Des robes blanches sans corps pendues le long de la corniche de Beyrouth, flottant au gré du vent. C'est ce que pouvaient apercevoir samedi, le temps d'une journée, les passants. Un spectacle – à l'initiative de l'ONG Abaad et de l'agence de publicité Leo Burnett – qui se veut morbide, mis en place par l'artiste Mireille Honein. Et pour cause, puisqu'il dénonce l'article 522 du code pénal. Conformément à cet article, les condamnations ou les poursuites contre un violeur sont suspendues si celui-ci épouse sa victime. Une pratique de « l'ancien temps » dénoncée par Abaad.
L'installation comprend exactement trente et une robes. Un chiffre qui n'est pas anodin. « C'est le nombre de jours qu'il y a dans le mois le plus long, explique Ghida Anani, directrice d'Abaad. Ces femmes sont victimes au quotidien de violence et de mort. »
Plusieurs types de robes étaient exposées. Des tailles pour femmes enceintes, suite au viol, ainsi que pour enfants. « Nous voulons aussi montrer que la violence touche toutes les femmes, quel que soit leur âge, la classe sociale dont elles sont issues ou encore la communauté religieuse à laquelle elles appartiennent », poursuit Ghida Anani. Certaines personnes se sont offusquées que le mariage puisse être considéré comme une solution au viol. « Après le mariage, ces femmes vont être violées encore toutes les nuits », s'indigne une passante.
À double tranchant
Si l'abolition de l'article 522 est le maître mot de l'exposition, le combat est plus large encore. Il s'agit aussi de faire connaître ce problème de société à un plus grand nombre de personnes. « Seuls 1 % des Libanais savent que cet article est toujours en vigueur », déclare Mireille Honein. Pour elle, « le but était aussi d'alerter les citoyens sur ces lois obsolètes ». C'est un « combat à double tranchant », souligne de son côté Marie Hachem, chargée de la campagne d'Abaad à Leo Burnett. « Cette installation pousse les gens à agir selon leurs moyens », ajoute-t-elle.
Rappelons que récemment, le projet d'abrogation de l'article 522 a été approuvé par la commission parlementaire de l'Administration et de la Justice. Les effets de l'article ont toutefois été maintenus dans deux situations : en cas d'une relation sexuelle « consentie » avec une mineure âgée entre 15 et 18 ans et en cas d'une relation sexuelle – non consentie – avec une mineure âgée de 15 à 18 ans, mais avec promesse de mariage. Le texte doit encore être approuvé en séance plénière.
Source : L’Orient Le Jour