Le mauvais climat des établissements scolaires, une cause majeure du décrochage

mer, 12/13/2017 - 16:31 -- siteadmin

Le nombre d'élèves quittant l'école sans diplôme a nettement reculé en France. Mais cela reste un phénomène préoccupant et coûteux, qui nécessite de mettre l'accent sur des politiques de prévention, selon un rapport publié vendredi.

«Le décrochage recule nettement en France, quels que soient les indicateurs mobilisés», selon Nathalie Mons, à l'occasion de la publication de la conférence de comparaison internationale du Cnesco intitulée «Comment agir plus efficacement face au décrochage scolaire?» et menée en partenariat avec le CIEP. La France compte 8,8 % d'élèves en décrochage scolaire en 2016, en deçà de l'objectif de 10 % fixé à l'échelle européenne.

Cette «tendance à la diminution» existe «depuis les années 2000. La baisse historique s'est stabilisée entre 2000 et 2008, et depuis la fin des années 2000, on enregistre un nouveau mouvement de baisse. Aujourd'hui environ 100.000 jeunes sortent chaque année du système scolaire, et environ 450.000 jeunes âgés de 18 à 24 ans ne sont pas diplômés de l'enseignement secondaire. Les conséquences sont lourdes pour les finances publiques: 35% des financements publics en faveur des jeunes de 16 à 25 ans sont consacrés à la lutte contre le décrochage scolaire, selon la Cour des comptes.

Des difficultés scolaires précoces

«Les difficultés scolaires précoces sont le principal facteur de risque du décrochage scolaire», constate le chercheur Pierre-Yves Bernard. «Elles sont rencontrées plus souvent dans les milieux défavorisés notamment en termes de capital culturel.» Le chercheur souligne également le lien avec le niveau de diplôme de la mère: plus celui-ci est faible (ou inexistant), plus l'enfant est à risque de décrochage scolaire. À niveau scolaire égal, les garçons ont un risque de décrochage plus élevé que les filles. Le risque de décrocher augmente de 4,9 points de pourcentage pour les enfants d'ouvriers par rapport aux enfants de cadres, à compétences scolaires identiques. Et les enfants issus de l'immigration semblent plus à risque d'absentéisme, alors que ce facteur «n'a pas d'effet significatif dans environ deux tiers des pays étudiés».

Parmi les «signaux» du décrochage, «l'absentéisme est particulièrement important». Le Cnesco souligne l'importance de «l'effet établissement» en France, alors que les établissements français enregistrent le plus faible taux de sentiment d'appartenance à l'établissement (environ 40 %) de tous les pays de l'enquête Pisa. Les autres pays de l'OCDE déclarent un sentiment d'appartenance à leur établissement de 73% en moyenne.

Identifier les premiers signaux

Pour lutter contre le décrochage, les politiques publiques se sont beaucoup attachées à trouver des solutions aux jeunes ayant déjà décroché, via les missions locales pour l'insertion des jeunes, devenues les principaux lieux d'accueil de la jeunesse en difficulté, ou les écoles de la seconde chance. «Il existe un millefeuille de dispositifs, il est temps d'en faire une analyse rigoureuse», plaide Nathalie Mons. «Il faut pouvoir proposer des solutions au plus vite à un jeune sorti du système, les délais sont parfois très longs». Depuis une dizaine d'années, se développent aussi des politiques de prévention et d'intervention, pour aider les jeunes dès qu'apparaissent les premiers signes d'un possible décrochage et «traiter à la racine les problèmes qui pourraient entraîner un abandon précoce».

L'organisme recommande notamment de donner les moyens aux établissements «à risque» d'identifier les premiers signaux, et d'impliquer les familles dès qu'ils se manifestent. «Chaque établissement doit travailler à favoriser un bon climat scolaire, qui renforce le sentiment d'appartenance du jeune», et permet de diminuer significativement le risque d'absentéisme. Il s'agit de développer le sentiment d'appartenance à l'école ou à l'établissement du point de vue des élèves, par exemple en développant leur capacité à s'exprimer, du point de vue des personnels en améliorant le cadre physique des conditions de travail, et vis-à-vis de l'extérieur en établissant des liens de confiance avec des acteurs locaux.

Généraliser l'envoi d'un SMS dès la première absence non signalée

Le Cnesco fait des préconisations «autour de trois orientations»: d'urgence, de long terme, et d'autres visant le retour en formation. En urgence, pour cibler les «élèves qui risquent de décrocher»: «Identifier les signes précurseurs du décrochage» en offrant «aux personnels les moyens d'identifier les élèves à risque plus efficacement», en recueillant des informations auprès des élèves (notamment via des questionnaires), en informant les établissements sur leur exposition au risque de décrochage (notamment par des indicateurs). «Développer des alternatives pour éviter les sorties des élèves des classes ou des établissements», notamment avec des associations. «Créer des liens avec les familles les plus éloignées de l'école»: ne pas attendre que les situations se dégradent pour rencontrer les familles, les impliquer dans la prévention sur la santé, généraliser l'envoi d'un SMS dès la première absence non signalée.

À long terme, le Cnesco recommande de faire de la «prévention pour tous les élèves», en variant les situations et contextes d'apprentissage, en redonnant une perspective aux choix d'orientation, en instaurant une seconde indifférenciée et en lançant des programmes d'orientation qui visent à «combattre les perceptions genrées des métiers».

Il s'agit enfin d'agir sur «les retours en formation»: «identifier en continu et contacter tous les jeunes ayant décroché», «renforcer et permettre l'accès à une offre de solutions diversifiées» (lycées de la seconde chance, développement de solutions de transports et d'internats, etc), et «l'offre de rescolarisation.»

Source : Le Figaro                                                                                                          

http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2017/12/08/01016-20171208ARTFIG00115-le-mauvais-climat-des-etablissements-scolaires-une-cause-majeure-du-decrochage.php