Hauts potentiels, zèbres ou atypiques… désormais, les enfants et adultes « hors norme » semblent se multiplier.
Il y eut un temps où, de manière très exceptionnelle, on entendait parler de scores aux tests de quotient intellectuel (QI), un premier de notre lycée ayant été repéré, et l’on pouvait alors observer ce virtuose des mathématiques ou du latin comme un oiseau rare.
Aujourd’hui, les «surdoués» semblent abonder. Pour preuve, le nombre d’articles de presse qui leur sont consacrés, dans lesquels leurs proches, leurs enseignants, leurs coachs s’inquiètent. Des ateliers, des écoles même, s’ouvrent pour les parents déboussolés par une telle progéniture. Enfin, des manuels pour savoir si l’on est soi-même porteur de «douance», car les adultes surdoués demandent désormais à être repérés. Pas de doute: les «zèbres», les «intellectuellement précoces» ou «hauts potentiels» semblent s’être multipliés ces derniers temps. Effet marketing ou authentique expansion?
Le pédopsychiatre Alain Braconnier reconnaît que depuis une dizaine d’années, «les enfants sont déjà grands plus petits». Compétences cognitives, utilisation des nouvelles technologies, curiosité… «Ils grandissent plus vite à tous les niveaux.»
Pourquoi une croissance si précoce? Pour le Dr Braconnier, celle-ci est le fruit de la stimulation extrême à laquelle les enfants sont exposés. «L’usage des jeux vidéo, le surfing sur Internet et dans les médias changent leur manière de penser», estime le pédopsychiatre.
Mais il n’y a pas que cela. Inconsciemment - ou pas -, les parents, très soucieux d’un avenir où leurs enfants doivent être entreprenants et compétitifs, ont favorisé leur accès au monde des adultes. «Résultat, nous avons des petits plus matures, plus curieux, ajoute le Dr Braconnier. Mais aussi plus excités, avec une pauvre capacité de concentration. Et les parents sont d’autant plus désarçonnés que ces petits précoces ont, du point de vue émotionnel, leur âge réel. Même doués intellectuellement, ils restent des “petits garçons et des petites filles”. Il importe d’ailleurs de ne pas l’oublier.»
Des enfants qui sortent du cadre scolaire
Certes. Mais les chiffres parlent d’eux-mêmes. À ce jour, seuls 2% de la population peuvent être considérés comme «surdoués», en ayant atteint ou dépassé le score de 130 au test de QI. Aussi certains préfèrent-ils en parler autrement.
C’est le cas d’Audrey Akoun et Isabelle Pailleau, psychologues et psychothérapeutes, qui publient Vive les zatypiques! (Éd. Leduc.s), un ouvrage qui décrypte ce phénomène de l’«atypie» où l’on peut retrouver les enfants et adolescents hypersensibles, artistes, gamers, surdoués, mais aussi les «DYS»(-lexiques, -phasiques, et…) dont on parle moins.
Leur point commun?«Ils sortent du cadre, résume Audrey Akoun. Là où la société et l’école définissent un enfant au développement cadré et parfait, eux montrent une pensée non nécessairement linéaire, une différence qui les rend hors normes… D’ailleurs, on peut être surdoué car on a brillamment passé le test du QI et cependant souffrir d’un TDAH (trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité), d’une dyslexie, au point de ne pas avoir de bons résultats scolaires. Évidemment, chez ceux que nous recevons, l’estime de soi est presque toujours affectée et leurs parents sont déboussolés.»
La nécessité de consulter pour démêler toutes ces dimensions s’impose souvent. Le Dr Braconnier lui-même oriente certains de ces patients à des confrères spécialisés dans la « douance », car les décalages qu’ils vivent méritent d’être explorés de manière spécifique.
Centrale chez tous ces enfants et les adultes qu’ils deviennent, se trouve l’hypersensibilité. Avec ce prisme, ils surréagissent aux critiques et se sentent dévalorisés par elles, ils s’ennuient vite, coupent la parole à leurs professeurs. «Dans un système scolaire qui valorise la force et diabolise la sensibilité, ils s’essoufflent et se découragent», explique la psychothérapeute Audrey Akoun. Ces enfants et adultes ont souvent un autre obstacle à dépasser.
«Du fait de leurs dons, ils sont passés de classe en classe et n’ont pas vraiment appris à travailler, observe le Dr Braconnier. Un jour ou l’autre, ils sont confrontés à cette évidence.» Audrey Akoun voit là une des limites de l’égalité dans l’éducation, à laquelle elle préfère d’ailleurs le terme d’équité: «quand on donne à chacun les moyens propres pour que chacun réussisse, et pas obligatoirement les mêmes moyens pour tous».
Paradoxalement, parce qu’elles sont sujettes à davantage d’anxiété, les personnalités surdouées ont donc besoin d’un cadre qui les reconnaisse. Raison probable pour laquelle elles sont si nombreuses à s’exprimer aujourd’hui.
Source : Le Figaro
http://sante.lefigaro.fr/article/enfants-surdoues-un-parcours-parfois-difficile/