Plus de 4 millions de filles risquent de subir des mutilations génitales féminines en 2020, ont alerté les Nations Unies jeudi à l’occasion de la Journée internationale de tolérance zéro à l’égard de ce fléau.
Plus de 200 millions de filles et de femmes à travers le monde ont subi des mutilations génitales féminines.
« Les mutilations génitales féminines sont une manifestation flagrante de l'inégalité entre les sexes qui est profondément ancrée dans les structures sociales, économiques et politiques », a rappelé le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, dans un message publié à l’occasion de la Journée. « C'est également une violation des droits de l'homme et une forme extrême de violence à l'égard des filles », a-t-il ajouté.
Le chef de l’ONU s’est félicité des avancées signalées dans la lutte contre cette pratique « effroyable et néfaste » qui peut entraîner des complications physiques, mentales et sexuelles ». Entre 2000 et 2018, la prévalence des mutilations génitales féminines a diminué de 25%.
« Cependant, même une seule mutilation est une mutilation de trop », a toutefois souligné M. Guterres, appelant à éliminer ce fléau au cours de la prochaine décennie.
Selon le chef de l’ONU, la réalisation de cet objectif aurait « des retombées positives sur la santé, l’éducation et la promotion économique des filles et des femmes ».
L’édition 2020 de la Journée internationale de tolérance zéro à l’égard des mutilations génitales féminines a été placée sous le thème « libérer le pouvoir de la jeunesse » afin que cette dernière puisse faire entendre sa voix.
« Nous devons amplifier ces voix et aider ces jeunes à plaider en faveur du changement et en faveur de leurs droits », a déclaré M. Guterres. « Ensemble, nous pouvons éliminer les mutilations génitales féminines d'ici 2030 ».
« Les MGF ont dévasté ma vie »
En Ethiopie, Abida Dawud a subi à l’âge de sept ans des mutilations génitales féminines (MGF) comme la plupart des filles de sa communauté.
« J’ai toujours eu des problèmes urinaires. Lorsque j’avais mes règles, c’était très douloureux. J’avais constamment la nausée. Je vomissais, et c’étaient des moments très difficiles pour moi. J’ai ensuite accouché, et à ce jour j’ai toujours des douleurs qui en résultent », explique-t-elle.
Abida est l'une des protagoniestes du projet « Une partie de moi » une série de trois films, mis en exergue par le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA) à l’occasion de la Journée et réalisés par Sara Elgamal, fille d’une survivante des MGF.
« Je demandais à ma mère pourquoi elle m’avait fait subir ça. Je l’ai questionnée pour savoir pourquoi elle m’avait tant fait souffrir. Je me suis promis de ne jamais mutiler ma fille », raconte Abida dans le film.
Les courts métrages de Sara Elgamal donnent la parole à Abida ainsi qu’à Zahra Mohammed Ahmed et Khadija Mohammed, des femmes qui ont subi des mutilations génitales et qui se sont engagées à épargner à leurs filles et leurs petites-filles la douleur et le deuil personnel qu’elles ont dû endurer.
La région Afar, où réside Abida, est l’une des deux régions de l’Ethiopie où la prévalence de la pratique des MGF demeurent très élevées (plus de 90%). Le taux de mortalité maternelle de la région est cinq fois plus élevé que le taux moyen national.
« J’informe les femmes et les filles sur les dangers des MGF. Je leur explique que cela leur fait du mal physiquement et leur enlève leur désir sexuel. Les MGF m’ont empêchée d’avoir du désir, et ce serait la même chose pour ma fille », explique Abida.
« J’aimerais dire au monde : ‘Mettons fin aux MGF, elles m’ont fait du mal et ont dévasté ma vie’. Si l’on n’agit pas, on devra être témoins de la souffrance qu’elles provoquent », avertit-elle.
Environ une survivante sur quatre a été excisée par un prestataire de soins de santé
L'augmentation de la prévalence des mutilations génitales féminines (MGF) médicalisées assombrit les progrès réalisés au niveau mondial pour éliminer le soutien à cette pratique, alerte le Fonds des Nations Unie pour l’enfance (UNICEF) à l’occasion de la Journée.
Environ une fille ou femme sur quatre ayant subi une mutilation génitale féminine (MGF), soit 52 millions de survivantes aux MGF dans le monde, ont été excisées par un personnel de santé, selon une nouvelle analyse de l’UNICEF.
