Bruxelles propose une solution humanitaire à la crise du lait en Europe

mar, 12/20/2016 - 10:35 -- siteadmin

Pour soulager le marché du lait aujourd'hui saturé, la commission européenne a débloqué des fonds visant à acheter une partie de la production européenne pour l'envoyer aux enfants syriens. Les premiers convois arrivent ce mois-ci en Syrie.

Accentuer les efforts humanitaires en Syrie et soulager le secteur laitier en crise en Europe. C'est le double objectif que s'est fixé l'Union européenne. Bruxelles a même trouvé le moyen d'associer ces deux combats. Au printemps dernier, la Commission européenne a voté le déblocage de 30 millions d'euros pour l'achat de lait aux producteurs européens. Un lait qui sera ensuite acheminé jusqu'à 350.000 enfants en Syrie et dans les camps de réfugiés. Selon la Commission, les premières cargaisons seraient arrivées en Syrie ce mois-ci.

Les 30 millions d'euros consacrés à ce programme seront ponctionnés sur les différentes aides en faveur des agriculteurs européens adoptées ces derniers mois. En septembre 2015, 500 millions d'euros ont été votés en faveur du secteur après une nouvelle série de manifestations des éleveurs, éreintés par la chute des prix du lait depuis la fin des quotas. Une nouvelle enveloppe du même montant a été adoptée en juillet dernier. «Ce programme visera non seulement à aider les agriculteurs européens en leur achetant du lait de consommation, mais contribuera également de manière significative à faire face aux enjeux majeurs auxquels l'UE est confrontée du fait de la crise des réfugiés», explique la Commission européenne dans un communiqué.

Du lait acheminé vers Alep

Selon Politico, qui a eu accès à des documents détaillant ce programme européen, le projet est encadré par le Programme alimentaire mondial de l'ONU. Déjà 17.500 tonnes de lait ont été achetées à deux multinationales européennes, la portugaise Lactogal et l'irlandaise Glanbia. Le lait en question est du lait UHT qui présente un double avantage: pouvoir se conserver plusieurs mois à température ambiante et se consommer directement, sans avoir à ajouter de l'eau, dont l'accessibilité et la qualité ne sont pas toujours garanties dans les zones de guerre.

Ce lait européen doit débarquer au port de Lattaquié pour être ensuite acheminé par des compagnies de transport syriennes vers des entrepôts à Tartous, Homs ou encore Damas. La ville d'Alep, où la bataille entre les forces du régime et les rebelles touche à sa fin dans des conditions terribles pour les civils, est aussi visée.

Les premières distributions devaient avoir lieu en octobre mais le programme a été retardé par des «obstacles administratifs» et des risques pour la sécurité suite au bombardement d'un convoi humanitaire fin septembre. Elles ne commencent donc qu'en décembre et devraient se poursuivre au moins jusqu'en mars.

Pour l'Union européenne et ses États membres, qui se sont engagés à fournir plus de 3 milliards d'euros en 2016 pour venir en aide aux personnes touchées par cette guerre, il y a urgence. «Le conflit qui déchire la Syrie a eu une incidence grave sur le secteur agricole du pays, entraînant une baisse de la production alimentaire, et notamment de produits laitiers. Avant la crise, les familles syriennes consommaient en général du lait et divers produits laitiers chaque jour. Actuellement, le lait a, dans certains cas, complètement disparu de leur alimentation», expliquent-ils. «Le ‘paquet lait' constitue donc un train de mesures exceptionnel qui vient compléter l'aide humanitaire déjà substantielle apportée par l'UE aux personnes nécessiteuses», ajoutent-ils. Avec l'avantage de pouvoir faire d'une pierre deux coups, «à savoir soutenir les agriculteurs dans une période très difficile tout en veillant à ce que l'Union demeure entièrement concentrée sur le principal enjeu de la crise actuelle des réfugiés», décrypte Phil Hogan, commissaire à l'Agriculture et au développement rural, dans un communiqué.

Ce n'est pas la première fois que la crise syrienne est présentée comme l'une des solutions à la crise agricole en Europe. En octobre dernier, la Fédération interprofessionnelle du bétail et des viandes proposait à Bruxelles d'acheter le surplus de viande pour le redistribuer dans les principaux pays d'accueil des réfugiés. Avec pour objectif final d'enrayer la chute des prix. Pour le moment, cette proposition a été écartée par Phil Hogan. Mais le ministre français de l'Agriculture Stéphane Le Foll et ses homologues allemand et polonais, Christian Schmidt et Krzysztof Jurgiel, la soutiennent. «Les ministres invitent la Commission européenne à travailler sur la mise en place d'un programme d'aide humanitaire - en nature -portant sur des produits à base de viande bovine, au bénéfice des pays faisant face à un afflux de réfugiés», écrivent-ils dans un communiqué.

Source: Le Figaro