Une étude montre les effets sur le cerveau chez des personnes exposées au plomb durant leur enfance, même à des faibles doses.
Troubles de l’attention, retards psycho moteurs, baisse de l’audition, voire des atteintes graves du cerveau… Les conséquences du saturnisme, ou intoxication par le plomb, sur le cerveau des enfants sont nombreuses et graves. Une équipe de chercheurs néo-zélandais vient d’ailleurs de confirmer qu’une intoxication chronique à ce métal, même à faible dose, entraîne une baisse du QI entre l’enfance et l’âge adulte chez les individus exposés très jeunes.
L’étude débute en 1983 à Dunedin, une ville au sud de la Nouvelle-Zélande. Dans cette région, les teneurs en plomb sont élevées car les voitures roulent encore à l’essence mélangée à cet élément chimique sur des routes qui sont très proches des villes.
559 enfants, alors âgés de 11 ans, sont soumis à des prises de sang. En moyenne, ils avaient 109 microgrammes de plomb par litre de sang (µg/L), soit plus du double du seuil d’alerte français de 2014 fixé à 50 µg/L de sang. Au total, 94% des enfants dépassaient ce niveau d’alerte.
En parallèle, ces mêmes enfants ont passé des tests de QI, accompagnés d’exercices de compréhension orale, de raisonnement, de mémoire et de rapidité. À l’âge de 38 ans, ils ont de nouveau été soumis à des tests cognitifs. Tous ces tests ont été pondérés avec le QI de la mère et les statuts socio-économiques de l’enfant.
4,5 points de QI en moins pour les plus atteints
Les participants qui présentaient plus de 100 µg/L de sang à l’âge de 11 ans, avaient perdu 4,5 points de QI par rapport à d’autres individus moins exposés. À 38 ans, les plus exposés avaient même perdu en quotient intellectuel par rapport à leur propre enfance.
Les autres, dont la plombémie (taux de plomb dans le sang) était moins élevée à 11 ans (entre 50 et 100 µg/L), avaient perdu, selon les calculs de scientifiques, 1.5 point de QI tous les 50 µg/L de sang.
Le statut socio-économique de l’adulte était aussi impacté. Après diverses pondérations statistiques appliquées aux données, «la baisse du statut professionnel à l’âge adulte est partiellement, mais significativement, expliquée par la perte de QI» souligne Aaron Reuben, auteur principal de l’étude.
«Il s’agit de données historiques d’une époque où les niveaux de plomb comme ceux-ci ont été considérés comme normaux chez les enfants et non dangereux, de sorte que la plupart de nos participants à l’étude n’ont jamais reçu un traitement particulier», précise Terrie Moffitt, le coordinateur de l’étude.
Les jeunes enfants bien plus exposés
«La grande nouveauté de cet article, c’est de confirmer que les faibles doses (ndlr, en dessous de 100 µg/L de sang) ont des effets neurotoxiques. Avant, nous avions du mal à évaluer les effets du plomb dans l’organisme en dessous de 100 µg/L de sang, car la plombémie était mesurée de façon moins précise», explique Jérôme Langrand, médecin et responsable de l’unité de toxicovigilance au centre antipoison de l’hôpital Larisoisière (Paris).
Les jeunes enfants (surtout en dessous de 6 ans) sont bien plus exposés à ce plomb. Déjà parce qu’ils s’exposent davantage à l’ingestion (principale voie d’exposition) et à l’inhalation. «Les enfants sont plus que les adultes en contact avec leur environnement, ils touchent les sols avec leurs mains puis les mettent à la bouche. Ils absorbent donc plus de plomb que les adultes», souligne Philippe Glorennec, professeur d’évaluation des risques sanitaire à l’École des hautes études en santé publique (EHESP). Et ils sont plus sensibles: si l’adulte élimine 90% du plomb qu’il peut être amené à ingérer, l’enfant lui n’en élimine que 50%.
La prévention en France
«Cette étude nous prouve qu’il faut privilégier la prévention primaire, c’est-à-dire faire en sorte que les enfants ne soient pas exposés. En parallèle, le dépistage qui est déclenché par les communes ou à l’initiative des Agences régionales de santé (ARS) doit continuer», explique le Pr Philippe Glorennec.
C’est la raison pour laquelle, la France a revu ses seuils d’exposition au plomb à la baisse en 2014: à 25 µg/L de sang, le niveau de vigilance est enclenché avec une information des familles et une surveillance biologique. Le seuil de 50 µg/L de sang, entraîne une déclaration obligatoire du cas, ainsi que des mesures d’intervention pour réduire l’exposition.
«Quand la plombémie dans le sang des enfants est trop élevée, la première chose à faire est de les sortir immédiatement de leur environnement», explique le Dr Jérôme Langrand.
En France, aujourd’hui, peu d’environnements sont à risque pour les enfants: «Pour des personnes qui n’ont pas d’autres facteurs d’exposition, l’eau peut être un facteur explicatif mais c’est très rare», estime-il. «En revanche, les immeubles anciens, comme les appartements haussmanniens, ont du plomb sur les ferronneries des balcons par exemple.»
Selon une étude publiée en 2014 en France, la plombémie (taux de plomb dans le sang) de 484 enfants âgés de 6 mois à 6 ans, pris au hasard dans toute la France, était de 13,8 µg/L de sang. Très loin donc des 50 µg/L.
Source : Le Figaro
http://sante.lefigaro.fr/article/le-qi-des-enfants-exposes-au-plomb-baisse