La dépression post-partum est une pathologie encore trop souvent taboue. Retour sur les nombreuses idées reçues qui lui collent à la peau.
Sourire béat et bonheur incandescent : voici l'image des mères véhiculée dans les publicités pour lait infantile. Mais, d'après la psychologue-clinicienne orientée vers la périnatalité, Joëlle Dyan, 15 à 20% d'entre elles vivent l'exact opposé. La faute à la dépression post-partum. Deux professionnelles tentent de tordre le cou aux idées reçues de ce mal-être trop souvent passé sous silence.
La dépression post-partum n'arrive pas à tout le monde
Vrai et faux. Selon Sandra Fingerhut, psychologue-clinicienne à Paris, aucune femme n'est à l'abri de ce mal. Toutefois, rappelle-t-elle, «certaines mères présentent un terrain propice» : accouchement difficile ou dépression par le passé peuvent être «un terreau fertile à la dépression post-partum, par exemple», cite l'experte. En effet, les antécédents personnels créent une prédisposition. «Cette pathologie réveille souvent chez la mère une faille liée à sa propre filiation. C'est le fait de devenir mère à son tour qui actionne ce mécanisme», renforce Joëlle Dyan.
Ces mères ne sont pas connectées à leurs bébés
Vrai. L'image de la mère défaillante plane régulièrement au-dessus de cette dépression à part entière. «La connexion entre la mère et l'enfant se fera plus tardivement que dans le cas d'une maternité pleinement heureuse. Avec la dépression post-partum vous n'êtes connectée à personne, car vous vous isolez», explique Sandra Fingerhut. L'attention de la mère n'est pas portée sur son enfant, mais sur son problème, ce qui a pour conséquence de la tenir à l'écart émotionnellement. C'est pour cela que l'on peut dire qu'il n'y a pas de réelle connexion.
La dépression post-partum est différente du baby blues
Vrai. L'amalgame entre ces deux termes est très courant. À tort puisqu'ils sont différents. «Le baby blues est un sentiment qui dure quelques jours. La mère a la sensation d'avoir perdu son lien privilégié avec l'enfant, du fait qu'il ne soit plus dans son ventre. Elle doit en faire le deuil et passer aux choses concrètes. La chute hormonale et la fatigue attisent aussi beaucoup les choses», dépeint Joëlle Dyan. Bien souvent, tout rentre dans l'ordre rapidement. La dépression post-partum, elle, dure dans le temps et «c'est une vraie pathologie qui nécessite des soins», indique Sandra Fingerhut.
Il y a un impact sur l'enfant
Vrai. Les premiers liens entre la mère et l'enfant sont fondamentaux. «Dans ce cas, ils ne sont pas de qualité, car la mère n'est pas disponible psychiquement pour son bébé. Ce dernier capte un visage et une corporalité négatifs», signale Joëlle Dyan. Et cela peut engendrer bien des maux, même une fois adulte. «La conséquence est que l'enfant peut éprouver des difficultés d'attachement et peut être devenir sujet aux dépressions», avertit Sandra Fingerhut.
Il est possible de s'auto-diagnostiquer
Vrai et faux, puisque parfois les mères n'ont pas conscience qu'il y a un problème. «Cette pathologie est un tabou, alors certaines s'interdisent même de penser qu'elles sont dépassées par leur maternité. D'autres parviennent à mettre un nom sur leur mal-être en effectuant des recherches sur Internet», constate la psychologue-clinicienne Sandra Fingerhut. Sans toutefois, pouvoir parler de réelle prise de conscience. «Une femme attentive à son humeur peut se rendre compte qu'elle est déçue d'elle-même et qu'elle ne prend pas de plaisir à être mère. Elle peut pressentir que quelque chose ne va pas, mais pas vraiment poser un diagnostic. C'est aux professionnels de santé de le faire», tempère Joëlle Dyan.
On peut en guérir
Vrai. Fort heureusement, on ne souffre pas de dépression post-partum toute sa vie. «Il est conseillé de se rendre chez un professionnel de la psychologie. Le premier rendez-vous est déjà un gros soulagement : la mère se rend compte qu'elle n'a pas de problème, mais simplement une pathologie et que cette dernière se soigne», rassure Sandra Fingerhut. Bien sûr, la guérison dépend du degré de gravité de la dépression. «Parfois, il est plus compliqué de se réconcilier avec la maternité, car cet état vient soulever beaucoup de choses enfouies. Comme une difficulté chronique à être responsable, par exemple. L'important est de ne pas rester seule face à son mal-être», conclut Joëlle Dyan
Source: Le Figaro