Le Défenseur des Droits et la Commission nationale consultative des droits de l’Homme reprochent au gouvernement français de négliger les intérêts des enfants de djihadistes français, détenus dans des conditions insalubres en Syrie.
La France doit «rapatrier sans condition» les enfants de djihadistes français détenus dans les camps en Syrie et cesser sa politique du «cas par cas», demande ce mercredi la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) dans une lettre adressée au premier ministre Édouard Philippe. Un appel aligné sur la décision du Défenseur des droits, datée du 22 mai : Jacques Toubon estime que «l’État français doit adopter des mesures effectives permettant de faire cesser les traitements inhumains et dégradants subis par les enfants et leur mère dans ces camps». Il donne un mois au gouvernement pour qu’il fasse suite à ces «recommandations».
Jacques Toubon, saisi par plusieurs familles depuis fin 2017, et Jean-Marie Delarue, président de la CNCDH, dénoncent de concert les conditions de rétention de ces enfants. Manque d’eau, de nourriture, des conditions sanitaires extrêmes et une privation de tout contact avec l’extérieur: «ces enfants sont en danger immédiat» écrit Jean-Marie Delarue. Ce que subissent ces enfants constitue «une atteinte à leurs droits garantis par la Convention internationale des droits de l’enfant, ratifiée par la France en 1990». La CNCDH parle d’une «double faillite» française, «non seulement au regard de ses engagements internationaux en faveur des droits de l’enfant que de l’obligation pour l’État de protéger ses ressortissants où qu’ils soient.»
Depuis plusieurs mois, les familles et des ONG alertent sur les conditions dans lesquelles ces enfants sont retenus en Syrie. Le rapport du 22 mai du Comité international de la Croix-Rouge s’alarme des conditions de vie dans les camps, notamment de Al-Hol, Roj et Aïn Issa, placés sous le contrôle des forces kurdes. Selon le Conseil de l’Europe mardi, 249 personnes sont mortes dans ces camps depuis fin 2018.
Une réponse «au cas par cas»
«Enfin on a une autorité nationale qui condamne la France et qui l’exhorte à respecter ses engagements internationaux et européens», a réagi auprès de l’AFP Me Marie Dosé, qui représente plusieurs djihadistes français et familles. «Nous nous réjouissons que le Défenseur des droits prenne la mesure de l’extrême gravité des atteintes aux droits fondamentaux», ont déclaré Mes William Bourdon et Vincent Brengarth, qui représentent également plusieurs familles.
Interrogée à la sortie du Conseil des ministres, la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye a simplement rappelé la «position constante» de la France qui étudie les situations «au cas par cas» et ne rapatrie que des orphelins ou des enfants avec l’accord de leur mère. Selon le Quai d’Orsay, cinq orphelins sont ainsi revenus de Syrie le 15 mars et une fillette de trois ans le 27 mars. Des mesures jugées «insuffisantes» par la CNCDH et qui «traduisent la primauté manifestement accordée à des intérêts opposés à l’intérêt de l’enfant», estime Jean-Marie Delarue. Il exige du gouvernement français qu’il respecte l’obligation de protéger ces enfants, y compris en matière de «réadaptation physique et psychologique (...) et de réinsertion sociale». Et de rappeler, si besoin est, qu’«on ne naît pas terroriste».
Source: Le Figaro