L’apprentissage de la régulation émotionnelle apparaît de plus en plus comme le moyen d’améliorer la vie scolaire.
Des lycéens hyperanxieux avant chaque remise de notes ou insensibles aux études ; des professeurs écrasés par un sentiment d’impuissance face aux incivilités quotidiennes ; des parents en colère face à un système qui «abîmerait» leurs enfants… À y réfléchir, la vie scolaire est une pétaudière émotionnelle, susceptible d’exploser à tout moment.
Face à ce maelstrom expliquant une partie des mauvais résultats de l’éducation à la française, de nouvelles approches s’imposent. Et si pendant longtemps l’accent a été mis sur le contenu même de l’enseignement, il apparaît désormais essentiel de le dispenser dans un esprit de «mieux-être» et de «mieux vivre ensemble». Les récentes découvertes neuroscientifiques confirment en effet cette évidence: un enfant heureux d’aller à l’école apprend mieux.
Un programme «Well-being»
Aujourd’hui, çà et là dans l’Hexagone, se multiplient les expériences, le plus souvent nourries de psychologie positive, et ayant fait leurs preuves dans d’autres pays.
En novembre dernier, c’est la Fondation Seve (Savoir être et vivre ensemble, www.fondationseve.org), conçue et impulsée par Martine Roussel-Adam et le philosophe Frédéric Lenoir, qui a été reconnue par le ministre Blanquer comme «association éducative complémentaire de l’enseignement public». Celle-ci, rappelons-le, fédère toutes les initiatives visant à promouvoir la pratique de l’attention chez les enfants et permet la formation d’adultes qui initieront, dans le cadre scolaire, à la méditation et à la philosophie.
Ailleurs, un programme «Well-being» créé par une enseignante, Laure Peynaud, et une chercheuse en psychologie positive, Ilona Boniwell, est enseigné dans 19 classes, du CM1 à la sixième. Une dizaine d’écoles le mettent en pratique (voir leur livre Parcours d’éducation positive et scientifique PEPS, Éd. Leduc.s, et leur site www.scholavie.fr).
Dans ces initiatives, les mêmes credo: favoriser la régulation et la résilience émotionnelle, instaurer l’autorité bienveillante, le non-jugement, l’apprentissage de l’empathie, de la motivation… seuls garants aujourd’hui de l’acquisition du savoir. Pour tous ces acteurs, une évidence: si ces initiations boostent le mental des élèves, cela ne peut qu’améliorer celui des enseignants, qui en ont bien besoin.
«Jusqu’à aujourd’hui, les enseignants n’ont reçu que très peu de formations fondamentales concernant les problèmes relationnels en classe et les émotions qui s’y jouent, observe Emmanuelle Piquet, psychopraticienne et fondatrice des centres Chagrin scolaire, auteur deComment ne pas être un prof idéal? (Éd. Payot). Or leurs difficultés sont immenses: comment gérer, en effet, des élèves habitués à être dans la négociation avec les adultes? Comment s’adapter à des enfants “différents” de ceux qu’ils ont été? La plupart des profs vont en cours avec la “boule au ventre”. Pourtant, ils sont très persévérants… Mais avec des méthodes qui ne marchent pas!»
Formée à l’école de Palo Alto, Emmanuelle Piquet ne propose pas de mode d’emploi pour tous, mais aide chaque professeur à «stopper ceux de leurs comportements qui aggravent le problème». Exemple, oser dire à l’élève hyperagité en classe et incapable, malgré de multiples injonctions, de se taire: «OK, ne sois pas silencieux si tu veux.»
Les psycho-praticiens formés à cette approche aident, à travers des réunions plurielles, l’ensemble de la communauté éducative: élèves harcelés ou en échec, équipes éducatives frappées par le sentiment de honte de ne pas «y arriver»… Et parents. «Les parents voudraient que tout soit parfait à l’école, observe Emmanuelle Piquet. Ils ne supportent pas les émotions négatives, or celles-ci sont inévitables. Alors, tous ensemble, on traite des problèmes relationnels et des solutions possibles.»
Une nouvelle reconnaissance des émotions à l’école? Pour Bernard Jumel, spécialiste des troubles de l’apprentissage ayant longtemps formé des psychologues scolaires, rien de tout cela n’est au fond très nouveau. «Pas besoin de termes neuroscientifiques pour découvrir que l’élève est un pur produit de la relation avec l’adulte qui l’éduque, et qu’il n’existe aucune intelligence indemne de transmission, estime-t-il. Cela n’a rien de neurologique.» Lui préconise, pour l’enfant naturellement pris dans une angoisse liée à sa croissance, le travail en petits groupes. Autour de contes, notamment. Le Petit Poucet, de Charles Perrault, par exemple. «C’est un support qui, depuis des siècles, parle de l’angoisse de séparation. Le lire, le penser ensemble… Voilà une manière de travailler sur les émotions négatives! Et profitable autant aux élèves qu’aux enseignants, eux qui sont pris dans la peur de perdre le sens de leur fonction.»
Source: Le Figaro
http://sante.lefigaro.fr/article/ecole-les-emotions-au-premier-rang/