La Banque mondiale a publié une longue étude sur l'école dans les pays en voie de développement. Elle démontre qu'en dépit d'un taux de scolarité élevé, le niveau réel des élèves demeure trop faible, notamment sur le continent africain.
L'école est sans doute la meilleure solution pour sortir de la misère mais à condition qu'elle remplisse son rôle. Or, dans un rapport publié lundi, la Banque mondiale souligne les immenses carences de cette institution dans les pays les plus pauvres. Personne n'ignorait que les performances des écoles primaires dans les États en voie de développement étaient loin de celles des États riches. Mais les données de la Banque mondiale démontrent que le gouffre qui sépare ces deux mondes est bien plus important que prévu. Une très mauvaise nouvelle quand on sait que le niveau de vie à l'âge adulte dépend directement du niveau d'éducation réel.
L'Afrique souffre particulièrement. Si le taux de scolarité en primaire a explosé sur le continent au cours des 30 dernières années, pour atteindre presque 90%, les progrès des élèves n'ont pas suivi. «Pour un trop grand nombre d'enfants, scolarisation n'est pas synonyme d'apprentissage», résume brutalement Paul Romer, l'économiste en chef de la Banque mondiale. Les chiffres sont parfois effarants. Ainsi, au Niger, à peine 3% des enfants de CM2 auraient un niveau de langue satisfaisant, les résultats en mathématique n'étant pas meilleurs. Le niveau au Mali n'est guère plus brillant. Ces difficultés ne semblent pas être l'apanage d'un héritage colonial, les pays anglophones ne s'illustrant pas plus. Le Malawi affiche de très mauvais scores: plus de 90% des élèves en fin de CE1 ne sont pas capables de lire un mot. Au Ghana, le chiffre est de 80%. Plus surprenant, le Kenya, la Tanzanie ou l'Ouganda sont aussi très à la traîne. «Lorsqu'on a demandé récemment à des élèves de troisième année du primaire au Kenya, en Tanzanie et en Ouganda de lire en anglais ou en swahili une phrase du genre «le nom du chien est Fido», trois quarts n'ont pas compris ce que cela voulait dire», précise le document. Ce résultat est d'autant plus catastrophique que 77% des petits Africains ne finissent jamais le collège quand plus de 85% bouclent ce cycle en Europe de l'Est.
Faire en sorte que les élèves mangent bien et soient en bonne santé
Le niveau de lecture cache certes des disparités importantes. Sans surprise, les enfants issus des milieux favorisés réussissent bien mieux. Ainsi au Togo, 30% des plus aisés sont sous le niveau moyen attendu en lecture en 6e contre 90% des pauvres. Chez ces derniers, seuls 1% (des filles exclusivement) ont un niveau considéré comme élevé. Ce que l'étude met en revanche en lumière est ce clivage riches-pauvres ne fonctionne pas pour tous les pays. Malgré son économie dynamique, le Kenya obtient de mauvais résultats au contraire du pauvre Burundi. Ce petit pays d'Afrique centrale peut se targuer d'une certaine réussite. Plus de 60% des enfants pauvres sont, toujours en 6e, au-dessus du niveau attendu, les jeunes filles pauvres sont même plus de 70% et devant leurs compatriotes favorisées (65%).
Le Burundi démontre que les raisons de cet échec scolaire, si elles sont grandes parties liées au manque de moyens, sont d'origines multiples mais sont curables. Le faible salaire des professeurs, et donc leur manque d'engagement, est souligné. Lors des inspections en Ouganda, près de 50 % des maîtres n'étaient pas dans leur classe, 30% n'étant même pas dans l'école. Des chiffres qui sont les mêmes au Mozambique, ou de 30% au Sénégal. Une aide aux professeurs est donc l'une des solutions prônées par la Banque mondiale pour renverser la tendance.
Mais pour les experts, outre augmenter les moyens, la piste principale consiste à mettre en place une coordination entre les différents acteurs ainsi que des évaluations pour connaître le niveau réel des élèves. Le rapport remet aussi au goût du jour des idées aussi simples qu'anciennes: faire en sorte que les élèves mangent et soient en bonne santé. Une étude britannique a démontré que des élèves convenablement nourris faisaient plus de progrès que ceux auxquels on avait fourni des livres de classe et du matériel. Une autre analyse a permis de mettre en avant que le traitement des parasitoses - qui ont aussi parfois un effet sur les performances cognitives - faisait baisser de 25% l'absentéisme. Ce traitement ne coûte que 3,20 dollars par élève et par an.
Source : Le Figaro