Il y un an, un violent conflit entre groupes ethniques dans la communauté de Jeannette l’a forcée à fuir de son village. Aujourd’hui, elle est un membre actif du comité pour la paix de son école. En jouant dans des pièces et en organisant d’autres activités de sensibilisation, Jeannette se sert de l’école pour tenter de créer des passerelles entre les groupes de sa communauté qui sont en désaccord.
Sous un large manguier, à quelques mètres de la cour de son école, Jeannette, 14 ans, achève un spectacle théâtral sous une salve d’applaudissements de la part des habitants du village de Ngombe Nwana. La pièce met en scène la résolution pacifique d’un conflit entre les jeunes de deux villages qui se sont affrontés violemment à la suite d’un vol. Avec plusieurs de ses camarades de classe, Jeannette est devenue membre, il y a quelques mois, du comité pour la paix de son école. Ensemble, ils organisent des activités pour mieux sensibiliser la population à la consolidation de la paix.
Jeannette est une fille issue du groupe ethnique Batwa (pygmées). Dans cette région rurale de la République démocratique du Congo, les Batwas vivent aux côtés des Balubas (bantous), une coexistence qui tourne parfois au conflit communautaire. Début 2015, Jeannette a dû s’enfuir de son village dans la région de Manono quand ont éclaté des confrontations entre les Pygmées et les Bantous.
« Mon village a été attaqué et brûlé et j’ai été obligée de m’enfuir avec toute ma famille », dit Jeannette. « Après avoir marché pendant plusieurs jours, nous nous sommes réfugiés dans un camp pour déplacés jusqu’à ce qu’il soit, lui aussi, attaqué et brûlé. Nous avons fini par nous cacher dans un vieil entrepôt, à Nyunzu. »
Pendant plusieurs semaines, plus de 15 000 personnes, pour la plupart des femmes et des enfants, se sont retrouvées bloquées dans l’entrepôt, n’osant pas le quitter par peur de représailles. Une médiation de la part des autorités locales a finalement mis fin aux hostilités.
Des causes profondes de conflit
À la suite de ces événements, beaucoup de personnes déplacées n’ont pas pu retourner chez elles. « Les autorités ont décidé de les réinstaller dans des villages de manière à ce qu’elles puissent de nouveau travailler dans les champs et mener une vie normale », dit Delphin Mwengue Bin Mpungu, Chef de Sous division provinciale du Ministère de l’éducation à Nyunzu 2.
« Ces populations ont toujours cohabité ensemble et vivent en étroite dépendance puisque le plus souvent les Batwas travaillent pour les Baloubas. Mais les Batwas sont souvent marginalisés, ils ont un accès moindre à la terre ou aux services sociaux de base comme l’école », dit-il. « Cette discrimination est une source de tensions permanentes et la situation peut s’embraser à la moindre étincelle. »
L’école : une priorité pour le retour à la paix
Avec l’appui de l’UNICEF, le gouvernement a eu comme priorité de rouvrir les écoles dans les villages. « Certaines avaient été saccagées ou brûlées pendant les conflits et beaucoup d’enseignants avaient fui » explique Gaston Mugunga Muhiya, directeur de l’école de Ngombe Nwana. « Nous avons également mené un travail de sensibilisation, porte à porte, pour convaincre les parents de remettre leurs enfants à l’école. »
Heureusement, cette campagne a porté ses fruits. « Aujourd’hui, nous avons 339 élèves, dont plus d’un tiers sont des enfants pygmées », dit-il.
« Dans ces situations d’après conflit, le rôle de l’école est très important », explique Chantal Kaping Nzemba, chargée de l’éducation à l’UNICEF. « Une école qui accueille de nouveau les enfants dans un village, c’est d’abord le signe que la paix est revenue. Mais au-delà, l’école offre également la possibilité de réapprendre à vivre ensemble. »
Apprendre à vivre ensemble pacifiquement
Cette capacité à vivre ensemble, de façon ouverte et harmonieuse, est la dimension qu’appuie l’UNICEF à travers le programme « Apprendre pour la paix ».
Ce programme est issu d’un partenariat entre l’UNICEF, le Gouvernement des Pays-Bas, les gouvernements nationaux des pays participants et d’autres partenaires clés. L’objectif d’ensemble de cette initiative est de renforcer la résilience, la cohésion sociale et la sécurité humaine dans les situations de conflit, y compris les pays à risque et ceux qui connaissent ou sortent d’un conflit. En particulier, le programme « Apprendre pour la paix » vise à renforcer les politiques et les pratiques en matière d’éducation pour la consolidation de la paix.
« En plus de l’apprentissage, nous voulons que les enfants puissent s’épanouir et vivre ensemble pacifiquement », ajoute Chantal Kaping Nzemba. « À travers l’école, ce sont les différents niveaux de la communauté qui peuvent être ciblés. Les enseignants ont d’abord été formés à encadrer des activités favorisant la cohésion sociale au sein de l’école. Grâce à cette formation, les enfants sont devenus des acteurs dans la consolidation de la paix en participant à des comités pour la paix et en organisant des activités sportives, des discussions ou des représentations théâtrales pour sensibiliser les communautés. Les adolescents ont également la possibilité de s’exprimer et d’organiser des activités au sein des clubs adodev. »
Les écoles servent aussi de point de rencontre entre les communautés. « En voyant que leurs enfants jouent ensemble, certains parents qui s’ignoraient auparavant sont poussés à s’entendre, notamment au sein des associations de parents ou à travers les activités communautaires », ajoute Gaston Mugunga Muhiya, le directeur de l’école.
Au total, plus de 165 écoles ont reçu l’appui appui de l’UNICEF pour la consolidation de la paix dans les sous-divisions de Manono, Kalemie, Nyunzu1 et 2 dans la province du Tanganyika.
Depuis 2012, le programme « Apprendre pour la paix » a touché la vie de plus de deux millions d’enfants et habitants des communautés d’Afrique occidentale et centrale.
Source: UNICEF