Le lancement d'un jeu de société élaboré par le ministère de l'Éducation et le PNUD a permis de réunir près de 500 élèves pour la prévention contre les risques au pays du Cèdre.
C'est avec une aisance courtoise et dans une ambiance bon enfant que Luca Renda, directeur régional du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), s'adresse en anglais au jeune public : « Mes chers amis, que voulons-nous ? Nous voulons que vous jouiez à ce jeu. Nous voulons que vous appreniez des choses sur les catastrophes. Que vous sachiez quoi faire face à un incendie, ou quand le sol tremble », annonce-t-il.
Au cours d'un dialogue très interactif, l'équipe du PNUD a littéralement sorti le grand jeu pour faire passer son message de prévention : grâce aux financements de plusieurs partenaires, dont l'Union européenne, le Koweït, les Pays-Bas ou encore l'ambassade de Suisse à Beyrouth, c'est tout un dispositif d'activités ludiques d'une modernité et d'une diversité non négligeables qui avait bien pour but d'informer les élèves âgés entre 8 et 15 ans – plus particulièrement ceux des écoles publiques – des dangers naturels qu'ils risquent d'encourir au Liban : séismes, tsunami, glissement de terrains, feux de forêts, inondations et tempêtes.
Le jeu a été mis en place conjointement par l'unité de gestion des risques relevant du PNUD et rattachée à la présidence du Conseil, et le ministère de l'Éducation, qui a eu un droit de regard sur le contenu pédagogique, notamment pour vérifier sa conformité au programme éducatif national. Il s'inscrit dans le cadre d'une série d'actions menées depuis 2009 en partenariat avec le gouvernement qui fait la promotion d'un « Liban résilient », comme l'indique un rapport du Bureau des Nations unies pour la réduction des risques de catastrophes, publié dans sa première édition en 2012. En effet, le Liban s'est inscrit dans une démarche unique au plan régional pour généraliser les bonnes pratiques contre les risques grâce à des campagnes de sensibilisation.
Nathalie Zaarour, directrice du projet Réduction des risques et des crises au bureau du président du Conseil des ministres, rappelle dans un entretien à L'OLJ « l'expérience libanaise » en la matière depuis de nombreuses années. « Jusqu'à maintenant, l'effort était porté sur le fait de savoir comment agir après la crise. Avec ce projet, nous travaillons maintenant sur la prévention », fait-elle remarquer.
Gestion de risques ludique
Le jeu a été lancé lors d'une cérémonie qui s'est déroulée dans la matinée au palais de l'Unesco, sous le parrainage du ministre de l'Éducation, Marwan Hamadé, représenté par le directeur général de ce département, Fady Yarak, et en présence de près de 500 élèves.
Dans son allocution, M. Yarak explique que l'objectif de l'outil mis à la disposition des écoliers est d'« attirer l'attention des nouvelles générations sur les dangers qui peuvent se produire autour d'elles et de les entraîner à l'attitude à adopter en cas de catastrophes (naturelles) pour éviter la panique, le tout sans que l'écolier ne sente qu'il a une nouvelle matière à étudier ».
« Si vous ne savez pas, c'est un désastre ! » Cette formule a été choisie pour donner un nom au jeu mis à l'honneur lors de la conférence. L'équipe a même prévu de fournir un exemplaire, ainsi qu'un goûter, à chacun des enfants invités. Le jeu lui-même, qui prend la forme d'une partie de plateau, s'apparente au Trivial Pursuit : « Il y a quatre catégories selon les quatre éléments de la vie. L'eau pour le tsunami ou les inondations ; le feu pour les incendies ; la terre pour les glissements de terrain et les tremblements de terre ; l'air pour les tempêtes », explique Suzanne Houssari, chargée de communication pour le projet Gestion de risques.
La gestion des risques – ou risk management dans son équivalent du monde anglophone – est une discipline assez récemment mise en avant dans l'agenda politique. « Le ministère va travailler pour incorporer ce concept dans le programme, dans le but de poursuivre les efforts engagés pour le développement de ce domaine », rappelle Fady Yarak.
La gestion de crise se décline en trois étapes – sensibilisation, le savoir-agir pratique pendant la crise, et l'après-crise – et vise à une meilleure collaboration entre les acteurs politiques et économiques, ainsi qu'une bonne formation des populations. « Grâce à des cartes de "chance", l'enfant aura des défis à réaliser comme le son de la sirène d'une ambulance, ou de dire le numéro vert (hotline) de la Croix-Rouge libanaise, le slogan de l'armée... Il gagne des places pour progresser sur l'échiquier, tout en essayant de collecter les quatre badges qui symbolisent les éléments naturels », raconte Suzanne Houssari, qui a fait participer en direct des élèves sur l'estrade dans un « question-réponse » qui a eu son succès.
Le but est de séduire le public pour généraliser les bonnes pratiques, et rien de mieux qu'un peu de ludisme pour convertir les plus jeunes aux bons réflexes. Par-delà le jeu, s'est ajoutée au programme une pièce de théâtre en arabe appelée Sneezing Firas, en préparation depuis 2012 avec l'association Khayal. « On leur a donné les idées sur comment prévenir les enfants au moyen du théâtre », soutient Nathalie Zaarour.
La jeunesse, fer de lance de la prévention
Pour faire passer le message, Luca Renda ne manquait pas d'images évocatrices pour les enfants : « Ce que l'on apprend à l'enfance, cela reste gravé dans la pierre », insiste-t-il, en référence à l'adage écrit par le théologien et philosophe Hassan al-Basri (VII-VIIIe siècles). Le message est clair : dans la chaîne de transmission du message de prévention, les enfants entre 8 et 15 ans forment un maillon essentiel. En ramenant le jeu dans leur famille, ils joueront tout en montrant à leur entourage ce qu'ils ont appris. De plus, ils peuvent acquérir un modèle comportemental et, qui sait, agir correctement en temps voulu. « Ils peuvent même devenir des héros ! » souligne Luca Renda pour L'OLJ. En effet, loin d'être hyperbolique, l'image du comportement héroïque peut devenir très concrète : en décembre 2004, la jeune Tilly Smith avait sauvé plus de 100 personnes sur une plage de Thaïlande en repérant les signes avant-coureurs d'un tsunami, grâce à son cours de géographie.
De plus, le choix de prendre essentiellement des élèves d'écoles publiques n'est pas anodin. « Il y a des élèves de toutes les écoles, même privées », note Suzanne Houssari, « mais nous nous sommes focalisés sur le secteur public car nous voulions informer les populations les plus vulnérables », a-t-elle souligné, en rappelant que ces établissements accueillent en outre des écoliers syriens. Il existe également une cohérence liée au fait de cibler cette tranche d'âge « en raison des programmes scolaires qui abordent essentiellement à cette période-là la géographie du Liban et les risques naturels auquel le pays est exposé », observe-t-elle.
Source : L’Orient Le Jour