Que dire à son enfant qui se trouve moche ?

mar, 12/18/2018 - 11:14 -- siteadmin

Oreilles décollées, dents écartées ou nez allongé... Autant de complexes dont peuvent aussi souffrir les enfants. La psychologue Emma Levillair livre quelques conseils afin d'aider les parents désemparés à leur répondre.

«Dumbo», «bouboule», «gros pif». S'ils suscitent le rire, ces surnoms peuvent aussi réduire à néant toute estime de soi et engendrer un véritable complexe chez un enfant, laissant certains parents impuissants. Des complexes parfois involontairement attisés par les réseaux sociaux. C'est le sujet de «Mon fils a disparu d'Instagram», la newsletter d'octobre de Géraldine Dormoy, rédactrice en chef digitale de L’Express Styles, et mère d'un jeune garçon. Dans cette Note de styles, elle raconte avoir supprimé toutes les photos de son fils sur son compte public après qu'il lui a fait remarquer qu'il se trouvait moche. Comment réagir face à un enfant complexé ? La psychologue pour enfants Emma Levillair nous livre quelques conseils pour leur venir en aide.

Lefigaro.fr/madame.- Est-ce un phénomène habituel, qui plus est chez les touts-petits ?
Emma Levillair.- 
Je dirais que c'est peu fréquent, du moins chez les enfants que je rencontre. Si les préadolescents semblent être les plus concernés parmi mes patients, cela peut aussi toucher les plus jeunes. Mais en règle générale, tant qu'ils n'ont pas encore pris conscience des normes et codes véhiculés par la société - c'est-à-dire vers 9-10 ans - ils sont peu intéressés par leur image et donc, peu dépendants d'elle. Mais tout dépend de leur développement. Un enfant qui a déjà conscience de lui-même et de son image peut être amené à s’interroger très jeune sur son identité, sur la manière dont il se perçoit, et donc, à avoir des complexes.

Pourquoi les préadolescents et adolescents sont-ils les plus touchés ?
Les enfants commencent à chercher leur identité et à réfléchir à l’image qu’ils veulent renvoyer dès 11 ans. C’est aussi à ce moment-là qu’ils veulent se démarquer de leurs parents et cela passe souvent par leur image. Ils vont ainsi tester différents styles : coupe de cheveux, tenue vestimentaire, maquillage… Le tout est de trouver une image qui leur convient, et pour cela, ils s’inspirent essentiellement de celles véhiculées par la société, notamment via les publicités et les magazines, dont ils sont les premières cibles.

Avez-vous observé une différence entre les sexes ? 
Je ne crois pas qu'il y en ait chez les plus jeunes. Quel que soit son sexe, chaque enfant s'interroge sur sa taille ou son poids à un moment donné, cela fait partie de son développement. En revanche, un fossé se creuse à l’adolescence. Les jeunes filles sont bien plus souvent confrontées à l'image des corps féminins et ont donc tendance à se comparer. D’autant plus qu’elles traversent des transformations physiques plus marquées que chez les garçons, qui peuvent également les complexer.

Comment naît un complexe chez un enfant ?
En général, il y a une interdépendance entre un phénomène interne et externe. En interne, un enfant ou jeune adolescent idéalise un modèle - star, professeur, parent, camarade… -, auquel il va se comparer et tenter de retrouver certaines caractéristiques physiques similaires chez lui : des cheveux ondulés, un nez fin... S'il ne les retrouve pas, un doute va naître chez l’enfant. Ensuite vient la confirmation ou la réprobation de l’extérieur, qui va confirmer ce que l’enfant pense déjà. Pour faire simple, si un enfant a remarqué que ses oreilles étaient plus grandes que celles d'un copain et que ses camarades l'affublent d'un surnom lié à cette caractéristique physique, un vrai complexe peut naître à ce moment-là.

Un complexe chez l'enfant peut-il traduire un mal-être plus profond ?
Oui. Il est clair que si un enfant se plaint régulièrement d’un trait physique qui le gêne, alors il faut aborder le sujet avec lui afin d’en trouver la source. S’il s’agit d’une remarque faite par un proche ou d'un surnom lancé à l’école, le problème peut être rapidement réglé grâce à une discussion entre l'enfant et ses parents. En revanche, si les plaintes persistent, cela peut traduire un réel trouble de l’estime de soi, dont il faut trouver l’origine. Dans ce cas précis, il peut être bon de consulter un professionnel.

Comment l’aider à s’accepter et à changer cette image qu’il ou elle a de lui / d’elle ?
Une fois l’origine du complexe trouvée, il faut l'aider à renforcer sa confiance en lui. Vous pouvez, par exemple, mettre l'accent sur ses points forts et ses qualités et lui expliquer qu’un enfant est beau, même s’il ne correspond pas aux normes imposées par la société. Il est parfois nécessaire, aussi, d'interroger ses modèles, afin de comprendre ce qui lui plaît chez telle ou telle star/personne, et pourquoi il tient tant à lui ressembler. Il ne faut pas non plus hésiter à lui proposer des modèles alternatifs afin de lui ouvrir le champ des possibles et l'aider à trouver sa véritable identité, c'est très important.

À trop vouloir le rassurer en le couvrant de compliments, est-ce qu'il n'y a pas un risque de tomber dans le schéma inverse et d'en faire un enfant «roi» ?
Il ne faut évidemment pas tomber dans l'excès et éviter à tout prix les superlatifs. Un enfant doit comprendre que personne n'est plus beau qu'un autre, la beauté est une notion très subjective. Si pour son enfant, un parent dit constamment «tu es le plus beau, tu es la plus belle», l'enfant se rendra compte tôt ou tard, quand il ou elle voudra séduire quelqu'un et que ce ne sera pas réciproque par exemple, que c'était faux.

Quelles peuvent être les conséquences à l’âge adulte ?
Un enfant complexé, moqué par ses camarades, va grandir avec cette image de lui-même, qui va se solidifier au fil des années jusqu'à être ancrée à l'âge adulte. Elle sera d'autant plus difficile à effacer. D'où l'importance de préserver l'image qu'a son enfant de lui-même. La confiance en soi, sans tomber dans l'excès, est évidemment primordiale pour avancer dans la vie. Si l'on est en paix avec son image, tout sera plus facile.

Source : Le Figaro

http://madame.lefigaro.fr/enfants/mon-enfant-se-trouve-moche-comment-le-rassurer-conseils-de-psychologue-111218-162488