Du 6 au 8 octobre 2016, médecins généralistes et spécialistes assisteront aux Entretiens de Bichat à Paris, pour faire un état des lieux de la santé d'aujourd'hui. Le docteur Manuel Bouvard, pédopsychiatre au centre universitaire Charles Perrens (Bordeaux), participera à une table ronde sur l'hyperactivité de l'enfant.
Au sein de l'un des dix centres de consultation dédiés au TDAH (trouble du déficit de l'attention et de l'hyperactivité) de France, le spécialiste suit depuis 15 ans des enfants qui présentent ces anomalies du comportement, souvent confondues à tort, avec de la turbulence, de l'agressivité ou de la provocation.
Comment définiriez-vous le trouble du déficit de l'attention et de l'hyperactivité (TDAH) ? Avec quelles manifestations peut-il être confondu ?
Un enfant qui présente un TDAH ne peut pas réguler son activité, il ne fait pas exprès, son comportement, indépendant de sa volonté, peut être comparé à une voiture lancée en pleine course qui n'a pas de freins. Les troubles du comportement qui irritent l'entourage sont souvent pris, à tort, pour de l'agressivité ou de la méchanceté. Le TDAH se définit par les trois critères suivants: le plus gênant est l'incapacité à maintenir et contrôler son attention, puis à réguler la motricité (hyperactivité). Ce sont des enfants qui ne peuvent pas s'empêcher de bouger et, enfin, qui ont une incapacité à attendre (impulsivité). Les TDAH purs représentent 25% des cas. Mais dans 20% d'entre eux, ils coexistent avec de l'anxiété et de la dépression que l'on voit apparaître vers l'âge de 10 ans ou à l'adolescence, et dans 10% des cas avec des crises d'épilepsie sous forme d'absences.
En France, combien d'enfants sont concernés par ces troubles ?
Environ 5% des enfants "en âge scolaire" en France sont concernées par le TDAH. Ils sont diagnostiqués en moyenne vers l'âge de 6/7 ans, à l'entrée au CP, où les contraintes scolaires vont leur demander de se concentrer et de se tenir plus calme. Les filles sont moins détectées, car une petite fille dans la lune qui rêvasse, c'est moins gênant qu'un petit garçon qui fait du bruit. Par conséquent, on voit des femmes qui se plaignent à l'âge adulte, elles ont un niveau scolaire beaucoup plus faible et présente un déficit d'attention handicapant. Globalement, ces enfants ont une très mauvaise estime d'eux-mêmes, car ils sont considérés comme d'éternels vilains petits canards. Leur risque d'addiction à l'adolescence est multiplié par 4.
Sur quels critères parvenez-vous à poser un diagnostic ?
On va mener une procédure clinique rigoureuse sur 2 mois environ en recherchant des manifestations et leur durée dans différents cadres : à l'école, à la maison, au centre de loisirs avec des personnes différentes. Concrètement, on va utiliser plusieurs entretiens familiaux et individuels, des tests d'observation, des questionnaires permettant de décrire le comportement de l'enfant à l'école et à la maison, des tests d'attention à l'aide de serious games, des examens psychologiques, orthophoniques pour analyser les fonctions cognitives liées à l'apprentissage.
Connait-on aujourd'hui les facteurs de causalité du TDAH ?
On sait que le TDHA est lié à une anomalie de maturation du cerveau, de réseaux de neurones impliqués dans le contrôle du comportement au niveau du cortex préfrontal. Il existe aussi des facteurs environnementaux suspectés tels que l'exposition au plus jeune âge à des pesticides ou produits toxiques qui augmentent le risque de ce développement neuronal. On sait aussi qu'un stress important pendant la grossesse peut être un facteur de vulnérabilité. Enfin, une vulnérabilité génétique est à prendre en compte: quand un patient est hyperactif, le risque est multiplié par 10 pour l'enfant. Les anomalies en dopamine et sérotonine peuvent jouer sur la maturation de ces réseaux neuronaux. Dans le cas du syndrome des jambes sans repos qui coexiste souvent avec le TDAH, on a trouvé des carences en fer.
Quels outils donnez-vous aux parents pour les aider ?
Il faut d'abord leur expliquer qu'ils ne sont pas responsables de la maladie, contrairement à ce qu'ils pensent souvent. Après plusieurs années, ils sont souvent épuisés et désemparés. Dans le pire des cas, on peut voir des cas de maltraitance, car la gestion de ces enfants peut être très conflictuelle. Dans la prise en charge, on va considérer les parents comme des acteurs et des collaborateurs pour mettre en place des stratégies et non les considérer comme à l'origine des troubles.
Pouvez-vous donner quelques exemples ?
Le but, lorsqu'on attend des choses précises de son enfant, c'est de le mettre dans un endroit avec le moins de distracteurs possibles et de réduire la durée de ces tâches à des petites séquences de 10 minutes que ce soit les devoirs, bains, repas ou autres activités. Deuxièmement, on va féliciter l'enfant dès qu'une action est réussie ou en le récompensant avec un système de bons points. À l'inverse quand la tension monte et que l'enfant devient énervé, on stoppe l'activité, on lui parle, on va faire un jeu. Il faut absolument éviter la spirale de la punition, de la menace. À l'école, il faudrait s'inspirer du modèle québécois et nord-américain où les enfants sont installés au premier rang dans la classe, avec des temps de travail aménagés, et une utilisation de leur besoin de bouger dès que possible: distribuer les copies, aller chercher quelque chose chez le directeur, etc.
Quel traitement permet aujourd'hui de réguler le TDAH ?
Le traitement médicamenteux n'est pas systématique, mais le méthylphénidate, un stimulant de la famille des amphétamines, marche extrêmement bien. Je le prescris dans les formes les plus sévères qui résistent aux différents outils d'éducation thérapeutique. 75% des enfants sont améliorés à l'aide de ce médicament qui va stimuler les fonctions de contrôle. Parallèlement aux exercices d'entraînement de l'attention, des séances de psychothérapies et des entretiens familiaux, le traitement sera testé sur 2 à 3 années scolaires.
Les thérapies de relaxation sont-elles un recours d'avenir possible selon vous ?
Oui, des méthodes comme le neurofeedback, des stratégies de relaxation et de mindfulness peuvent servir en complément à ces enfants pour dompter leur impatience, réduire leur explosivité et les aider à s'autoconcentrer.
Source : Le Parisien