Washington a annoncé le gel de 65 millions de dollars sur les 125 de contribution volontaire prévus à l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens.
Que ce soit pour ses accouchements, l'éducation de ses enfants ou la collecte des déchets dans son camp de réfugiés palestiniens au Liban, Oum Mohamed dépend de l'UNRWA. Avec le gel de financements américains pour l'organisation, la situation s'annonce "catastrophique".
"Les gens vont beaucoup souffrir. Notre seul espoir c'est l'UNRWA", déplore la quadragénaire, dans sa modeste maison de Bourj al-Chemali, un camp situé dans le sud du Liban.
L'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) est confrontée à sa "plus grave crise financière" depuis sa création: Washington a annoncé mardi le gel de 65 millions de dollars sur les 125 M de contribution volontaire prévus. Ces coupes menacent les centaines d'écoles et d'hôpitaux de l'UNRWA, cruciaux pour les cinq millions de réfugiés palestiniens qui vivent dans plusieurs pays du Moyen-Orient, la plupart dans une pauvreté extrême.
Un dédale de ruelles étroites, où flotte une forte odeur d'égouts, mène à la maison d'Oum Mohamed, au coeur de Bourj al-Chemali. Il y a deux semaines, cette mère de famille s'est fait rembourser par l'UNRWA la moitié des frais pour des analyses médicales. "On n'a pas d'argent pour se soigner, pour l'éducation", lance-t-elle, alors que quatre de ses enfants sont scolarisés dans des établissements de l'UNRWA.
'Souffler un peu'
Plus de 174.000 Palestiniens vivent au Liban, selon un recensement des autorités libanaises, un chiffre bien en deça des estimations de l'UNRWA.
"Si les écoles ferment, les enfants vont se retrouver à la rue", lâche Freij, le mari d'Oum Mohamed. "L'éducation avec l'UNRWA me permet de souffler un peu. Je n'ai pas les moyens de les envoyer dans d'autres écoles", poursuit le quadragénaire aux tempes grisonnantes. Il fait vivre sa famille en vendant des meubles qu'il répare. Le fils aîné a abandonné ses études supérieures pour aller tenter sa chance en Europe, après un périlleux voyage en mer.
Au fil des ans, le camp de Bourj al-Chemali situé près de la ville de Tyr s'est transformé en véritable petite ville, avec de petits immeubles, des échoppes et des écoles pour accueillir des dizaines de milliers de réfugiés.
Malgré des difficultés financières qui ont déjà obligé l'UNRWA à revoir son engagement à la baisse, l'aide fournie reste vitale. Au Liban, quelque 160.000 personnes ont pu se faire soigner en 2017 dans les cliniques de l'UNRWA. Et 14 millions de dollars sont déboursés chaque année pour couvrir les frais d'hospitalisation de patients. Dans les camps, l'organisation gère aussi la collecte des déchets et contribue parfois à la rénovation des habitations.
"Tous ces services risquent d'être affectés. Aucune autre agence ne peut prendre le relai, l'Etat libanais a ses propres difficultés et gère déjà un grand nombre de réfugiés" syriens, déplore le chef d'UNRWA Liban, Claudio Cordone, en référence aux centaines de milliers de Syriens qui ont fui leur pays en guerre.
Pour le Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC), les coupes budgétaires de l'UNRWA vont obliger les organisations caritatives à augmenter leur implication.
'C'est fini, au revoir'
Le NRC rappelle que les écoles de l'UNRWA subissent déjà des difficultés financières. "Le système ne peut supporter un autre choc", assure Mike Bruce, porte-parole de l'ONG au Liban.
Dans une école pour garçons de Bourj al-Chemali qui accueille 650 écoliers allant jusqu'au secondaire, des enfants courent dans tous les sens dans la cour, autour de cages de foot dépourvues de filet. Sur les murs de la cour, aux côtés de Schtroumpfs colorés, des cartes de leur pays d'origine, que leur famille ont dû fuir après la création de l'Etat d'Israël en 1948. "Palestine, nous ne t'oublierons pas", peut-on lire.
Pour les enseignants, l'heure est grave. "Est-ce que je vais travailler le mois prochain, ou toucher mon salaire?", s'interroge Imane Farhat, enseignante d'anglais de 28 ans qui est employée depuis six ans par l'UNRWA. "Maintenant, ils peuvent me dire c'est fini, au revoir", lance la jeune femme. "On a tous très peur". Le principal, Jihad al-Hanafi, n'exclut pas, en effet, dans les mois à venir, de se séparer de la moitié de ses enseignants. Voire, sur le long terme, de simplement fermer son école. "L'enfant qui ne va pas à l'école se retrouve dans la rue, exposé aux drogues, aux groupes terroristes. Nous sommes face à une situation catastrophique", lâche-t-il.
Source : L’Orient Le Jour