Fin 2015, le camp de personnes déplacées de Debaga en Iraq a ouvert pour abriter les familles déplacées des environs. Le nombre de résidents du camp a depuis été multiplié par dix et continue d’augmenter, ce qui met à rude épreuve les ressources et les personnes vivant dans le camp.
En périphérie d’un village poussiéreux en Iraq, une ville grossit
Des centaines de personnes arrivent au camp de personnes déplacées de Debaga tous les jours.
« Nous sommes venus à quatre cent, » explique Ali*, qui comme beaucoup de personnes dans le camp vient de Haji Ali, au sud de Mossoul dans le gouvernorat de Ninive. Le groupe a fui lorsque les conflits se sont intensifiés dans son village et que le groupe d’opposition armé qui contrôlait le village depuis deux ans a commencé à perdre du terrain. « Nous nous sommes enfuis vers le Tigre, » explique-t-il.
Sur la route qui mène à l’entrée du camp, la circulation se fait au ralenti. Les familles sont arrivées comme elles le pouvaient : à pieds, entassées dans des voitures en piteux état ou à l’arrière de camionnettes. La route est bordée d’abris. Dans l’un d’eux, un homme scie un gros bloc de glace. Dans un autre, trois garçons se protègent de la chaleur caniculaire sous une bâche bleue.
Il fait une chaleur étouffante. La route est pleine de camions qui apportent de l’eau et de l’aide humanitaire d’urgence. Beaucoup d’enfants ne portent pas de chaussures. La plupart des personnes sont parties de chez elles de manière si précipitée que les seuls vêtements qu’elles ont sont ceux qu’elles portaient en partant.
« Des hommes armés sont venus chez nous et tiraient. Ils voulaient nous forcer à aller ailleurs pour nous utiliser comme boucliers humains, » explique Fatima*, membre de la famille d’Ali.
Un afflux régulier au-delà des capacités
Debaga n’a été construit que pour abriter les familles déplacées qui vivaient dans des implantations sauvages dans cette zone. En novembre 2015, environ un mois après son ouverture, le camp de Debaga comptait déjà 3 300 personnes. Depuis, ce nombre a été multiplié par dix.
Le camp a vite été étendu à un stade de sport voisin et un autre site est en cours de construction à côté. Désormais, plus de 30 000 personnes sont réparties sur les trois sites, et environ 15 000 personnes supplémentaires sont attendues au cours des prochains mois.
Le second site, tout simplement appelé le Stade, est un terrain de football dont l’herbe est sèche, entouré de deux tribunes. En des temps plus heureux, il s’agissait d’un terrain de sport rural où les enfants jouaient au ballon. Aujourd’hui, il est peuplé de rangées de tentes entourées d’une clôture barbelée.
Shema et Nektal sont ici depuis cinq jours. Ils ont six enfants âgés de deux mois à dix ans.
« Nous sommes partis de nuit, » explique Nektal. « Il y avait environ 200 personnes de notre village. Nous avons marché jusqu’à Makhmour puis on nous a aidés à arriver ici. »
En traversant des terres inhabitées entre les groupes armés, le frère cadet de Nektal a marché sur une mine. « Nous ne pouvions pas le porter, nous avons dû le laisser là-bas, » explique Nektal.
À l’entrée du Stade se trouvent deux grandes tentes. Elles sont remplies de femmes et d’enfants attendant qu’on leur attribue des tentes individuelles.
Sanar allaite Salafia, neuf mois, un bébé souriant avec de bonnes joues et une cicatrice sur l’avant-bras gauche.
« Une bombe a fait exploser une fenêtre chez nous, » explique Sanar. « Un éclat de verre est tombé sur son bras. Elle dormait quand c’est arrivé, elle ne s’est même pas réveillée. »
Sanar s’est enfuie avec douze membres de sa famille. Ils ont effectué le périple de six heures à pieds. Lorsqu’elle est arrivée au camp de Debaga, elle a reçu une trousse d’urgence distribuée dans le cadre du mécanisme d’intervention rapide mis en place par l’UNICEF. Les aliments, l’eau et les produits d’hygiène de la trousse permettent à sa famille de se débrouiller pendant leurs premiers jours au sein du camp.
La gestion des difficultés logistiques
À l’extérieur de la tente, des dizaines de personnes font la queue avec des seaux pour obtenir de l’eau. L’accès à l’eau propre constitue l’un des problèmes les plus pressants dans le camp. L’UNICEF achemine par camion 945 000 litres d’eau potable vers le camp chaque jour, ce qui représente 35 litres par personne. L’UNICEF fournit également des douches et des latrines, et teste régulièrement la qualité de l’eau pour garantir qu’elle reste salubre.
À long terme, il est prévu de forer six puits. Des travaux commenceront bientôt pour établir un réseau hydraulique qui approvisionnera le camp en eau, et permettra d’éliminer les 60 camions nécessaires chaque jour pour fournir l’eau.
Dans le principal centre de transit du camp, deux préfabriqués sont installés à côté du dispensaire du camp. Les équipes de santé et de nutrition de l’UNICEF utiliseront ces préfabriqués comme unités de suivi permanent de la vaccination et de la croissance. Dans le reste du camp, des agents de santé en blouse blanche s’assurent que les enfants aient bien reçu les vaccins essentiels contre la polio, la rougeole, et d’autres maladies évitables.
Non loin de là, des enfants jouent dans l’espace ami des enfants du camp appuyé par l’UNICEF. Ces espaces permettent aux enfants de faire du sport, d’apprendre la musique, de faire des activités artistiques, de passer du temps avec leurs amis, et d’être à nouveau des enfants, tout simplement.
En Iraq, où les conflits continuent de provoquer des vagues de déplacement, les situations comme celle de Debaga vont devenir de plus en plus communes.
« Les difficultés logistiques sont considérables, » explique Maulid Warfa, le responsable du bureau d’Erbil. « La situation est très instable et change constamment. Nous fournissons l’eau, l’assainissement et des fournitures de secours. Nous avons ouvert deux espaces amis des enfants et nous vaccinons les enfants, mais ce n’est que le début. Nous avons beaucoup de travail devant nous. Des milliers de personnes supplémentaires vont arriver. »
*les noms ont été changés
Source: UNICEF