L’OMS recommande d’allaiter l’enfant exclusivement au sein pendant six mois. La maman est toutefois invitée à agir selon ses convictions. Selon les spécialistes, il ne faut pas la forcer à le faire, encore moins la culpabiliser.
Depuis près de trois décennies l’engouement pour l’allaitement exclusif au sein gagne du terrain. Au Liban, comme dans de nombreux pays du monde, les campagnes en faveur de cette méthode se multiplient et les spécialistes en vantent les bénéfices tant pour la santé du nourrisson que pour celle de la mère.
« Cela s’explique essentiellement par une volonté de retourner à tout ce qui est naturel, alors qu’en Europe et dans de nombreux autres pays, la maternité est trop médicalisée », souligne le Dr Joseph Ghanimeh, gynécologue obstétricien.
Le principal atout de l’allaitement reste l’immunité qu’il fournit au bébé, « grâce aux anticorps qu’il contient et qui aident le bébé à se défendre contre les bactéries et les virus ». Dans les premiers jours, « cette immunité est acquise à travers le colostrum, un liquide sécrété par les glandes mammaires après l’accouchement ». « Les anticorps continuent à passer au nourrisson à travers le lait maternel pendant plusieurs mois encore, poursuit le spécialiste. C’est la raison pour laquelle nous conseillons à la maman d’allaiter son enfant exclusivement au sein pendant au moins quatre à six semaines, qui sont primordiales. De plus, sur le plan hygiénique, la maman n’a plus à stériliser les biberons, alors que sur le plan économique, le lait maternel est moins cher, puisque les parents n’ont plus à acheter le lait, les biberons et le stérilisateur. Sur le plan affectif, l’allaitement renforce le lien créé entre la mère et son enfant. »
L’Organisation mondiale de la santé recommande l’allaitement exclusif au sein pendant six mois. Au-delà de cette période, d’autres aliments doivent compléter l’allaitement qui peut se poursuivre, selon l’agence onusienne, jusqu’à l’âge de deux ans.
Un aliment complet
« Le lait maternel est le meilleur aliment qu’on puisse donner à un nourrisson », affirme de son côté le Dr Nelly Yazbek, pédiatre et pneumologue, spécialisée en maladies respiratoires et allergiques chez l’enfant. « C’est un aliment complet qui contient des protéines, des minéraux, notamment du fer, des acides gras essentiels qui aident au développement du cerveau, comme l’oméga-3, note-t-elle. Sur le long terme, l’allaitement peut diminuer le risque d’obésité chez l’enfant, ainsi que celui du diabète de type 1, d’eczéma et des maladies inflammatoires digestives comme la maladie de Crohn. En ce qui concerne la prévention de l’asthme ou des allergies, les études menées dans ce cadre ne sont pas toutes concluantes. »
Les protéines contenues dans le lait maternel « ne sont pas allergènes, contrairement à celles renfermées dans le lait de vache », ajoute le Dr Yazbek. « Au Liban, certaines mamans ont tendance à fuir le lait infantilisé (lait en poudre pour nourrisson), constate-t-elle. Elles donnent ainsi au nourrisson du lait de vache frais, pensant qu’il s’agit d’un aliment naturel. Cela n’est pas du tout recommandé, d’autant qu’il est riche en protéines, ce qui est nocif pour les reins de l’enfant. Sur le long terme, cette surcharge protéique pourra causer une insuffisance rénale. Par ailleurs, il est important de préciser que le lait infantilisé est ajusté pour qu’il soit le plus proche possible du lait maternel. Aussi est-il faible en protéines. Il a aussi été enrichi en vitamines, acides gras essentiels, minéraux et probiotiques. Ce sont des micro-organismes retrouvés dans la flore intestinale qui aident à la digestion et à la lutte contre les infections. »