Cette proportion est deux fois plus élevée chez les adolescentes : 34 % des victimes de MGF âgées de 15 à 19 ans ont subi des mutilations médicalisées, contre 16 % des victimes âgées de 45 à 49 ans, ce qui indique une augmentation de la médicalisation de la pratique, selon l'analyse.
« Les mutilations opérées par des médecins sont toujours des mutilations. Les professionnels de la santé formés qui pratiquent les MGF violent les droits fondamentaux, l'intégrité physique et la santé des filles », a déclaré la Directrice exécutive de l'UNICEF, Henrietta Fore. « Médicaliser la pratique ne la rend pas sûre, morale ou défendable ».
Selon l’ONU, l'augmentation de la médicalisation des MGF découle d'une croyance erronée selon laquelle les dangers des mutilations sont d'ordre médical plutôt que de constituer une violation fondamentale des droits des filles.
L’UNICEF explique que la médicalisation de la pratique des MGF n'élimine pas le danger qu'elle représente pour les femmes, car elle continue d'enlever et d'endommager des tissus sains et normaux, ce qui interfère les fonctions naturelles du corps des filles.
La tendance à la médicalisation des MGF s'explique par l'opposition croissante à cette pratique dans le monde. Au cours des deux dernières décennies, la proportion de filles et de femmes dans les pays à forte prévalence qui souhaitent que cette pratique cesse a doublé, selon la nouvelle analyse.
Les adolescentes sont plus susceptibles que les femmes plus âgées de s'opposer à cette pratique, selon l'analyse. En Égypte, en Sierra Leone et en Guinée, les adolescentes ont au moins 50 % de chances de plus que les femmes plus âgées de s'opposer aux MGF.
Les MGF coûtent des milliards de dollars par an
Au-delà des souffrances humaines que provoquent les MGF, le traitement de leurs impacts sur la santé coûterait quelques 1,4 milliard de dollars par an dans le monde si tous les besoins médicaux qui en résultent étaient couverts, a pour sa part signalé l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).
« Les mutilations sexuelles féminines ne sont pas seulement une violation catastrophique des droits humains qui nuit gravement à la santé physique et mentale de millions de filles et de femmes ; elles prélèvent aussi un lourd tribu sur les ressources économiques vitales d’un pays », a déclaré le Dr Ian Askew, Directeur du Département de la santé sexuelle et reproductive et de la recherche à l’OMS.
Dans les pays où les MGF sont pratiquées, leur coût avoisinerait en moyenne 10% des dépenses de santé annuelles totales, allant jusqu’à 30%.
C’est données ont été calculées grâce à un nouveau logiciel de modélisation interactif, présenté lors de la Journée internationale.
Les mutilations sexuelles dont les femmes et les filles sont victimes les exposent à des risques graves pour leur santé et leur bien-être, notamment à des conséquences immédiates de l’excision telles qu’infection, hémorragie et traumatisme psychologique, et à des affections chroniques pouvant survenir à tout moment de leur existence.
Les femmes mutilées sont exposées à un plus grand risque de complications potentiellement mortelles à l’accouchement. Elles risquent aussi de souffrir de troubles mentaux et d’infections chroniques. Des douleurs lors des règles et des rapports sexuels ainsi que des problèmes urinaires sont également possibles.
Toutes ces pathologies nécessitent des soins médicaux.
La prévention des mutilations sexuelles féminines présente des avantages considérables pour les femmes, les filles, les communautés et l’économie
Sur la base des données provenant de 27 pays à forte prévalence, le calculateur des coûts montre que l’élimination des mutilations sexuelles féminines a des avantages indéniables pour l’économie. S’il était mis un terme à ces pratiques aujourd’hui, les économies réalisées sur les coûts de santé dépasseraient 60% en 2050.
À l’inverse, si rien n’est fait, on estime que ces coûts grimperont de 50% dans le même laps de temps, car davantage de filles subiront des mutilations à mesure que la population augmentera.
« Beaucoup de pays et de communautés montrent qu’il est possible de renoncer aux mutilations sexuelles féminines », affirme la Dr. Christina Pallitto, scientifique à l’OMS. « Si les pays investissent pour mettre fin aux mutilations sexuelles féminines, ils peuvent éviter aux filles d’être victimes de ces pratiques néfastes et promouvoir la santé, les droits et le bien-être des femmes et des filles ».
Vingt-six pays d’Afrique et du Moyen-Orient ont clairement légiféré contre ces mutilations, ainsi que 33 autres pays qui accueillent des migrants venant de pays où les mutilations génitales féminines sont pratiquées.
Source : ONU Info
https://news.un.org/fr/story/2020/02/1061322