En moins de trois mois, trois affaires de relations sexuelles entre une mineure et un adulte ont replacé l'âge du consentement sexuel au premier plan. Le gouvernement a annoncé qu'un projet de loi est en préparation. S'il est accepté par le Parlement, il entrera dans la loi en 2018.
Alors que l'affaire Weinstein a aidé à libérer la parole des personnes victimes de harcèlement sexuel dans le monde entier, en France, l'âge du consentement sexuel des mineurs fait l'objet d'un débat houleux. Relancée après trois affaires de relation sexuelles entre des mineurs et des adultes, dont deux où le «viol» n'a pas été retenu, la question est remontée jusqu'au gouvernement qui s'est engagé à modifier la législation. Le Figaro fait le point.
27 septembre: une relation sexuelle entre une fillette de 11 ans et un homme de 28 ans non considérée comme un «viol»
Les faits datent du 24 avril 2017 à Montmagny, dans le Val-d'Oise. Un homme de 28 ans aborde à deux reprises Sarah, une fillette de 11 ans. Elle le suit jusqu'à son immeuble. Dans l'ascenseur, l'homme embrasse l'enfant et arrivés au neuvième étage, ils ont plusieurs relations sexuelles.
La famille de la jeune fille, qui la retrouve, selon leurs mots, «désespérée» et «tétanisée», décide de porter plainte. Cependant, selon les enquêteurs, ces actes sexuels ne sont pas des viols car l'enfant n'a pas été contrainte physiquement. Le 27 septembre, le ministère public, qui s'appuie sur l'article 227-25 du Code pénal, estime «qu'il n'y a eu ni violence, ni contrainte, ni menace, ni surprise». En conséquence, le parquet décide de ne pas retenir le viol et poursuit l'homme pour «atteinte sexuelle sur mineur de moins de 15 ans». Ce père de deux enfants est par ailleurs placé sous contrôle judiciaire depuis mai.
Pourtant, pour l'avocate de la plaignante, Me Carine Diebolt, «tous les critères qui fondent l'agression sexuelle» peuvent être retenus dans ce dossier. «Aujourd'hui, on ne devrait même pas avoir ce débat-là quand il s'agit d'un enfant», a-t-elle poursuivi, demandant une évolution de la loi.
Le procès qui devait se tenir le 27 septembre a été renvoyé au 13 février prochain, le temps d'examiner la demande de requalification en «viol» soulevée par la défense.
11 novembre: un homme accusé de viol sur une mineure de 11 ans acquitté
Jugé devant la Cour d'assises de Seine-et-Marne, un homme de 30 ans, accusé du viol d'une fillette de 11 ans en août 2009, a été acquitté. Selon les jurés, il n'y a pas eu de contraintes. Les éléments constitutifs du viol, «la contrainte, la menace, la violence et la surprise, n'étaient pas établis», a rapporté, le 11 novembre dernier, la procureure de Meaux, Dominique Laurens. À l'époque, la jeune fille de 11 ans se rend dans un parc avec l'accusé de 11 ans son aîné. Ce dernier explique qu'ils ont eu une relation sexuelle consentie, et affirme que la jeune fille lui a menti sur son âge, explique son avocat Me Samir Mbarki. Les faits ne sont découverts qu'en 2010, alors que la fillette est tombée enceinte.
Cet acquittement a été un «second traumatisme» pour la jeune femme, âgée aujourd'hui de 20 ans, selon son avocate, Me Laure Habeneck. Pourtant selon Me Mbarki, il n'a fait que plaider le droit. «À charge pour le législateur de changer la loi. Ce n'est ni à l'avocat, ni à l'accusé de porter la responsabilité de cette défaillance légale».
15 novembre: un professeur accusé d'entretenir une relation avec une élève de 14 ans
Un professeur de mathématiques de 31 ans sera jugé le 27 novembre à Fontainebleau, en Seine-et-Marne, pour avoir eu pendant plusieurs mois une relation avec une collégienne de 14 ans, a indiqué mercredi le procureur.
Le 5 novembre, c'est le beau-père de l'adolescente qui a emmené de force l'enseignant au commissariat après avoir appris leur histoire, présentée comme une «relation amoureuse» par la jeune fille. Le professeur se trouvait dans sa voiture, stationnée à proximité du domicile familial, a relaté Guillaume Lescaux, le procureur de Fontainebleau. Les deux hommes ont été placés en garde à vue et sont poursuivis: l'enseignant pour corruption de mineur de moins de 15 ans et atteinte sexuelle sur mineur de moins de 15 ans par personne abusant de l'autorité de ses fonctions, et le beau-père pour violences et séquestration.
Selon Le Parisien, le professeur et son élève se seraient rapprochés en février dernier, en dialoguant via Instagram, et auraient entamé une relation en juin. «Même quand il y a consentement, un adulte ne peut pas avoir de relations sexuelles avec un mineur de moins de 15 ans. Et, quand on est en position d'autorité, le consentement n'est possible qu'à partir de 18 ans», rappelle le magistrat.
Qu'en dit le gouvernement?
Le débat est sur la table. Et le gouvernement affiche la volonté de faire changer les choses. «Nous réfléchissons à une chose nouvelle, qui est une présomption de non-consentement à l'acte sexuel en deçà d'un certain âge. Nous avons une réflexion à conduire très rapidement sur l'âge, qui peut être 15, 14, 13 ans», a affirmé la garde des Sceaux Nicole Belloubet, sur CNews, mercredi.
Une déclaration qui s'inscrit dans la continuité de ce qu'avait annoncé Marlène Schiappa, secrétaire d'État à l'Égalité entre les femmes et les hommes, après l'affaire de Champs-sur-Marne. Elle avait déclaré qu'un «projet de loi est en cours d'élaboration, notamment sur la présomption irréfragable de non-consentement des enfants».
Si l'âge de la majorité sexuelle devrait rester 15 ans, comme l'a affirmé Nicole Belloubet, le gouvernement planche sur la question du non-consentement. «Nous cherchons quelle est la meilleure des solutions du point de vue du seuil d'âge», a précisé la ministre qui estime que 13 ans semble être l'âge le plus adapté. S'il est retenu, cela suivrait les préconisations le Haut-commissariat à l'Égalité entre les femmes et les hommes.
Source : Le Figaro