Réflexe de succion pour se préparer à se nourrir in utero, le geste revêt divers significations après la naissance, et une fois plus grand... Trois experts expliquent pourquoi certains enfants portent leur doigt à la bouche.
Vous avez observé ce comportement à maintes reprises, chez votre bébé, celui de vos amis, et même chez les plus grands : certains enfants sucent leur pouce. Mais ce n'est pas qu'un geste de réconfort.
Reprenons depuis le début. La succion est un réflexe naturel, un geste de survie, «qui se met en place avant la naissance in utero, pour s'activer à la naissance et que le bébé se nourisse», indique Nathalie Lancelin-Huin, psychologue spécialisée en périnatalité. Le fait de porter son pouce à la bouche n'est quant à lui pas naturel. Si certains le font dans le ventre de leur mère, les cas restent très rares : «Il faut que le fœtus ait suffisamment de liquide amniotique pour se mouvoir et fléchisse automatiquement son bras», précise Arnault Pfersdorff, pédiatre, animateur et fondateur de la plateforme pediatre.online. La découverte du pouce se fait ensuite à la naissance, plus ou moins rapidement, en fonction des bébés.
Détente et apaisement
Très jeune, le petit garçon ou la petite fille a du mal à identifier ses émotions et à exprimer son ressenti. Ainsi, quand il est stressé, triste ou fatigué, téter son pouce lui permet de se détendre et de s’apaiser : «Lors de la succion, l'enfant fabrique des endorphines, notamment les béta-endorphines, les hormones les plus connues qui interviennent dans le mécanisme de la succion. Celles-ci vont apaiser sa douleur et lui procurer une sensation de bien-être», indique le Dr Pfersdorff. Selon la psychologue Nathalie Lancelin-Huin, sucer son pouce «permet aussi au bébé de se raccorder au milieu intra-utérin d’où il vient, de se rassurer par lui-même et de se procurer du réconfort».
Patienter jusqu’à la prochaine tétée
Téter son pouce est aussi un moyen pour le bébé de patienter jusqu'à la prochaine prise alimentaire. «Cela régule la tension générée par la sensation de faim et évite à l'enfant de basculer dans le manque», indique Nathalie Lancelin-Huin. Selon Edwige Antier, pédiatre, une très grande majorité des bébés suce ainsi son pouce «parce que nous sommes trop rigides sur les horaires et les quantités de lait. Les petits Africains ou Asiatiques, allaités à la demande, ne cherchent que très rarement leur pouce, par exemple».
Entre 6 à 10 mois, les parents introduisent petit à petit des aliments solides dans l'alimentation de leur enfant, pour lui faire découvrir la mastication. Durant cette phase de transition, il est normal que ce dernier «prenne son pouce par moment», commente la psychologue Nathalie Lancelin-Huin. Lorsque la mastication intervient plus tardivement, il semble que la petite fille ou le petit garçon prenne davantage son pouce : «Plus tôt on privilégiera la mastication, plus tôt les bébés abandonneront la succion. Ils auront moins besoin de la tétine ou du pouce», rebondit Arnault Pfersdorff.
Et chez les plus grands ?
L'effet apaisant vaut aussi pour les enfants plus âgés. Les plus de 4 à 6 ans renouent ainsi avec le geste régressif lorsqu'ils sont en colère, angoissés ou bien fatigués. La prise du pouce, qui fait alors office de doudou, peut aussi intervenir quand l'enfant vit mal un changement. «S'il est trop angoissé d'être séparé de ses parents ou qu'il s'ennuie beaucoup par exemple, l'enfant se replie sur lui-même et se console avec le pouce», indique la pédiatre Edwige Antier. Pour y remédier, la solution consiste à lui «proposer plus d'activités et à partager davantage de moments complices avec lui, tout en le laissant sucer son doigt pour s'endormir», recommande la médecin.
Le geste, maintenu après 6 ans, peut également et simplement relever de l'habitude. «Plus un enfant va sucer son pouce étant petit, plus il aura du mal à le quitter plus grand», commente Nathalie Lancelin-Huin. Si la plupart rompent avec le geste à l'âge de 4 ou 5 ans, certains continuent plus âgés, indique la psychologue. Pour l'aider à s'en séparer, il est primordial de ne pas le brusquer et d'essayer «d'analyser pourquoi l'enfant prend son pouce, signale Edwige Antier. S'il le suce quand il s'ennuie par exemple, on peut tout simplement l'occuper davantage, ou passer plus de temps avec lui».
Source : Le Figaro