L’allaitement est également bénéfique pour la maman puisqu’« il la protège du cancer du sein et des ovaires », affirment les deux spécialistes. Il l’aide aussi à perdre les kilos pris durant la grossesse. « L’allaitement engendre aussi une aménorrhée, c’est-à-dire une absence des règles, précise le Dr Ghanimeh. Mais cela ne constitue pas pour autant un moyen de contraception. D’autres précautions doivent être prises, sachant que la pilule classique est contre-indiquée durant l’allaitement. »
Un travail à plein temps
Si de nombreuses mamans sont des inconditionnelles de l’allaitement, d’autres appréhendent cette méthode et préfèrent recourir au lait infantilisé. « Mais cela est difficile dans notre société où l’on considère que la principale mission de la femme est de s’occuper de ses enfants, confie une mère. J’ai essayé d’allaiter, mais cela n’a pas marché. Je me rappelle qu’on m’avait apporté mon aînée dans les deux heures qui ont suivi l’accouchement. On me l’a posée entre les bras, me sommant de l’allaiter. Je ne savais pas quoi faire. Je lui ai donné le sein, mais elle le refusait. J’ai vécu cela comme un échec et j’ai décidé de ne plus allaiter. D’ailleurs, j’ai nourri tous mes trois enfants au biberon. J’ai toutefois été critiquée pour ma décision. »
« Le problème au Liban, c’est que la future maman n’est pas initiée à l’allaitement », déplorent les deux spécialistes, soulignant qu’on « la pousse à le faire sans lui expliquer la démarche à suivre ».
« Il est important de préparer la femme à l’allaitement au même titre qu’à l’accouchement, insiste le Dr Ghanimeh. Il ne faut surtout pas la culpabiliser. Il faudrait plutôt l’encourager et lui expliquer les avantages et les inconvénients de cette méthode, ainsi que les contraintes qu’elle engendre. Le papa doit aussi être présent et l’aider. Si la maman va allaiter son enfant dans un climat de stress, il est préférable qu’elle le nourrisse au biberon. »
Même son de cloche chez le Dr Yazbek qui explique qu’elle conseille aux mamans d’« essayer d’allaiter leur enfant pour ne pas le regretter plus tard, d’autant que l’ablactation (arrêt de la montée laiteuse) est irréversible ». « Il existe des sites libanais et étrangers qui répondent à toutes les questions de l’allaitement que la femme peut consulter, poursuit-elle. De plus, dans les grands hôpitaux, les sages-femmes sont de plus en plus formées pour accompagner la maman. Si, malgré tout cela, la femme ne veut pas allaiter, il ne faut pas l’obliger à le faire, d’autant que cela est très difficile et contraignant. La maman doit en fait s’adonner physiquement et moralement à l’allaitement, d’autant que le premier mois, elle ne fait rien d’autre. C’est un travail à plein temps, éprouvant sur le plan physique. Mais une fois ce cap passé, le processus devient facile et la femme aura du plaisir à allaiter son enfant. »
Respecter la décision de la maman
Les deux spécialistes expliquent en outre que les bénéfices de l’allaitement sont liés à la durée de cette pratique. « On ne peut pas demander à la femme d’allaiter pendant six mois, alors que le congé de maternité est de soixante-dix jours, remarquent-ils. À cet âge, l’enfant ne fait pas encore ses nuits, la maman ne dort pas assez, et en plus elle doit reprendre son travail. Souvent, elle est tellement fatiguée qu’elle décide de sevrer l’enfant. »
Bien entendu, la maman peut utiliser un tire-lait, « mais là aussi il faut être régulier et le faire toutes les trois heures, où qu’elle soit », insiste le Dr Yazbek. « Ce qui n’est pas évident si elle travaille », note-t-elle. Et de conclure : « Toutes les femmes n’ont pas allaité et tous les enfants n’ont pas eu de problèmes de santé en grandissant. Plus que l’allaitement, c’est le mode de vie qui compte. Fumer, manger gras et sucré et avoir une vie sédentaire ne vont pas aider. D’où la nécessité de ne pas blâmer la maman. Ceux qui le font sont soit des femmes qui n’ont pas allaité, soit des hommes. Si la maman ne veut pas allaiter son enfant, c’est son choix et il faut le respecter. Il existe des substituts qui aident les enfants à bien grandir et à être en bonne santé. »
Source : L’Orient Le Jour