Par le jeu, l'enfant expérimente le monde qu'il met à sa portée. Il explore ce qu'il n'a pas compris et traduit ses inquiétudes. « Dites-moi à quoi il joue, je vous dirai comment il va ». En s'appuyant sur le livre de Sophie Marinopoulos, Baptiste Fiche, psychologue, donne aux parents les clés du jeu.
Qu'est-ce que l'enfant développe par le jeu ?
C'est son moyen de réussir à comprendre ce qui l'entoure, en se mettant à distance. Le jeu est le travail de l'enfant. Le petit joue dès sa vie intra-utérine. Il se construit par le jeu, son développement en dépend. Cela va déterminer son rapport au monde et sa façon d'acquérir des connaissances.
Y a-t-il des jouets indispensables ?
Ce n'est pas l'objet matériel qui compte mais le rapport à l'objet. Imaginer une histoire, c'est déjà jouer. Le jeu, c'est sérieux. Même des choses qui peuvent paraître insignifiantes à un adulte, répondent à une question du petit. Il faut des temps de jeu libre qui ne soient pas toujours structurés.
Pourquoi certains enfants jouent bien seuls, alors que d'autres sollicitent systématiquement l'adulte ?
Peut-être est-ce cela son jeu ! Il tente de faire du parent son jouet. Il faut alors lui expliquer que le parent n'est pas à sa disposition. Il faut qu'il comprenne qu'on ne peut pas tout avoir dans l'immédiat ; ce qui est un peu le problème de notre société. Peut-être que cela va le mettre en colère, mais il doit faire l'apprentissage de la frustration même si, pour certains, parfois jusqu'à l'âge adulte, c'est difficile à accepter. Il est dans le maintenant tout de suite, sans discontinuité, sans rupture. Or il doit pouvoir accepter que son projet de jeu puisse être différé, qu'il y a des limites et qu'il est parfois nécessaire d'anticiper. Cela implique que l'adulte sache dire « non », ce qui est difficile pour ceux qui ont peur que leur enfant ne les aime plus s'ils ne répondent pas à leurs attentes. Or, justement, l'enfant attend qu'on lui montre les limites.
Est-ce cependant important que les parents jouent avec leurs enfants ?
Il n'y a aucune obligation. En tout cas, c'est important de l'accepter uniquement quand on est disponible. Mieux vaut ne pas le faire que de le faire contraint. Quand le parent joue avec son enfant, il le met en situation de partage. Jouer avec lui, c'est aussi travailler son sentiment de sécurité en l'accompagnant plus loin dans l'exploration.
L'enfant passe-t-il par différentes phases de jeu au cours de son développement ?
Il va d'abord apprendre à explorer son corps. Ensuite, vers 8-9 ans, il va explorer les autres ; c'est un âge où il joue plus en groupe et où il cherche à se mesurer à travers la compétition. Plus grand, il va explorer son environnement.
Quels comportements ludiques peuvent traduire un souci de l'enfant ?
Un jeu sans limite qui montrerait qu'il est bloqué sur quelque chose ; car un jeu doit avoir un début et une fin. Sans intervenir, le parent doit alors écouter ce qu'il dit et l'observer. L'enfant met au travail ce qui l'inquiète et ce qu'il ne comprend pas.
La notion de limite se pose beaucoup pour les jeux vidéo.
Déjà, c'est aux parents de se mettre des limites à eux-mêmes pour être crédibles quand ils vont dire à leur enfant qu'il doit quitter l'écran. Le jeu vidéo n'est pas néfaste en lui-même, il permet de développer certaines compétences. Mais il devient mauvais quand l'enfant s'enferme dedans et ne fait plus autre chose : ça ne lui apporte plus rien et bloque d'autres acquis.
Source : Le Télégramme