Fièvre fréquente chez l’enfant: quand faut-il s’inquiéter?

ven, 07/05/2019 - 12:31 -- siteadmin

Dans la majorité des cas, les fièvres répétées sont la manifestation d’une succession d’infections virales et ne nécessitent pas d’examen complémentaire.

C’est l’un des premiers motifs de consultations des jeunes enfants. La fièvre et l’inconfort qui l’accompagne s’invitent très souvent dans le quotidien des tout-petits...et de leurs parents. Au point que ces derniers accourent parfois chez le médecin sans même avoir pris la température de leur petit. Or la fièvre en elle-même n’est pas dangereuse, sauf si elle dépasse 41 degrés. Au contraire, elle aide le système immunitaire à lutter contre les infections. Mais lorsque ce phénomène survient trop fréquemment, il peut, dans de rares cas, être le signe d’une maladie sous-jacente. Le Figaro fait le point avec le Dr Éric Jeziorski, pédiatre au CHU de Montpellier et conférencier sur ce sujet lors du Congrès de la Société Française de pédiatrie qui s’est tenu en juin 2019 à Paris.

Des épisodes attendus après l’entrée en crèche

 «Dans la majorité des cas, les fièvres répétées ne nécessitent aucune exploration», rappelle d’emblée le Dr Jeziorski. «Elles sont le plus souvent secondaires à une succession d’infections virales (bronchites, rhino-pharyngites, angines, otites moyennes aiguës...) et débutent généralement durant l’hiver, peu après la mise en collectivité. Elles durent le temps que l’enfant se fasse un patrimoine d’anticorps».

Selon le pédiatre, si un enfant fait plusieurs épisodes de fièvre au cours des mois suivant son entrée en crèche et que, dans le même temps, sa courbe staturo-pondérale n’est pas perturbée, un suivi simple sera fait et la situation pourra être réévaluée au printemps pour savoir si des examens complémentaires sont nécessaires.

Quels signes d’alerte?

Il arrive toutefois que ces fièvres répétées soient un signal d’alerte. Elles peuvent ainsi être la manifestation d’un déficit immunitaire, une défaillance du système immunitaire. «Il y a 10 signes cliniques d’alerte qui peuvent être évalués avec un simple interrogatoire», indique le Dr Jeziorski. «Ils ont été établis de façon empirique mais une étude a montré que si l’enfant n’a aucun de ces signes, il a 85% de chance de ne pas avoir de déficit immunitaire», poursuit le pédiatre. «En revanche, s’il en a un seul, le risque s’élève à 20%». Si ce test s’avère positif, le médecin pourrait être amené à réaliser un bilan immunitaire par prise de sang.

Parmi les 10 signes retenus par le Centre de référence des déficits immunitaires héréditaires figurent des antécédents familiaux (infections, consanguinité), des infections sévères ou atypiques (muguet, candidose cutanée récidivante, mycose...) ou des infections trop fréquentes (plus de 8 otites pendant l’automne et l’hiver chez les enfants de moins de 4 ans, par exemple) ou encore une cassure de la courbe de croissance staturo-pondérale. À noter que des otites à répétition ne constituent pas à elles seules un signe d’alerte. «Par ailleurs, l’âge auquel commencent les fièvres est important», note le pédiatre. «Si les épisodes commencent très tôt alors que l’enfant n’est pas en contact avec d’autres, et qu’ils n’ont cessé de se reproduire, il faut se poser des questions. Tandis que si les symptômes commencent 6 mois après l’entrée en crèche, c’est nettement moins inquiétant.»

Une autre cause: le syndrome de Marshall

Mais les déficits immunitaires ne sont pas la seule cause possible de fièvres répétées. «Elles peuvent aussi être la manifestation d’un syndrome auto-inflammatoire», avance le Dr Jeziorski. Le plus fréquent est le syndrome de Marshall, aussi appelé PFAPA (pour periodic fever, aphtous stomatitis, pharyngitis and cervical adenitis). Cette maladie loin d’être exceptionnelle (3000 à 4000 nouveaux cas par an en France), dont les causes sont inconnues, débute généralement avant le sixième anniversaire. «Il s’agit d’une dérégulation du système immunitaire inné qui est trop actif, ce qui provoque des inflammations récurrentes», explique le pédiatre. Entre deux épisodes, l’enfant est en bonne santé.

Ce syndrome manifeste par des épisodes de fièvre de 3 à 7 jours qui se reproduisent à des intervalles périodiques pendant au moins 6 mois. «En général, les parents arrivent à anticiper la date à laquelle la fièvre va débuter», souligne le médecin. Ces épisodes s’accompagnent généralement d’aphtes dans la bouche, d’un gonflement des ganglions lymphatiques dans le cou, d’une douleur abdominale, d’une angine et d’une pharyngite, sans qu’un virus ou une bactérie ne soit retrouvé.

Pour être diagnostiqué positif, l’enfant doit remplir 7 critères parmi les 8 établis. Une prise de sang pendant un épisode de fièvre devra aussi permettre de confirmer l’inflammation. «En général, les épisodes diminuent en fréquence et se résolvent spontanément au cours de la deuxième décennie de vie», selon le portail des maladies rares Orphanet.

La fièvre méditerranéenne familiale, une maladie génétique rare

Autre cause rare de fièvres récurrentes: les maladies auto inflammatoires monogéniques, parmi lesquelles la fièvre méditerranéenne familiale (FMF) est la plus connue et la plus fréquente. En France, elle reste toutefois rare: entre 1 et 5 enfants sur 10.000 sont touchés mais ce n’est pas le cas dans d’autres pays où elle peut toucher un enfant sur 200. Elle se distingue notamment du syndrome de Marshall par l’absence de périodicité de la fièvre et sa durée (plus de 5 jours ou moins de 3 jours).

«La présence de 6 critères parmi les 8 suivants est fortement évocatrice du diagnostic de FMF: origine géographique/ethnique à risque (arménienne, turque, juive séfarade ou maghrébine), durée des épisodes inflammatoires de 1 à 3 jours, douleurs thoraciques, douleurs abdominales, arthrite pendant les épisodes, absence d’aphtes, absence d’urticaire, absence de gonflement des ganglions dans le cou pendant les épisodes», énumère le Dr Jeziorski. Si ces critères sont présents, la recherche de mutations génétiques devra être réalisée.

«Les épisodes de fièvre répétés sont la manifestation d’une succession d’infections virales dans la grande majorité des cas, donc sans gravité», résume le pédiatre. «Il faut néanmoins rester vigilant face au risque de maladie sous-jacente. Pour cela, un interrogatoire complet et l’observation des courbes de croissance sont les deux outils essentiels pour orienter le diagnostic.»

Source : Le Figaro

http://sante.lefigaro.fr/article/fievre-frequente-chez-l-enfant-quand-faut-il-s-inquieter/