réponses, et rapidement, avec les thérapies par CAR-T», remarque Sebastian Amigorena, directeur du centre d’immunothérapie des cancers de l’Institut Curie (Paris). Dans l’essai ELIANA qui a servi d’étude pivotale pour la demande d’autorisation déposée à la FDA, 52 patients sur 63, soit 83 %, sont entrés en rémission dans les trois mois suivant la perfusion. Il s’agissait d’enfants ou de jeunes adultes atteints de leucémie lymphoblastique aiguë, pour qui le traitement standard avait échoué.
«Ces thérapies présentent toutefois une toxicité qui n’est pas dénuée de risque, explique Sebastian Amigorena. C’est pourquoi le management des risques et des effets secondaires implique des équipes très spécialisées.» Près de la moitié des patients de l’étude ELIANA ont par exemple présenté une violente réaction immunitaire (choc cytokinique, lire ci-dessous), qui heureusement a pu être contrôlée sans entraîner de décès. Par ailleurs, 15 % ont présenté des signes de toxicité neurologique.
Deux raisons qui expliquent aussi pourquoi Novartis mettra en place un programme de distribution très encadré du médicament. Le laboratoire a d’ores et déjà annoncé qu’il devrait disposer d’une vingtaine de centres opérationnels certifiés pour l’utilisation de Kymriah dès fin septembre et 32 d’ici fin 2018. L’étude ELIANA reposait déjà sur 25 centres aux États-Unis, en Europe, au Canada, en Australie et au Japon.
«Les grands défis à venir sont, premièrement, d’arriver à obtenir une réponse cellulaire dans les tumeurs solides (cancers d’organes, NDLR) car pour l’instant on n’y arrive que dans les cancers hématologiques (du sang)», explique Sebastian Amigorena, «deuxièmement, de ne plus être obligé de faire une thérapie autologue (avec les cellules du malade), soit en utilisant des lymphocytes T modifiés génétiquement pour exprimer CAR et utilisables chez tous les malades, soit en faisant exprimer CAR aux lymphocytes T d’un malade sans avoir besoin de les extraire préalablement de son sang.»
Jusqu’ici, les systèmes de santé les plus généreux continuent, non sans grincements, à rembourser les thérapies coûteuses en oncologie, ce qui stimule de nombreuses entreprises de biotechnologies. Plus de 550 expérimentations sont en cours avec des produits de thérapie génique dont 76 avec des cellules reprogrammées CAR-T.
Source : Le Figaro
http://sante.lefigaro.fr/article/un-premier-traitement-par-therapie-genique-approuve-aux-etats-unis/